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distinguer dans l'âme deux états opposés; celui dans lequel elle reçoit la sensation, et celui dans lequel elle agit ou réagit sur la sensation. C'est ce second état qui constitue l'attention. (Leç. 4.)

(C) ( pag. 90.) La comparaison n'est donc qu'une double attention. Elle consiste dans deux sensations qu'on éprouve, comme si on les éprouvait seules, et qui excluent toutes les

autres,

Il est évident que si l'attention est autre chose qu'une sensation, la comparaison est autre chose que deux sensations.

(D) ( pag. 91.) « Nous ne pouvons comparer deux objets, ou éprouver comme l'une à côté de l'autre les deux sensations qu'ils font exclusivement sur nous, qu'aussitôt nous n'apercevions qu'ils se ressemblent ou qu'ils diffèrent. Or, apercevoir des ressemblances ou des différences, c'est juger. Le jugement n'est donc ensensation. »>

core que

Cette conclusion a de quoi étonner. De ce qu'on ne peut éprouver deux sensations sans apercevoir entre elles quelque ressemblance ou quelque différence, vous voulez que la percep

tion de ce rapport, ou le jugement, soit sensation, ne soit que sensation? il y a certainement ici quelque malentendu.

Je conviens qu'on dit sentir un rapport, et même qu'on sent un rapport; mais prenez garde que la manière dont on sent quand on aperçoit un rapport, n'est pas la manière dont on sent quand on éprouve une sensation.

La sensation suppose un objet extérieur qui la produit, ou plutôt qui l'occasione, et auquel elle correspond. Le sentiment de rapport ne correspond à aucun objet extérieur. Quand j'ai en même temps la sensation d'un arbre et celle d'une maison; à la sensation de l'arbre, répond hors de moi un arbre; à la sensation de la maison, répond hors de moi une maison; mais au sentiment de la différence qui se trouve entre l'arbre et la maison, ne répond aucun objet extérieur. (T. 2, leç. 6.)

La manière dont nous sentons quand nous éprouvons une sensation, n'est donc pas la manière dont nous sentons quand nous apercevons un rapport ce qui le confirme, c'est que la sensation peut être un plaisir très-vif ou une douleur atroce, au lieu que le sentiment de rapport ne présente jamais ce caractère.

Le sentiment de rapport, la perception de

rapport, la perception de ressemblance ou de différence, le jugement enfin, n'est donc pas une sensation.

Ce qui peut tromper ici, c'est que le même mot sentir s'applique à deux phénomènes d'un ordre différent, aux sensations et aux rapports: mais, en s'appliquant ainsi à deux phénomènes qui diffèrent de nature, il faut nécessairement qu'il prenne deux acceptions différentes ; et je doute que la langue française, qui perinet avec raison de dire, sentir un rapport, permette de dire une sensation de rapport; certainement on s'exprimera mieux en disant un sentiment de rapport (1). (T. 2, lec. 2 et 4.)

(E) (pag. 93.) En considérant nos sensations comme représentatives, nous venons d'en voir naître toutes les facultés de l'entendement.

Les facultés de l'entendement sont entrées en exercice, à l'occasion des sensations, à la suite des sensations; mais on ne les a pas vues naître des sensations.

(F) ( pag. 94.) « Le malaise nous porte à

(1) Toute sensation est sentiment; mais tout sentiment n'est pas sensation. On verra plus loin combien ilimporte de ne pas confondre ces deux choses.

nous donner des mouvemens pour nous procurer la chose dont nous avons besoin. Nous ne donc rester dans un parfait repos;

pas

pouvons et, par cette raison, le malaise prend le nom d'inquiétude.»

L'inquiétude est autre chose que le malaise.

Le malaise est un sentiment ou une sensation désagréable. L'inquiétude est le passage du repos à l'action. Pour que l'inquiétude fût la même chose que le malaise, ou une transformation du malaise, il faudrait que le repos pût

se transformer en mouvement.

Il y a donc ici lacune, et solution de continuité. En allant du malaise à l'inquiétude, on ne va pas du même au même; comme nous venons de voir qu'on ne va pas du même au même, en passant de deux sensations à la perception de rapport, ou au jugement; ct comme encore, on ne va pas du même au même dans le passage

de la sensation à l'attention.

Le principe d'où part Condillac dans son analyse des facultés de l'âme, n'est donc pas un principe des facultés ; et la chaîne de son analyse, ou de son raisonnement, paraît rompue

trois fois.

A ces remarques sur ce qu'on trouve dans la Logique, j'en ajouterai quelques autres sur un

passage du Traité des sensations qui me semble renfermer toute la difficulté. Comme il est très-court, il vous sera plus facile de découvrir l'erreur, s'il y en a ; ou les vices du langage, si l'auteur s'est mal exprimé; ou enfin le peu de fondement de ma critique, si elle porte à faux. J'en appelle à votre discernement et à votre amour pour la vérité. Voici le passage.

« A la première odeur, la capacité de sentir de notre statue est toute entière à l'impression qui se fait sur son organe : voilà ce que j'appelle attention. » ( Traité des sensations, pag. 58.)

Vous appelez attention la modification produite dans l'âme par l'impression d'un corps odoriférant sur l'odorat! on est libre dans ses appellations; mais donner à une impression reçue, à un phénomène purement passif, un nom qui réveille nécessairement l'idée d'action, n'est-ce pas renoncer à vouloir être entendu ?

Mais, dirait-il peut-être, je donne le nom d'attention à la première sensation, afin qu'on soit averti que l'activité s'exerce au même instant que la sensibilité; afin l'on sache que que la sensibilité et l'activité ne sont qu'une seule et même chose, et que ce n'est que par abstrac

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