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naissances qui sortent immédiatement des sensations. Un seul et même mot peut exprimer./ des idées différentes, pourvu qu'on les saisisse par ce qu'elles ont de commun: il peut même s'appliquer aux idées les plus opposées, car les idées les plus opposées peuvent avoir quelque analogie. Rien n'est certainement plus opposé que les idées de principe et de résultat, puisque le principe est le commencement, et le résultat la fin: Descartes, cependant, a pu dire très-bien mes principes sont le dernier résultat des anciens géomètres, ce qui signifie : je commence où les anciens ont fini; mais remarquez que ce n'est pas l'esprit de Descartes qui commence où les anciens ont fini; c'est son livre.

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les ma

Si la plupart des sciences, telles que thématiques, la physique, la chimie, l'astronomie peuvent supposer des connaissances antérieures si quelquefois il leur est permis de prendre des résultats pour principes, il n'en est pas ainsi de la métaphysique, c'est-à-dire, d'une science qui a pour objet principal de montrer l'origine de nos connaissances. Ici, rien ne précède, rien n'est supposé, rien n'est emprunté. Nous sommes placés aux sources de la pensée : nous assistons, s'il est permis de le dire, à la

création de la lumière qui doit éclairer l'intelligence.

Les principes de la métaphysique sont donc les élémens de tout savoir, les premiers rudimens de toute connaissance, ils sont le commencement de tout ; et les systèmes élevés sur de tels principes, les seuls qu'elle avoue, dureront autant que la nature des choses, autant que la nature de l'esprit humain.

Ces réflexions doivent jeter un nouveau jour sur ce qui a été dit à la première séance. Elles serviront aussi à mieux saisir ce que nous allons ajouter sur le système des facultés de l'âme.

Les facultés de l'âme, les opérations de l'esprit, les divers modes d'action de la pensée, ont été, depuis la naissance de la philosophie, l'objet constant des méditations des philosophes. Tous ont senti le besoin de les régler ; tous ont senti que pour les bien régler, il fallait les connaître.

Comme le meilleur instrument de musique, sous la main de celui qui en ignore le mécanisme, et qui n'a pas appris à distinguer les effets des cordes qui vibrent inégalement, ne peut rendre que des sons irréguliers; graves quand l'oreille en demande d'aigus, aigus quand elle

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en demande de graves; rudes et sourds quand elle veut de la douceur ou de l'éclat ainsi, les facultés de l'esprit n'enfanteront que désordre et confusion, tant que nous ignorerons ce qu'elles sont dans leur nature et dans leurs effets et comme des touches frappées au hasard ne peuvent donner qu'une harmonie monstrueuse, le jeu désordonné des facultés ne prodes systèmes monstrueux.

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duira que

On ne pouvait donc se porter avec trop d'ardeur à une étude dont l'objet nous intéresse aussi vivement; et, après tant de recherches, nous n'aurions pas besoin d'en faire de nouvelles, si, au lieu de s'adresser à l'imagination qui se plaît dans les combinaisons infinies des possibles, on eût consulté l'expérience qui ne s'appuie que sur des réalités. On a donc construit de mille manières différentes le système intellectuel. On a cherché à deviner la nature des ressorts qui le mettent en action mais il ne fallait pas commencer par construire; il ne fallait pas chercher à deviner; il fallait observer. Quelques philosophes, il est vrai, guidés par l'exemple des mathématiciens, qui, dans tous les temps, avaient suivi une bonne méthode, et par celui des physiciens, qui, depuis les découvertes de Galilée et les conseils de Bacon,

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voyaient tous les jours reculer devant eux les bornes de leur science, sentirent enfin qu'il fallait étudier l'esprit humain dans lui-même, en le soumettant à un cours régulier d'expériences, comme on y avait soumis les objets du monde matériel.

Dès lors, la métaphysique changea de face : les mots firent place à des idées et les idées durent montrer leur origine dans quelque sentiment. Celles qui ne purent subir cette épreuve, furent bannies des bons ouvrages. Le nombre des questions inintelligibles diminua de jour en jour; et la science, délivrée d'un poids inutile, ayança rapidement vers une sorte de perfection.

Mais si plusieurs obstacles furent écartés; si plusieurs causes d'erreur furent aperçues, si l'on eut une théorie des idées dont la raison pouvait s'accommoder, on ne fut pas également heureux dans la théorie des puissances productrices de ces idées. On conduisait bien son esprit; on n'était pas assuré de le bien conduire toujours, parce qu'on ignorait l'artifice, ou acquis ou naturel, qui le dirigeait dans ses opérations on eut des systèmes plus ou moins satisfaisans sur l'origine de nos connaissances, sur leurs classifications, sur leur certitude, leur

étendue, leurs bornes; on ne songea pas à réduire en système les facultés auxquelles nous les devions on dissertait sur la mémoire, sur le jugement, sur le raisonnement, sur l'analyse, sur l'imagination, sur le génie; et l'on était si loin de saisir les rapports qui lient ces qualités de l'esprit, qu'on en regardait la plupart comme opposées dans leur nature. La mémoire était l'ennemie du jugement; l'analyse devait nécessairement éteindre l'imagination. En un mot, on ignorait, ou l'on oubliait que la connaissance des facultés de l'âme, comme toutes les autres connaissances, n'est que liaison, ordre, harmonie, système; expressions qui, toutes, indiquent le besoin le plus impérieux de l'esprit, s'il est vrai qu'il ne peut s'enrichir de nouvelles idées, qu'à mesure qu'il simplifie; ni en jouir, ni en disposer, ni même les conserver, qu'autant qu'il les ordonne, qu'il les régularise, et qu'il les fait tendre vers l'unité.

Un homme doit être excepté. Parmi tous les philosophes anciens ou modernes, Condillac seul a pensé que, comme en arithmétique tout peut se ramener à la digitation, en mécanique aux lois du plus simple levier, en astronomie physique à la balance, en économie politique à l'idée de la valeur des choses, en musique à

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