Page images
PDF
EPUB

Nous nous contenterons de rappeler, au nombre des titres littéraires durables de notre regretté confrère, son grand travail sur La Baumelle, qui lui servit de passeport au milieu de nous; sa notice si intéressante sur la guerre de Guyenne du colonel Balthazar, dont il a si heureusement épuré le texte, et donné une édition définitive, d'après un exemplaire unique, ignoré des bibliophiles. Vous n'avez pas oublié non plus ses consciencieuses communications sur le voyage d'Italie du président d'Orbessan, sur des lettres familières de l'égyptologue Champollion-Figeac et sur le livre de raison de Martin Dupuy, sieur de la Roquette.

Charles Barry avait eu l'occasion de recueillir, au fond de quelque château du Lauragais, une masse de documents assez considérable relative à cette famille Du Puy qui tenait bon rang dans la noblesse languedocienne du seizième au dix-septième siècle. Il s'était voué avec un véritable enthousiasme au dépouillement de ces petites curiosités d'où il espérait des révélations sur notre société méridionale, sur nos guerres civiles, sur la vie intime et la culture intellectuelle de l'aristocratie de province. Nous ne savons au juste si toutes ces espérances se seraient réalisées. Les charmes de l'érudition renouvellent souvent le mythe des Sirènes; mais quand même il y aurait eu un peu d'illusion dans les vastes plans de notre confrère, nous ne doutons pas que, si ses forces ne l'avaient trahi, il n'eût tiré de ses portefeuilles matière à bien des lectures instructives. La soudaine et si douloureuse interruption de tant de projets honorables ne peut qu'ajouter à la vivacité de nos regrets.

ÉLOGE

DE M. COUSERAN

PAR M. MELLIES (1)

MESSIEURS,

Un philosophe a dit : « Ne sont réellement morts que ceux qui sont oubliés; aussi n'est-ce point à une vaine coutume qu'obéit l'Académie, lorsque, dans chacune de ses séances générales, elle rend hommage au souvenir des membres qu'elle a perdus pendant l'année; elle ne veut pas les perdre de vue, elle veut qu'ils soient encore et toujours avec elle; et c'est avec une douce émotion que je viens aujourd'hui l'entretenir d'un confrère dont la vie peut se résumer ainsi il fut un homme de bien et un savant laborieux, qui, pendant soixante ans, a su se rendre utile.

[ocr errors]

Couseran (Jean-Anne-Honoré) naquit à Toulouse, dans le courant du mois d'octobre 1797; il était le deuxième héritier d'une famille nombreuse (puisqu'elle ne comptait pas moins de huit enfants), dont le nom demeure encore dans notre ville le synonyme de bienfaisance et de probité. Les études classiques du jeune homme, bien qu'entreprises et continuées avec beaucoup d'application, furent malheureusement interrompues de

(4) Lu dans la séance du 5 juin 1884.

trop bonne heure par une affection d'yeux qui mit, un instant, sa vue en péril; c'est à cette première et cruelle maladie que Couseran dut de prendre, avant son diplôme des lettres, celui de pharmacien, décerné alors à la suite de travaux d'ordre plus directement pratiqués.

A quinze ans, notre écolier entrait chez M. Vidailhan en qualité d'élève stagiaire. Son éducation professionnelle ne pou vait être confiée à un maitre plus éclairé et plus habile. M. Vidailhan est juste.nent considéré comme le modèle de ces chercheurs de la science pharmaceutique qui, dès le début de notre siècle, joignaient à une instruction solide et étendue une expérience à toute épreuve. Nul doute que, dans son commerce quotidien avec cet érudit modeste et zélé, Couseran ait acquis cette variété de connaissances, cette sûreté de coup d'œil, cette précision de jugement dont il a plus tard donné de si éclatantes preuves. Quoi qu'il en soit, il était à peine à l'àge où l'on se prépare, en général, à entrer dans la vie sérieuse, que déjà il prenait un rang distingué parmi des praticiens, tels que Bernadet, Magnes-Lahens père, plusieurs autres encore, auxquels, en maintes occasions, l'Académie a été heureuse et fière d'ouvrir ses portes.

De 1813 à 1826, époque de son examen définitif, le jeune aspirant ne s'intéressa point seulement aux obligations et aux charges, parfois bien lourdes, de sa profession; il se consacra aussi, autant que le lui permettait une santé ébranlée et défaillante, à la culture des lettres et des sciences. Il possédait une telle activité, qu'une mème année le vit pharmacien et bachelier.

Couseran gérait seul l'officine de M. Vidailhan, lorsqu'il obtint, avec un rare succès, l'un et l'autre de ces grades. L'enscignement pharmaceutique, donné au nom de l'État dans les écoles universitaires, n'existait point encore dans ce moment-là. En 1826, comme au temps des antiques collèges de pharmacie, la pratique journalière fournissait seule le précepte avec l'exemple. Aussi est-il juste d'observer que si les étudiants devaient dès lors beaucoup à leurs initiateurs, le travail et l'effort personnel étaient, avec un pareil régime, absolument nécessaires

à tout candidat, sous peine de s'exposer à une série toujours renaissante de tentatives infructueuses.

Couseran fut un de ces jeunes hommes diligents et consciencieux pour lesquels apprendre est un inévitable devoir, sinon un plaisir. Menant tout de front, s'occupant tour à tour avec un dévouement sans limite, et de la direction du laboratoire, dont la mort prématurée de M. Vidailhan le laissait maître, et de l'achèvement de ses études classiques, il ne recula jamais. devant la tâche multiple que les circonstances lui imposaient.

La thèse qu'il présenta et soutint devant l'École de Montpellier pour mériter ses lettres de maîtrise est une dissertation sur les alcalis végétaux. C'était là, le 9 septembre 1826, un sujet neuf encore, large, fécond, mais aussi hérissé de difficultés. Quatre ans s'étaient à peine écoulés depuis que Pelletier et Caventou, couronnant une vie de recherches, avaient doté la pratique médicale de la quinine et de ses divers composés. Un procès célèbre mettait presque concurremment en renom la morphine et la strychnine. Il semble donc que le travail de Couseran, en étendant, en répandant et en popularisant, en quelque sorte, des découvertes toutes récentes, dût avoir les plus grandes chances d'être favorablement accueilli. Les choses, en effet, Messieurs, ne se passèrent point autrement; et nous pouvons bien reconnaître que la remarquable thèse du successeur de M. Vidailhan posa les jalons de la candidature, qui lui valut, dans la suite, son admission au sein de notre Compagnie.

Elu successivement membre de l'Académie des sciences, de la Société de médecine, de la Société de pharmacie, etc., etc., Couseran n'a cessé, pendant une longue carrière d'abnégation et de fatigue, de fournir aux réunions, que sa présence animait, l'élément intellectuel dont elles se nourrissent. L'énumération complète de ses œuvres serait difficile à faire il faudrait chercher ces dernières moins encore dans nos Recueils et dans ceux des autres cercles scientifiques de Toulouse, que dans les différents journaux de pharmacie et dans les feuilles spéciales de la région. A défaut d'une liste définitive, voici quelques-unes des publications les plus appréciées du savant dont nous pleurons la perte :

1° Ammoniure de cuivre dans le sous-carbonate d'ammo

niaque ;

2o Sur les préparations antimoniales (1835);

3o Préparation du sirop antiscorbutique (1830);

4° Citrate de fer cristalisé ;

5° Rapport sur le concours des prix de l'année à la Société de médecine (1837 et 1840);

6o Nouveau procédé pour obtenir le cyaaure de fer;

7° Deux discours pour les séances solennelles de la Société de médecine, prononcés par Couserar, président de cette Compagnie :

a) Essai sur l'histoire de la pharmacie et sur les hommes qui l'ont le plus illustrée. »

b) Réflexion sur la nécessité pour chacun des membres de la Société de médecine de remplir ponctuellement leurs devoirs académiques.

8° Eaux minérales des Pyrénées (1824);

9. Éducation professionnelle des pharmaciens (1860); 40° Sirop de groscille (1837);

41° Huile de sésame (1852);

12° Méthode pour obtenir l'acide hydrocyanique (1832); 13° Note sur l'emploi des lactates alcalins (1863);

14° Dosage des sirops de sucres (1846);

45° Etudes sur la saponaire indigène (1844);

46° Études sur la pensée sauvage (1843):

17° Sirops simples et composés, observations diverses (1838); 48° Préparations du sulfure de potasse (1837); 19° Tannate de quinine (1853);

20° Tartatre ferrico-potassique (1850);

21° Essai d'Archéologie pharmaceutique, etc., etc.

Ce tableau, si insignifiant qu'il soit, permet en quelque mesure de se rendre compte de la multitude des questions embrassées par l'intelligence ardente et curieuse de M. Couseran. Mais ce dont nous ne pouvons parler ici, et ce qu'il n'impor terait pas moins de connaître cependant, c'est la vie intime de cet homme honnête ne s'appartenant plus dès sa jeunesse, et

« PreviousContinue »