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mière faculté, il semble que, si l'âme n'avait absolument aucune perception, toutes les autres facultés lui seraient inutiles, ou peut-être même qu'elles n'existeraient pas. Par conséquent, si la perception n'est pas la première faculté, elle ne doit pas en être éloignée. Je note la perception.

Raison, raisonnement, rapport, réflexion, sont incontestablement des facultés dérivées.

Sensation je dis de la sensation ou faculté de sentir, ce que j'ai dit de la perception ou faculté de percevoir. Si l'âme ne sentait pas, de quoi serait-elle capable? pourrait-elle exercer quelque faculté ? je note la sensation. Synthèse : c'est une méthode.

Volonté : elle suppose quelques idées, quelques perceptions, quelques sensations.

Voilà maintenant notre problème extrêmement simplifié. Nous sommes débarrassés d'une multitude de facultés qui ne peuvent pas être à la tête du système; et le premier rang appartient nécessairement, ou à l'idée, ou à la perception, ou à la sensation.

Mais ne peut-on pas simplifier encore? ces trois facultés n'admettent-elles pas entre elles quelque ordre de priorité?

En les examinant avec un peu d'attention,

on voit bientôt que l'idée ne peut se montrer qu'après la sensation. Ne faut-il pas, en effet, que nous ayons reçu l'impression des objets avant d'en avoir quelque idée? l'idée ne peut donc occuper le premier rang.

Restent la sensation et la perception. Mais qu'est-ce que la perception ou la faculté de percevoir ? elle ne peut être que la faculté de sentir, ou celle d'avoir des idées dans l'un ou l'autre cas, ce n'est qu'un mot inutile, propre à jeter de la confusion, et que nous bannirons de l'entrée de notre système.

La faculté de sentir est donc la première faculté de l'ame; tel est le résultat auquel vous serez inévitablement conduits par la langue que parlent tous les philosophes.

Vous refusez-vous à cette conclusion? répugnez-vous à l'admettre? changez donc votre langue, ou, si vous tenez à la conserver, soyez conséquens, et dites que la faculté de sentir est, en effet, la première faculté de l'âme.

S'il en est ainsi, le principe de notre intelligence n'est plus un mystère : il se montre à découvert. Il ne s'agit que de le suivre dans toutes ses conséquences, pour en former un système qui ne sera pas moins solide que régulier, puisqu'il aura ses fondemens dans la nature : ou plu

tôt, la chose est faite, et c'est Condillac qui en a la gloire.

Si, au contraire, la sensation ne peut être le principe que nous cherchons, alors le système, quelque régularité qu'il puisse présenter dans l'ordonnance de ses parties, manque par la base, et il est à refaire.

Nous avons donc à examiner d'abord, comment, de la simple sensation, Condillac peut faire sortir toutes les puissances de l'esprit ; et, si nous trouvons que le problème ne soit pas bien résolu, nous 'chercherons à en donner une autre solution.

TROISIÈME LEÇON.

Système des opérations (1) ou des facultés de l'âme, par Condillac.

Si les philosophes avaient raisonné conséquemment à leur manière de parler, il semble qu'ils auraient dû voir la première faculté de l'âme dans la sensibilité, ou dans la sensation, ou dans le sentiment; expressions qui signifient ici une seule et même chose, la faculté de sentir.

Aucun d'eux n'est arrivé à ce résultat qu'ils ne prévoyaient pas; que plusieurs, que tous peut-être eussent désavoué. Ils ne pouvaient pas même y arriver, parce que, en pronon

(1) Chaque opération de l'âme, c'est-à-dire, chacune de ses manières d'agir, présuppose une faculté, un pouvoir d'agir. Ainsi, autant d'opérations, autant de facultés correspondantes. Le système des opérations est donc en même temps le système des facultés. Exposer le premier, c'est exposer le second.

Est-il nécessaire d'avertir que l'opération étant la faculté en exercice, l'usage permet, dans beaucoup de circonstances, de substituer le mot faculté au mot opération, et réciproquement. Nous en avons déjà vu des exemples ( p. 65 ).

çant le mot faculté, leur esprit se portait sur les idées, qui sont le produit ou l'effet de l'action des facultés, mais qui ne sont pas des facultés.

On ne faisait pas cette distinction entre les idées et les facultés : on croyait satisfaire à tout, en traitant des idées. On demandait si elles viennent des sens, si elles sont innées, si l'âme les reçoit passivement, etc.

On cherchait donc l'origine des idées, le principe des connaissances: on ne s'avisait pas de chercher le principe des facultés: on établissait entre les idées un ordre plus ou moins régulier, plus ou moins naturel il n'était pas question d'ordonner les facultés, de les réduire en système ; on n'y pensait pas.

:

Condillac est le seul qui ait imaginé de séparer les facultés, de leurs produits, et de faire deux questions différentes, de la théorie des facultés et de la théorie des idées. Et, chose singulière lui seul, entre tous les philosophes, semblait ne devoir pas faire cette séparation puisqu'il ne voit partout que sensation; puisqu'il regarde la sensation comme le principe unique dont les transformations successives deviennent et sont, non pas seulement des idées, des rapports, des connaissances; mais

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