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Approfondir une question, un système, une science, c'est donc remonter à l'origine des idées, ou, si l'on aime mieux, aux idées qui sont l'origine de toutes les autres, et les poursuivre dans toutes les formes qu'elles peuvent revêtir, sous lesquelles elles peuvent se cacher. Tel est le sens du mot approfondir.

Fidèles à cette acception, ou du moins pénétrés de la nécessité de ne jamais nous en écarter, nous retirerons peut-être quelfruit de l'étude, trop souvent stérile, de la philosophie.

que

Mais, je suis forcé d'en faire l'aveu, et il est impossible de se le dissimuler, tout ne sera pas également facile dans un travail qui comprend nécessairementles questions les plus épineuses des sciences morales et métaphysiques.

Parmi le grand nombre d'idées dont se compose l'intelligence de l'homme, il en est quelques-unes qu'on dirait appartenir à des facultés inconnues, et qui semblent se cacher dans la profondeur de notre

être. Aliment des esprits présomptueux, des imaginations ardentes et d'une curiosité qui ne s'éteint jamais, elles se sont toujours montrées, et elles se montreront éternellement rebelles à toute philosophie qui ne saura pas les observer dans leur origine et au moment de leur naissance.

Malgré les difficultés que présente leur analyse, nous ne passerons sous silence ni celles qui, toujours présentes à nousmêmes, ont une origine qui se perd dans les commencemens de notre existence; ni celles qui, par leur universalité, entrent dans toutes nos conceptions; ni celles qui, par les divisions des sectes et des écoles, ont acquis une grande célébrité.

que

Il est un ordre d'idées et de vérités leur importance et leur objet placent audessus de toutes les autres. Sans elles la morale est privée d'appui, le crime ne connaît plus de frein, et la consolation manque à la vertu malheureuse. La philosophie serait indigne de son nom, si elle n'employait toutes ses ressources pour

rendre leur évidence égale à leur certitude.

Nous devrons chercher la solution de ces grandes et belles questions, non dans les développemens de quelques définitions arbitraires et convenues, mais en remontant, autant qu'il sera en nous, à l'origine même des idées qui les ont fait naître.

« Le professeur s'attachera spécialement à montrer l'origine et les développemens successifs des idées. »

Le second article ne prescrit donc que ce qui a été prescrit par le premier; mais il le dit d'une manière plus précise et plus lumineuse. Le premier article mal entendu pouvait nous égarer. En voulant nous enfoncer dans les profondeurs de la métaphysique, nous aurions pu nous perdre dans les profondeurs des ténèbres. Nous sommes avertis de nous attacher spécialement aux idées qui, placées à l'origine des sciences, en sont les vrais principes, aux idées qui sont la

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source de toute lumière. Il fallait donc reporter notre esprit vers ce passage de Mallebranche: « La méthode qui examine les choses, en les considérant dans leur naissance, a plus d'ordre et de lumière, et les fait connaître plus à fond que les autres. » Il fallait nous rappeler ces paroles remarquables d'Aristote; Optimè illum veritatem rei perspicere qui à principio res orientes ac nascentes inspexerit.

« Le troisième article veut que nous indiquions les causes principales de nos erreurs.»

Jamais la philosophie ne s'est montrée aussi éloquente que lorsqu'elle a tracé le tableau de la faiblesse et des égaremens de l'esprit humain. Qui n'a pas lu les beaux chapitres de Mallebranche sur les illusions des sens, sur les visions de l'imagination, sur les fausses abstractions de l'esprit, sur les couleurs infidèles dont nos passions teignent les objets, pour nous empêcher de les voir dans toute leur vérité? Qui n'a pas admiré Bacon faisant le dénombrement et comme le déplorable

inventaire de toutes les causes de nos erreurs? Et cependant on pouvait s'épargner ces savantes recherches et ces longues énumérations. Si les pensées de ces grands hommes s'étaient dirigées plus particulièrement sur l'influence des langues, ils se seraient instruits de tout le bien et de tout le mal qu'elles peuvent nous faire. Alors, en ramenant à une cause unique tous les désordres de la faculté de penser, il serait devenu plus facile de les prévenir ou d'en arrêter les suites funestes. Qui ne voit, en effet, qu'il n'y a rien qui ne puisse être pour l'homme une cause d'égarement? Assigner un trop grand nombre de ces causes, c'est moins éclairer l'esprit que l'embarrasser; les réduire toutes à une seule, et prouver que cette cause les comprend toutes, c'est l'avertir qu'il n'a qu'un seul poste à garder; c'est lui inspirer de la confiance et lui donner du courage.

Mais enfin, puisqu'il est reconnu que l'unique moyen de trouver la vérité consiste à remonter à l'origine de nos idées, et

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