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tendement, c'est-à-dire, les facultés que ture nous a données pour acquérir des idées toutes nos connaissances, en effet, sont le duit, ou du raisonnement, ou de la comparaison, ou de l'attention; du raisonnement, lorsqu'elles étaient enveloppées et cachées dans d'autres connaissances; de la comparaison, lorsqu'elles supposent la présence simultanée de plusieurs objets; de l'attention, lorsqu'un seul objet occupe notre esprit.

La faculté de raisonner dérive de celle de comparer; la faculté de comparer dérive de celle d'être attentif. Le raisonnement est une double comparaison; la comparaison, une double attention.

Mais l'attention, d'où dérive-t-elle? pourronsnous la définir comme nous venons de définir le raisonnement et la comparaison? et, si nous ne pouvons pas la définir, aura-t-on le droit de nous dire que nous n'en avons aucune idée, ou même que nous n'en avons pas une idée trèsclaire?

L'attention, c'est-à-dire, la puissance que nous avons de concentrer la sensibilité sur un seul objet, sur une seule modification de l'âme, étant le premier emploi de notre activité, le premier de tous les modes d'action que nous

découvrons au dedans de nous-mêmes, chercher à définir l'attention, c'est chercher l'impossible.

Définir une idée, un fait, c'est montrer l'idée ou le fait connus dont ils dérivent, et la modification qu'ils ont dû éprouver, pour devenir l'idée ou le fait qu'on se propose de définir. Définir le nombre huit, c'est rappeler d'abord le nombre sept qu'on est censé connaître, et avertir que ce nombre sept connu est augmenté d'une unité. Définir la multiplication, c'est, à l'idée de l'addition qu'il faut supposer connue, ajouter celle de l'abréviation, au moyen de laquelle l'addition devient l'opération qui multiplie. Définir le papier, c'est, à l'idée de toile ou de soie, ou de toute autre matière avec laquelle on peut le faire, et qu'il faut supposer connue, ajouter l'idée des opérations qu'on fait subir à cette matière, pour qu'elle devienne du papier.

La définition d'une idée n'est donc possible, qu'autant qu'on a une idée antérieure de laquelle dérive celle qu'on se propose de définir. D'où il suit que l'idée fondamentale d'une science ne peut jamais être définie; car l'idée fondamentale d'une science en est l'idée première, et par conséquent une idée qui n'en a

pas d'antérieure, du moins parmi toutes les idées qui forment cette science.

On ne définira pas l'attention, ni l'activité de l'âme, parce que dans l'âme il n'y a rien d'antérieur à son activité; je veux dire, rien d'antérieur, d'où l'activité puisse tirer son origine. Il ne suffirait pas, en effet, de dire que le sentiment est antérieur à l'action, puisque l'âme n'agit que parce qu'elle sent ou qu'elle a senti; car il ne suffit pas, pour qu'un fait soit la raison d'un autre, qu'il luisoit antérieur : il faut, et qu'il lui soit antérieur, et qu'il subisse une modification qui le change en celui qui suit; or, par quelle modification la sensibilité pourra -t-elle se changer en activité? conçoit-on le sens de ces mots? une propriété passive transformée en une faculté active! l'énoncé seul est une contradiction.

L'activité de l'âme ne peut donc pas se définir nous la connaissons parce que nous en sentons l'exercice : et même c'est plutôt l'action que l'activité que nous sentons. Mais, ni l'action, ni l'activité, c'est-à-dire, cette force que nous sentons au dedans de nous-mêmes, et qui est la cause de tous les changemens qui ne dépendent pas des objets extérieurs, ne pourront jamais se définir; et, pour les connaître,

il faudra toujours en appeler au sentiment. Concluons, à l'inverse des objections qu'on nous a adressées :

1°. Que l'âme n'est pas la cause productrice de ses sensations;

2o. Que, de ce qu'elle agit au moment même qu'elle sent, il ne s'ensuit pas que l'action soit une modification de la sensation;

3°. Que la sensation n'est pas suivie nécessairement de l'attention;

4°. Que dans la supposition où la sensation et l'attention seraient inséparables, il ne s'ensuivrait pas qu'elles ne fussent qu'un seul et unique phénomène;

5°. Que l'idée de l'attention est très-claire, quoiqu'on ne puisse pas la définir.

Après cette discussion, qui vous fera concevoir d'une manière plus évidente, combien la sensibilité seule est impuissante pour rendre raison de l'intelligence, je dois revenir sur une idée que j'ai mise en avant dans la dernière leçon.

J'ai dit qu'il n'y a jamais de création dans l'esprit de l'homme. Cette proposition amenée par ce qui la précédait, mais que je n'ai fait suivre d'aucun développement, a été trouvée paradoxale par quelques-uns d'entre vous.

Comme paradoxal, dans la bouche de ceux qui font des objections, est à peu près la même chose que faux, je me vois obligé d'entrer dans quelques considérations, anticipées peut-être, mais nécessaires pour faire sentir la vérité de mon paradoxe.

Quels que soient les systèmes dont nous faisons l'étude, qu'ils soient l'ouvrage de la nature ou de l'homme, la connaissance que nous pouvons en prendre se réduit à celle des principes et à celle de leurs conséquences: et, comme les conséquences se bornent à nous montrer ce qui était caché dans les principes, et que les principes sont donnés par la nature, il s'ensuit que l'esprit de l'homme ne crée rien, et ne peut rien créer. Il trouve les principes, et ne fait que découvrir les conséquences, c'est-àdire, qu'il les aperçoit sous l'enveloppe qui les lui dérobait.

L'esprit de l'homme ne crée donc pas. Mais ne changeons point la langue : gardons-nous de lui enlever ses richesses, et de l'appauvrir par une sévérité que la raison et le goût ne sauraient nous pardonner.

Homère, Corneille, Newton, seront toujours des génies créateurs. Eh! qui pourrait ne pas voir des créations charmantes dans les fic

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