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sensations appartiennent à la matière, la pensée lui appartient aussi; car, c'est un seul et même être qui sent, et qui pense; mais Condillac, et la raison, nous défendent de croire que les sensations appartiennent à la matière elles appartiennent à l'âme ; c'est donc à l'âme qu'appartient la pensée, si la pensée est enveloppée dans la sensation.

Ceux qui placent la sensation dans une substance, et la pensée dans une autre, méconnaissent la voix du sentiment qui nous dit, qu'il y a unité dans notre nature.

Ceux qui les placent, l'une et l'autre, dans la matière, ne peuvent éviter les contradictions les plus choquantes.

C'est pour avoir mal démêlé ces choses, que certains spiritualistes fournissent, à leur insu, des armes aux matérialistes, lorsqu'ils parlent des sensations externes; et que d'autres ne craignent pas d'avancer que les sensations sont

matérielles.

Il n'y a pas de sensations externes : elles sont toutes internes, ou dans l'âme.

Quant aux sensations matérielles, c'est une expression barbare, qui ne serait pas même reçue, en parlant des propriétés des corps. Qui jamais, en effet, a pu dire, attraction

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Lors donc que Voltaire, après avoir mis en avant que la sensation enveloppe la pensée, ajoute ces mots : vous qui lisez et qui pensez, concluez; nous répondrons d'abord, que nous n'avons rien à conclure, puisque nous rejetons ce principe. Nous répondrons, en second lieu, la saine logique nous défend de tirer d'un tel principe, la conclusion qu'on indique; puisque, c'est la conclusion diamétralement opposée, qui est la véritable.

que

3°. « Les Grecs avaient inventé la faculté psyché pour les sensations et la faculté nous pour la pensée. »

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Il y a là deux mots à changer, le mot inventé, et le mot faculté appliqué aux sensations. On n'invente pas des facultés; on les reconnaît. Nous avons la capacité de sentir; nous n'en avons pas la faculté.

Après ces légères critiques, je vous prie de faire attention à cette psyché, et à ce nous. Dans psyché, ne voyez-vous pas la sensibilité, et dans le nous, l'activité ? et, y a-t-il dans notre âme, dans l'essence de notre âme, autre chose que sensibilité, et activité? parce qu'elle a la capacité de sentir, nous recevons passive

ment des sensations; et, parce qu'elle est active, nous pensons, c'est-à-dire, nous avons un entendement et une volonté, que nous appliquons aux sensations. Voilà ce que nous avons essayé de démontrer. C'est sur la distinction, et la séparation bien prononcée, des manières d'être passives, et des manières d'être actives, que repose le système que je vous aì communiqué et je ne pensais pas, en répondant aux argumens par lesquels on cherchait à identifier l'attention, et la sensation, ou, l'activité, et la passivité, que je défendais la cause du nous contre psyché.

J'avoue, que ce n'est pas sans une surprise bien agréable que, parcourant, un de ces jours, un volume de Voltaire, je suis tombé sur le passage que nous examinons: il se trouve qu'une chose que je croyais nouvelle, remonte aux premiers âges de la philosophie. Elle ne doit pas nous en inspirer moins de confiance.

Je ne veux pas dire que ce soit une chose nouvelle, d'avoir reconnu dans l'âme, des modifications actives, et des modifications passives: c'est, d'avoir attribué, d'une manière irrévocable, la passivité aux sensations exclusivement; et, à la pensée, l'activité exclusivement. Vous verrez bientôt, que pour

avoir transporté l'activité, ou la passivité, aux idées, qui sont le produit de l'action de la pensée ou faculté de penser, sur les sensations, on a tellement tout embrouillé , que les questions les plus simples sont devenues autant de mystères impénétrables.

Je ne prétends pas non plus que les anciens se soient fait, des deux propriétés fondamentales de l'âme, des idées aussi précises que nous le supposons. Par le nous, en effet, ils désignaient indifféremment l'âme, l'intelligence, la pensée, le sentiment; et par psyché, ils entendaient aussi, l'âme, le sentiment, les sensations; mais enfin, si le langage des anciens peut fournir matière à contestation, celui de Voltaire est très-clair, sauf l'impropriété de quelques termes.

4. « Nous ignorons malheureusement ce que c'est que ces deux facultés. Nous les avons; mais leur origine ne nous est pas plus connue qu'à l'huître, etc. »

D'autres seraient excusables, peut-être, de se plaindre de leur ignorance; mais vous, comment pouvez-vous dire que l'origine du nous, ou de la pensée, nous est inconnue? Si la pensée est enveloppée dans la sensation elle dérive de la sensation, elle a son origine

dans la sensation. Sur deux origines, en voilà donc une de bien connue, d'après vous-même.

Reste l'origine de la sensation : et l'on s'étonne de ne pas connaître cette origine! on est humilié de son ignorance! on est malheureux d'être réduit à la même condition que les moins intelligens de tous les êtres !

Il n'y a là, ni malheur ni ignorance. On cherche des origines, où il n'y a aucune origine : on veut faire des définitions, quand les définitions sont impossibles; et l'on s'étonne de ne pouvoir pas trouver des origines, de ne pouvoir pas faire des définitions?

Pour entendre ceci, il est nécessaire de mettre dans le langage plus de précision qu'on ne fait ordinairement.

Quand nous voulons exprimer le résultat de l'impression des objets sur les sens, nous disons que nous sentons; et si, à la forme du verbe, nous substituons celle du substantif, nous pouvons dire, à notre choix, que nous éprouvons une sensation, ou que nous éprouvons un sentiment.

Il faut bien remarquer qu'il n'est pas toujours indifférent de mettre une de ces expressions à la place de l'autre. Le mot sensation, indique une idée complexe : c'est le sentiment,

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