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VI

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Défaite du mesmérisme à Paris. Vaudevilles. Mort intempestive d'un défenseur. - Amis maladroits. -Epigrammes.

Ce qui fit plus de tort à Mesmer que les jugements des corps savants, ce fut une farce jouée à la Comédie-Italienne, intitulée les Docteurs modernes. Les éclats de rire, rapporte un témoin, partaient à chaque couplet des loges et du parterre, et les acteurs riaient comme les spectateurs. Ce qui prouve seulement qu'on avait bonne envie de rire, et, une fois de plus, qu'il n'y a ni mauvais vers ni mauvaise prose pour l'esprit de parti. On reconnut Mesmer à cette profession du docteur Cassandre:

Flatter et les sens et l'esprit et le cœur,
Tel est, mon ami, le remède enchanteur
Que je prétends mettre à la mode.

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Il y eut des malheurs. Court de Gébelin, travaillé d'une cruelle maladie, eut recours au magnétisme, et se sentit d'abord soulagé. Dans sa reconnaissance, il attesta par un écrit public qu'il était guéri par Mesmer, et le témoignage de ce personnage distingué faisait déjà le meilleur effet en faveur du magnétisme, quand il mourut. Les partisans de Mesmer assurent qu'il prolongea d'un an la vie du malade; toujours est-il qu'une de ces choses arriva mal à propos, le certificat ou la mort de l'auteur; et un journal annonça cet événement de la manière suivante: « M. Court de Gébelin, auteur du Monde primitif, vient de mourir, guéri par le magnétisme animal. » On juge si cette plaisanterie tomba.

Puis c'est un enthousiaste maladroit, Duval d'Espréménil, conseiller au Parlement, qui, voulant combattre le ridicule qu'on jette au magnétisme, y ajoute le sien. Il compose un pamphlet où il compare Mesmer à Socrate persécuté par le gouvernement d'Athènes, et livré par Aristophane aux risées du peuple railleur, et fait parvenir au roi un mémoire contre le lieutenant général de police et le censeur qui ont permis la représentation des Docteurs modernes. Le roi s'en fait lire les deux premières pages dans la société de la reine, commence par rire, et finit par dire que l'auteur est un fou et

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que tout cela l'ennuie. Alors d'Espréménil en appelle au peuple, et, pendant la représentation de la fâcheuse pièce, il fait jeter au parterre un supplément à son premier pamphlet. « Il y dénonce, dit Grimm, la pièce comme un mauvais ouvrage dramatique, les auteurs comme des lâches qui ridiculisent, à l'abri de l'autorité, un homme de génie bien supérieur à Newton; il y dénonce et tance vivement tous ceux qui rient aux Docteurs modernes, comme des audacieux qui se donnent les airs d'avoir de la gaieté avant d'y être autorisés par un arrêt du Parlement, par-devant qui Mesmer s'est pourvu contre les différents rapports faits et publiés par ordre du gouvernement. »

Enfin, pour comble d'infortune, un imbécile de laquais ayant reçu d'une dame un louis pour siffler les Docteurs modernes, et voulant honnêtement gagner son argent, prend pour la seconde pièce, qui devait être celle-là, le second acte de la première, siffle à outrance, se fait arrêter et confesse tout.

Aucun événement qui attirait l'attention du public pendant quelques minutes ne se passait alors sans fournir aux petits vers. Palissot avait composé une belle épigramme sur le ton héroïque, pour être mise au bas du portrait de Mesmer :

Le voilà ce mortel dont le siècle s'honore,
Par qui sont replongés au séjour infernal

Tous les fléaux vengeurs que déchaîna Pandore;
Dans son art bienfaisant il n'a point de rival,
Et la Grèce l'eût pris pour le dieu d'Épidaure.

La France, qui a peu de goût pour les apothéoses, s'amusa des vers suivants, bons ou mauvais :

Le magnétisme est aux abois,
La Faculté, l'Académie

L'ont condamné tout d'une voix,
Et l'ont couvert d'ignominie.
Après ce jugement bien sage et bien légal,
Si quelque esprit original
Persiste encor dans son délire,

Il sera permis de lui dire :

Crois au magnétisme.... animal.

Watelet, à qui Mesmer avait prédit qu'il ne passerait pas l'automne, se vengea gaiement :

Docteur, tu me dis mort, j'ignore ton dessein;
Mais je dois admirer ta profonde science :
Tu ne prédirais pas avec plus d'assurance,
Quand tu serais mon médecin.

Ainsi se termine la première période de l'histoire du magnétisme en France : tout finit par des chan

sons.

VII

Le magnétisme en province. par le marquis de Puységur.

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chevalier Barbarin, l'abbé Faria. Les cataleptiques de Pététin. - Transformation du mesmérisme. - Progrès des Sociétés de l'Harmonie: Lyon, Bordeaux, Bayonne, Strasbourg, etc.

Chassé de Paris, le magnétisme se réfugia en province, mais il s'y transforma par une aventure étrange. MM. de Puységur avaient été des auditeurs de Mesmer, et convaincus. Retirés dans leur terre de Busancy, près de Soissons, ils magnétisaient en imitant les effets du maître, quand un jour se produisit un phénomène entièrement inattendu. Laissons parler le marquis de Puységur: « C'était un paysan, homme de vingt-trois ans, alité depuis quatre jours, par l'effet d'une fluxion de poitrine. J'allai le voir. La fièvre venait de s'affaiblir. Après

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