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trouve dans toutes les logiques; il est facile de voir, que la logique, ou comme on la définit, la science régulatrice des facultés de l'esprit, ne peut, en aucune manière, commencer par un traité de l'idée. Les idées sont le résultat de l'action de nos facultés : elles ne sont pas des facultés; par conséquent elles ne peuvent pas entrer dans une théorie des facultés. L'attention, principe des facultés de l'entendement dans le système que nous avons adopté, ne peut donc pas se ramener à l'idée, qu'on suppose faussement principe de facultés, ou première faculté, dans le système que suit la logique des écoles.

Quant au jugement, si l'on ne veut pas se borner à entendre par ce mot, la simple perception du rapport entre les idées; et qu'on veuille lui faire exprimer le travail qui est nécessaire pour découvrir ce rapport; alors, j'en conviens, la comparaison sera la même chose. que le jugement, et je dirai comme les autres ; mais ce ne sera que du moment qu'ils auront dit comme moi.

Le système reçu dans les écoles, n'a donc qu'une fausse analogie avec celui que je vous ai proposé.

Je passe à la seconde observation qui m'a été

faite.

Vous placez, me dit-on, l'attention à la tête de toutes les facultés de l'âme. Mais, n'y a-t-il rien d'antérieur à l'attention? n'y a-t-il pas plusieurs facultés qui la précèdent? Comment ne pas reconnaître, d'abord, le sentiment, la sensation, l'idée, la perception, le sens intime, la conscience? toutes choses, qui, soit que les métaphysiciens veuillent les confondre, soit qu'ils les séparent, se montrent certainement avant l'exercice de l'attention.

Il y a ici bien des choses à démêler. Disons d'abord ce que nous entendons par le mot sentiment; nous ne serons plus embarrassés pour expliquer les autres.

Le sentiment (1) est ce que nous éprouvons, lorsque les objets extérieurs agissent sur nos organes, ou encore, lorsque, indépendamment de l'action de tout objet extérieur, il se fait quelque changement dans l'intérieur de notre corps. Nous sentons, par l'effet d'un coup reçu, par l'impression de la lumière sur la rétine, etc.; nous sentons, à la suite de certains mouvemens

(1) Il ne s'agit ici que d'une seule espèce de sentiment. On verra dans la seconde partie, leçon deuxième, qu'il faut en distinguer quatre espèces. Je ne serais pas entendu si je voulais anticiper.

qui ont lieu dans la membrane de l'estomac : c'est le sentiment de la faim, etc.

Nous ne connaissons le sentiment que parce que nous l'éprouvons. Si nous n'avions jamais souffert la faim, nous ignorerions ce qu'elle est. Si nous n'avions jamais vu des couleurs, nous ne pourrions pas les connaître. Les diverses manières de sentir ne nous sont connues que par l'expérience; et les paroles seraient inutiles, pour en donner une idée à celui qui ne les aurait pas éprouvées. Mais, pour ne pouvoir être définies ou expliquées par des paroles, elles n'en sont pas moins connues avec la plus grande clarté. Quoi de plus clair, en effet, quoi de plus distinct, que les sons, les couleurs, les saveurs? nous arrive-t-il jamais de les confondre?

Si le sentiment ne peut être connu que par expérience, tout ce qui dérive du sentiment peut être connu, à la fois, et par expérience, et par des explications verbales.

Ainsi, la sensation est le sentiment rapporté aux organes du corps, ou aux objets extérieurs. La sensation douloureuse qu'occasione, la goutte, est un sentiment de l'âme rapporté au pied: la sensation de l'odeur de rose est le sentiment de cette odeur rapporté à la rose.

L'idée, ou la perception, est le sentiment démêlé d'avec d'autres sentimens, avec lesquels il se trouvait confondu. Ceci sera expliqué, d'une manière très-détaillée, dans la seconde partie. (T. 2, leç. 1 et 4.)

Le sens intime, ou le sentiment intérieur, est le sentiment, considéré comme concentré en nous-mêmes.

La conscience, c'est encore le sentiment, lorsqu'il nous avertit de notre propre existence, ou de l'existence de nos modifications.

C'est donc par l'exercice de notre activité c'est par un retour sur nous-mêmes, quelque rapide qu'il puisse être, ou par une action de l'âme qui se porte au dehors, que le sentiment devient idée, sens intime, sensation, et que nous acquérons la conscience de notre propre existence.

Le sentiment est antérieur, sans doute, ne fût-ce que d'un instant indivisible, à l'attention, et à toute action de l'âme, puisque l'âme ne peut agir et donner son attention qu'autant qu'elle sent ou qu'elle a senti : mais le sentiment n'est pas une faculté ; il est le résultat des mouvemens qui s'opèrent dans le corps. Son antériorité n'empêche donc pas l'attention d'être l'opération fondamentale, la faculté

pre

mière, de laquelle dérivent toutes les autres facultés.

J'ai dit que le sentiment, lorsqu'il nous avertit de notre propre existence, prend le nom de conscience on a demandé, si un être sensible sait qu'il existe, du moment qu'il éprouve un premier sentiment; si par exemple, la statue de Galatée, au moment qu'elle s'anime sous le ciseau de Pygmalion, au premier moment où elle commence à sentir, peut dire moi.

Les métaphysiciens se partagent sur la solution de cette question. Les uns prétendent qu'il ne suffit pas d'un premier sentiment pour être averti qu'on existe; et les autres, que l'existence, ou la personnalité, ou le moi, se montre avec le premier sentiment.

Condillac, dans son Traité des sensations, suppose une statue, dont la vie commence par le sentiment d'odeur de rose; et il dit que, relativement à nous, qui sommes placés en dehors, elle est une statue qui sent une odeur de rose; mais que, relativement à elle-même elle n'est que l'odeur de rose, c'est-à-dire, que le simple sentiment d'odeur.

On a attaqué cette opinion, et l'on a soutenu contre Condillac, qu'à une première

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