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mans contre le mal jouent un grand rôle, et le prêtre est une sorte de sorcier qui sert d'intermédiaire avec les démons. Partout se retrouvent chez ces prêtres des pratiques analogues. La connaissance des vertus des plantes leur fournit des drogues narcotiques, avec lesquelles ils provoquent les hallucinations, et des philtres dont ils se servent contre leurs ennemis; quelques notions météorologiques leur permettent de prédire des changements atmosphériques, et font croire qu'ils disposent du vent, de la pluie et du soleil. Le culte des morts est, comme celui des démons, un culte de crainte : ils effrayent les songes, se montrent dans des visions; le prêtre a le don de les évoquer. Tel est le fonds de croyances primitives de l'esprit humain, et, pour les trouver, il n'est pas nécessaire de fouiller les monuments de l'antiquité; il suffit de lire les relations récentes de voyages dans l'intérieur de l'Afrique, où l'homme est resté enfant.

Quant à la magie traditionnelle qui s'est répandue en Europe, elle lui est venue de l'Asie et a emporté quelque chose des différentes contrées de ce pays. Les Assyriens, les Chaldéens, fondent l'astrologie, qui lie les destinées humaines aux mouvements des astres et devine l'avenir. Les Mèdes et les Perses peuplent l'univers de bons et de mauvais Génies, qui se le disputent; ils inventent toute une liturgie,

une série de pratiques et de prières pour se concilier les uns et paralyser les autres; aussi les mages de ces contrées ont mérité de laisser le nom de magie à leur art. Les Égyptiens croient que, pour dominer les dieux, il suffit de les appeler par leur nom; de là une science mystérieuse, celle des mots magiques tout-puissants. La Grèce a ses superstitions indigènes : oracles, sacrifices pour consulter les dieux, évocations des ombres, purifications, enchantements, où excellent les femmes de Thessalie, capables de faire descendre la lune du ciel; elle a de vrais sorciers, que la religion officielle poursuit : le culte mystérieux d'Hécate, personnification de la lune, est à lui seul tout une magie; mais ce qui introduit en Grèce la magie véritable, scientifique, avec le nom qui lui est resté, ce sont les expéditions contre l'Asie et les voyages des savants dans cette contrée. Les tireurs d'horoscopes s'appellent chaldéens et les astrologues mathématiciens; sous le pseudonyme d'Orphée, s'introduisent toutes sortes d'idées et de pratiques orientales. Et cette religion occulte, précisément parce qu'elle est occulte, échappe à la critique sous laquelle la religion publique périt; tandis que les dieux de l'Olympe succombent, les dieux inavoués persistent. A Rome, la science étrusque des augures devient promptement nationale; toutefois, elle ne suffit pas aux

imaginations, que tentent davantage les doctrines orientales; les astrologues prennent un immense crédit. Les empereurs, convaincus de la sûreté de leurs prédictions et jaloux de les garder pour leur seul usage, redoutant l'effet que leurs indiscrétions produiraient sur le peuple, les empereurs, dis-je, s'acharnent à les détruire. Comme le polythéisme, restauré par l'école d'Alexandrie, se fait oriental, admet dans son sein une multitude de Génies, et apprend aux hommes à communiquer avec eux, les empereurs chrétiens le poursuivent de toute la haine qu'ils ont contre la magie. M. Maury a raconté d'une façon très-intéressante l'histoire de cette persécution, qui ne se refusa aucun moyen. Au sixième siècle, le combat est fini, le christianisme triomphe, mais la foi dans la magie reste, et reste la même chez les vainqueurs et les vaincus; ils ne diffèrent que par le sentiment qu'elle leur inspire. Les uns et les autres croient à l'existence des esprits, à leur puissance sur la nature et à la puissance de l'homme sur eux par certaines formules; mais les païens les regardent comme des dieux, et les chrétiens les regardent comme des démons. Ils ne sont pas anéantis, ils perdent leurs honneurs, sont suspects et mal vus; ils passent à l'état d'anciens partis. Chez les Juifs, ce fut une affaire de nationalité. Ils croyaient à l'existence des démons ennemis de Jéhovah; seu

lement, ces démons étaient pour eux les dieux étrangers, les dieux des autres peuples, et ils les proscrivaient à ce titre. Ainsi le judaïsme les condamnait comme étrangers, le christianisme comme immoraux, mais ils subsistaient.

Après l'anathème jeté sur la magie et sur les démons, qui en sont les ministres, il restait un curieux spectacle à observer : la conversion de la magie et des démons par le christianisme. On vit cela au moyen âge. Comme l'homme continuait à désirer de certains biens, tels que la santé, la connaissance de l'avenir, etc.; les pratiques extraordinaires auxquelles il avait l'habitude de les demander revinrent, sauf une différence: on consultait le sort dans la Bible, et il n'y eut pas une maladie sans qu'il y eût un saint pour la guérir. Satan joua alors un grand rôle.

Poursuivie là et chassée du grand jour, la superstition s'est réfugiée dans l'imagination populaire, et continue de vivre dans les campagnes à l'état de superstition honteuse; de temps à autre, elle en sort pour faire des incursions dans le monde qu'elle étonne.

C'est de ces incursions que M. Figuier a reproduit l'histoire.

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Vers 1632, deux jeunes religieuses des Ursulines de la ville de Loudun, à une dizaine de lieues de Poitiers, ayant été atteintes de violentes convulsions accompagnées de symptômes bizarres, on pensa qu'elles étaient possédées du démon, et on les exorcisa. L'exorciste les ayant interrogées, en s'adressant, selon l'usage, aux diables présumés dans leurs corps, les diables répondirent qu'ils avaient été envoyés là par un curé de la ville, nommé Urbain Grandier. Cet Urbain Grandier, d'un extérieur agréable, d'un esprit cultivé, était le sujet des conversations de Loudun. On lui imputait plusieurs aventures; même il avait, à ce propos, subi un pro

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