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ture, c'est l'observer au moment de sa naissance, ou dans son origine, ou dans son principe, ou dans son commencement.

Un système qui négligerait de remonter à l'origine des idées dont on voudrait le composer, ne mériterait pas ce nom. Ce serait un assemblage d'élémens isolés qu'on connaîtrait mal, parce qu'on ne pourrait les connaître que par des définitions arbitraires. Alors le défaut de liaison ne permettant pas à l'esprit de passer d'une idée à une autre idée, la mémoire se verrait obligée à des efforts continuels et souvent inutiles. On aurait une nomenclature : on n'aurait pas de système.

Ce n'est pas assez d'avoir aperçu les rapports immédiats, ou l'origine immédiate de chacune des parties. Si vous n'avez pas su distinguer celle qui doit occuper le premier rang si le lien qui unit un certain nombre de faits, ou d'idées, ou de méthodes, ne rattache pas tout à un fait primitif, à une idée première, à une méthode fondamentale, à un principe enfin ; le système manque de base, et ne peut se sou

tenir.

Toute science repose sur un principe. Celle qui, par une multitude innombrable de rapports, accablait d'abord notre faiblesse, va se

simplifiant à mesure que l'esprit en pénètre les différentes parties. Bientôt tout s'attire, tout se rapproche, tout s'unit, tout s'identifie; et la pluralité se perd dans l'unité.

C'est donc la connaissance des principes qui importe surtout. Avec des principes, et le besoin de mettre quelque ordre dans les idées, toute difficulté disparaît; et les sciences dont l'étude effrayait notre paresse, n'offrent, dans leurs développemens successifs, qu'une suite de plaisirs.

Les principes sont le commencement des sciences ils sont dans les notions les plus communes. Les conséquences, il est vrai, pour être sûres et facilement déduites, exigent que l'on connaisse parfaitement la langue propre à la science dont on s'occupe; mais cette connaissance indispensable, une fois acquise, l'esprit est porté naturellement de conséquence en conséquence.

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Et qu'on ne nous accuse pas d'oublier ce que nous avons enseigné précédemment lorsque nous avons dit (page 63) que les principes se trouvent quelquefois au-dessus de toutes nos facultés; car de tels principes, n'étant pour nous le commencement de rien, proprement parler, des princi

ne sont pas,

à

pes. Ils ne sont pas principes de connaissances.

Comment donc se fait-il que les découvertes soient si rares, puisqu'il ne s'agit jamais que de voir un principe, ou de découvrir une conséquence?

Les principes qu'il semble impossible de ne pas connaître sont ignorés, ou mal connus et par conséquent stériles, par la raison même qu'ils sont trop près de nous. Comme nous les avons continuellement présens depuis l'enfance, ils ont cessé d'attirer notre attention, car il est rare que nous la donnions aux choses qui nous sont devenues familières. Alors, tout nous échappe, et nous ne savons plus voir ce que nous avons sous les yeux.

La fumée s'élève dans l'air. Voilà un fait bien connu de tout le monde; et ce fait est un principe, dans lequel se trouve cette conséquence: si vous enfermez de la fumée dans une enveloppe très-légère, elle obligera cette enveloppe à s'élever dans les airs. Y eut-il jamais conséquence plus près de son principe? et néanmoins, combien de temps n'a-t-il pas fallu pour la soupçonner? et peut-être faut-il en faire tager l'honneur au hasard?

par

Il est donc très-rare, je ne dis pas de voir, mais de remarquer les principes; et il est pres

:

que aussi rare d'apercevoir les conséquences. Mais la difficulté vient moins des choses ellesmêmes, que de la mauvaise manière de les étudier. L'art n'est pas étranger à la découverte des principes vous en avez vu la preuve à la seconde leçon. La méthode et la connaissance de la langue suffisent pour tirer des conséquences exactes; d'où il suit, pour le dire en passant, que l'esprit de l'homme ne crée jamais rien puisque les principes sont donnés par la nature, et que les conséquences sont renfermées dans les principes. Mais n'anticipons pas sur ce qui doit être l'objet de la dernière partie du cours de philosophie. Ces développemens seraient prématurés ils appartiennent à la logique.

:

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Quoi! dira-t-on, les principes des sciences sont dans tous les esprits! ils sont continuellement sous les yeux! n'est-ce pas, par un abus du langage, et par le renversement de toutes les idées, qu'on avance de telles assertions? les philosophes, lorsqu'ils établissent leurs principes, se bornent-ils donc au récit de quelques faits, à la portée de tout le monde? au rappel de quelques expériences familières ? à l'énoncé des plus simples sensations? ne les voit-on pas, au contraire, incessamment occupés de la recherche des propositions les plus générales, pour donner

un appui à leurs systèmes ? toutes leurs méditations ne tendent-elles pas à la découverte de quelqu'une de ces vérités universelles qui embrassent une infinité de vérités de détail?

Que nous serions heureux, messieurs, si ces propositions générales, dont l'étendue et l'application semblent ne reconnaître aucunes bornes, et qu'on place avec tant de sécurité à l'entrée des sciences, étaient aussi utiles qu'elles sont énoncées avec confiance! il suffirait de se bien pénétrer de quelques axiomes pour connaître à fond tout ce qu'il est possible de savoir. Mais je demande si c'est pour ceux qui possèdent déjà les sciences, ou pour ceux qui les ignorent, qu'elles se trouvent ainsi renfermées dans quelques formules aussi expéditives? certes, ce n'est pas pour les ignorans : qui oserait le soutenir? or, si elles ne sont que l'expression abrégée des idées acquises, elles sont des résultats: elles ne sont pas des principes, et ce sont des principes que nous cherchons.

Toutefois, ne soyons pas rigoureux jusqu'à l'excès; et pour éviter un défaut, gardons-nous de tomber dans un autre. Parce qu'on a abusé du mot principe, en l'appliquant à tout ce qu'il y a de plus général, n'en abusons pas nous-mêmes, en le restreignant aux seules con

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