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commencé plutôt. Si le hasard lui fait voir une bourse dans son chemin, il s'incline; il y a des gens, ajoute-t-il, qui ont du bonheur, pour moi , pour moi je n'ai jamais eu celui de trouver un trésor. Une autre fois, ayant envie d'un esclave, il prie instamment celui à qui il appartient d'y mettre le prix; et dès que celui-ci, vaincu par ses importunités, le lui a vendu, il se repent de l'avoir acheté. Ne suis-je pas trompé, demande-t-il, et exigeroit-on si peu d'une chose qui seroit sans défauts? A ceux qui lui font les complimens ordinaires sur la naissance d'un fils, et sur l'augmentation de sa famille ajoutez, leur dit-il, pour ne rien oublier, sur ce que mon bien est diminué de la moitié. Un homme chagrin, après avoir eu de ses juges ce qu'il demandoit, et l'avoir emporté tout d'une voix sur son adversaire, se plaint encore de celui qui a écrit ou parlé pour lui, de ce qu'il n'a pas touché les meilleurs moyens de sa cause; ou lorsque ses amis ont fait ensemble une certaine somme pour le secourir dans un besoin pressant, si quelqu'un l'en félicite,

et le convie à mieux espérer de la fortune: Comment, lui répond-il, puis-je être sensible à la moindre joie, quand je pense que je dois rendre cet argent à chacun de ceux qui me l'ont prêté, et n'être pas encore quitte envers eux de la reconnoissance de leur bienfait ?

CHAPITRE XVIII.

De la défiance.

L'ESPRIT de défiance nous fait croire que tout le monde est capable de nous tromper. Un homme défiant, par exemple, s'il envoie au marché l'un de ses domestiques pour y acheter des provisions, il le fait suivre par un autre, qui doit lui rapporter fidellement combien elles ont coûté. Si quelquefois il porte de l'argent sur soi dans un voyage, il le calcule à chaque stade (*) qu'il fait, pour voir s'il a son compte. Une autre fois, étant couché avec sa femme, il lui demande si elle a remarqué que son coffre fort fût bien fermé, si sa cassette est toujours scellée, et si on a eu soin de bien fermer la porte du vestibule; et bien qu'elle assure que tout est en bon état, l'inquiétude le prend, il se lève du lit, va en chemise et les pieds nuds, avec la lampę

(*) Six cents pas.

qui brûle dans sa chambre, visiter lui-même tous les endroits de sa maison, et ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'il s'endort après cette recherche. Il mène avec lui des témoins quand il va demander ses arrérages, afin qu'il ne prenne pas un jour envie à ses débiteurs de lui dénier sa dette. Ce n'est point chez le foulon qui passe pour le meilleur ouvrier, qu'il envoie teindre sa robe, mais chez celui qui consent de ne point la recevoir sans donner caution. Si quelqu'un se hasarde de lui emprunter quelques vases (1), (il les lui refuse souvent, ou s'il les accorde, il ne les laisse pas enlever qu'ils ne soient pesés: il fait suivre celui qui les emporte, et envoie dès le lendemain prier qu'on les lui renvoie) (2). A-t-il un esclave (3) qu'il affectionne et (1) D'or ou d'argent.

(2) Ce qui se lit entre les parenthèses n'est pas dans le grec, où le sens est interrompu, mais il est suppléé par quelques interprètes.

què

(3) Dans le grec il y a simplement, a-t-il un esclave qui Paccompagne, &c. τὸν παῖδα δὲ ἀκολοθοῦντα κελεύειν, &c. La circonstance que le traducteur a trouvé bon d'ajouter, ne gâte rien ici; elle contribue, au contraire, à relever le caractère.

qui

qui l'accompagne dans la ville, il le fait marcher devant lui, de peur que, s'il le per doit de vue, il, ne lui échappât et ne prît la fuite. A un homme qui, emportant de chez lui quelque chose que ce soit, lui diroit, estimez cela, et mettez-le sur mon compte, il répondroit qu'il faut le laisser où on l'a pris, et qu'il a d'autres affaires que celle de courir après son argent,

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