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qu'il y a délibération, que la volonté devient et s'appelle liberté.

Quatrième obj. Dieu n'a-t-il pas prévu de toute éternité les événemens de l'univers, les actions des hommes ? et Dieu n'est-il pas infaillible? tout se fait donc par une inévitable nécessité.

Rép. Prévoir, est une expression empruntée de la nature humaine : elle ne peut pas s'appliquer à la nature divine, pour laquelle il n'y a ni passé, ni futur. L'homme prévoit, et se trompe. Dieu voit et ne se trompe pas: or, voir n'emporte ni contrainte ni nécessité.

Concluons que la volonté est libre; que l'âme est libre ; que l'homme est libre :

Et, pour en revenir à notre système, que cette discussion ne doit pas nous avoir fait perdre de

vue,

Nous réunirons, sous le mot volonté, le désir, la préférence et la liberté ;

Comme sous le mot entendement nous avons réuni l'attention, la comparaison et le raisonnement,

Il ne nous manquera rien, si nous réunissons

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encore l'entendement et la volonté, sous le mot

pensée.

Ainsi la pensée, ou la faculté de penser, comprend l'entendement et la volonté.

L'entendement comprend l'attention, la comparaison et le raisonnement. La volonté comprend le désir, la préférence et la liberté.

La liberté naît de la préférence; la préférence du désir le désir est la direction des facultés de l'entendement qui naissent les unes des autres, le raisonnement de la comparaison, et la comparaison de l'attention.

Par conséquent, il est prouvé que la pensée, ou la faculté de penser qui embrasse toutes les facultés de l'âme, dérive de l'attention, c'està-dire, du pouvoir que nous avons de concentrer notre activité et notre sensibilité sur un seul objet pour les distribuer ensuite sur plusieurs. Tel nous a paru le système des facultés de

l'âme.

Par un heureux emploi de celles qui forment l'entendement, Newton découvrit les lois de l'Univers. Par le bon usage de celles qui se rapportent à la volonté, Socrate trouva la sagesse.

Science, sagesse! ces deux mots ont été synonymes dans quelques langues anciennes :

pourquoi ne le sont-ils pas dans toutes les langues du monde?

Messieurs, j'ai cherché à m'entendre moimême, en rédigeant cet essai sur les facultés de l'âme; et si j'y avais réussi, j'aurais la certitude d'avoir été entendu. On analyse bien pour les autres, quand on a bien analysé pour soi : mais combien il est facile de se faire illusion! et qu'il est rare de se méfier, autant qu'on le devrait, des jugemens, ou trop précipités ou dès longtemps tournés en habitude! quel est en effet celui dont l'attention peut arrêter au passage, et retenir assez long-temps, et les uns après les autres, tant de mots, tant d'idées qui effleurent à peine la sensibilité, qui échappent à l'entendement, et qui disparaissent avec la rapidité de l'éclair, pour faire place à d'autres mots et à d'autres idées?

Les vrais savans, avertis par leur propre expérience, ne se lassent pas de nous redire combien il est nécessaire de soumettre à un nouvel

examen ce que nous avons vu, ce que nous avons examiné mille fois.

La meilleure disposition pour trouver la vérité, serait de commencer par bien se pénétrer de sa profonde ignorance : mais où est la rai

TOME I.

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son assez pure, assez désintéressée, pour se rendre une si exacte justice? Et quel est celui qui oserait se flatter de se croire aussi ignorant qu'il l'est en effet?

Le premier philosophe de l'antiquité, et le chef de la philosophie, parmi les modernes, ont commencé l'oeuvre de leurs méditations par le doute. La sagesse consisterait souvent à finir comme ces grands hommes ont commencé.

Nous sommes si faibles, que tout nous entraîne; si légers, qu'un rien nous distrait; si vains, que nous croyons tout savoir sans avoir rien appris et cependant, si passionnés, si entêtés, que nous tenons avec fureur à nos chimères. Si nous ne pensons pas, nous ne sommes rien; et si nous pensons, nous avons tous des pensées diverses.

Ces réflexions, dont il est impossible de se dissimuler la vérité, doivent nous inspirer une grande méfiance de nous-mêmes : elles doivent surtout l'inspirer à celui qui, traitant une matière qui n'est pas sans difficultés, et dans laquelle cependant tout le monde se croit juge, porte la parole devant une assemblée composée de véritables juges.

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CINQUIÈME LEÇON.

Des principes des sciences. Examen critique du système de Condillac.

JE Je n'ai pas dû m'attendre qu'on reçût à l'instant et sans opposition, tout ce qui a été dit dans les leçons précédentes. Aussi n'ai-je pas été surpris qu'on m'ait adressé des objections. Je me propose d'y répondre, mais seulement à la prochaine séance. Celle-ci est destinée à de nouvelles considérations sur les systèmes et sur les principes qui leur servent d'appui. Je dois aussi vous faire connaître les raisons qui m'ont empêché d'adopter le système de Condillac que vous avez entendu à la troisième leçon.

Le système complet des facultés de l'âme, nous l'avons déjà dit, doit nous les montrer dans leur nature, dans leurs effets et dans leurs moyens. Il se compose de trois systèmes qui embrassent toute la philosophie.

Pour connaître la nature des facultés de l'âme, il faut remonter à leur origine. Nature, vient de nascor, natus. Étudier une chose dans sa na

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