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drait donc peut-être admettre que les nerfs ont deux manières d'entrer en mouvement, soit que le mouvement aille des extrémités au centre, soit qu'il aille du centre aux extrémités; le premier cas serait celui des sensations ordinaires, et le second celui des hallucinations, l'esprit mouvant alors le cerveau et l'impression arrivant à la partie des nerfs qui aboutit aux organes. Par ce que nous venons de dire sur les hallucinations, on comprendra le désordre profond qu'un certain trouble nerveux peut apporter dans les idées, et si on se reporte ensuite au spiritisme, on concevra ce qu'il peut renfermer en même temps de sincère et de chimérique.

V

Recherche de la cause des faits merveilleux (suite). — Autres analogies. Hypnotisme.

Un fait, nouveau cette fois, a paru dans la science, qui promet de jeter un jour très-vif sur le magnétisme animal; je veux parler de l'hypnotisme. Je rappelle rapidement en quoi consiste cette découverte. Fixez les yeux sur un objet brillant, cet objet un peu au-dessus du front, et par conséquent les yeux dans une situation pénible, la fatigue nerveuse causée par cette concentration du regard vous conduira peu à peu dans un sommeil particulier, qui se manifestera dans le corps par l'insensibilité et la tendance à garder une position donnée, dans l'esprit, par l'exaltation au moins passagère de l'intelligence et de certains sens. C'est en 1841 que le médecin anglais M. Braid a constaté le fait,

qu'il a publié six ans après. Cette observation n'occupa point la France jusqu'à ces dernières années, où un médecin de Bordeaux, M. Azam, la recueillit dans l'ouvrage anglais et invita un médecin de Paris, M. Broca, à recommencer les expériences avec lui; elles aboutirent à établir la parenté des nouveaux phénomènes avec ceux du magnétisme animal. Or, dans ce magnétisme nouveau, il n'y avait ni magnétiseur ni passes magnétiques, par conséquent pas de fluide; il n'y avait pas non plus de volonté étrangère qui commandât au patient de s'endormir; une seule des anciennes conditions subsistait: la fixité du regard. Et pour qu'il fût bien prouvé que tout était là, que l'imagination même n'y entrait pour rien, il se trouva que des animaux, des poules, étaient capables de tomber dans le même état par le même procédé, qu'il suffisait de les attacher sur une planche, de tracer sur cette planche une raie et de tenir leur tête dans cette direction, procédé dont parle le P. Kircher, retrouvé après deux cents ans.

On sera en droit d'admettre, jusqu'à preuve du contraire, que, lorsqu'on vous magnétise, l'immobilité du corps, la fixité du regard attaché sur le magnétiseur, la fixité du regard du magnétiseur attaché sur vos yeux, les passes répétées avec lenteur, le sérieux et comme la solennité de l'opéra

tion, l'attente de ce qui va arriver d'extraordinaire, tout cela agit sur vos nerfs et sur votre imagination. On sera surtout porté à le croire si on ajoute à ces procédés les anciens procédés de Mesmer abandonnés maintenant, le demi-jour, les parfums, la musique, la baguette et le baquet mystérieux, la chaîne formée par les magnétisés, avec la contagion des uns sur les autres, au moment surtout des crises nerveuses auxquelles aboutissaient souvent ces pratiques. Du reste, on a vu des croyants s'endormir à la seule idée qu'ils touchaient un objet magnétisé ou que le magnétiseur leur ordonnait de s'endormir, même quand l'objet n'était pas magnétisé et quand le magnétiseur ne leur ordonnait pas de s'endormir. A ce compte, l'hypnotisme ne serait que le magnétisme réduit au plus clair, le phénomène naturel dégagé de la fantasmagorie qui le cache; l'avantage que le magnétisme aurait sur lui serait d'agir sur les nerfs par un appareil beaucoup plus savant et d'agir sur l'imagination, que l'hypnotisme néglige, quoiqu'elle soit en ces affaires d'une force considérable.

Quand on se demande pourquoi le magnétisme animal a été, en son temps, attribué à un fluide plutôt qu'à telle ou telle autre cause, il y a de curieuses observations à noter. D'abord, un fluide étant à la fois très-rapide et invisible, il est toujours

commode d'avoir à sa disposition un agent si subtil et si discret. Il n'est pas jusqu'à la grâce théologique qui n'ait revêtu cette forme. La sincère Mme Guyon, tout éveillée, sentait la grâce divine descendre dans son corps et l'enfler, au point de le rompre, si on ne l'eût délacée; et autour d'elle des femmes éveillées, femmes du plus grand monde, recevaient en silence les effluves du fluide céleste. C'est bien l'agent convenable à ces brusques mouvements de la sensibilité, qui semble se jeter tout entière tantôt d'un côté, tantôt de l'autre ; mais en ce moment du dix-huitième siècle, le fluide était inévitable. Comme les faits de maladies et de guérisons merveilleuses sont anciens, comme aussi on leur a toujours cherché une cause, on leur a constamment attribué la cause qui, au moment même, était en faveur. Quand on croyait généralement à l'influence des planètes, c'était l'influence des planètes; quand on fit attention à la propriété singulière de l'aimant, on ne vit plus qu'aimant, et on pensa bien qu'avec deux boussoles aimantées, munies chacune de leur alphabet, on s'entendrait aisément à quelques centaines de lieues; quand, sous l'empire des préoccupations religieuses, on voyait partout une puissance céleste ou infernale, la cause de ces accidents bizarres fut une puissance céleste ou infernale. Enfin, notre temps, qui a vu naître

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