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Déja du plomb mortel plus d'un Brave eft atteint; Sous les fougueux Courfiers l'onde écume & se plaint. 125 De tant de coups affreux la tempête orageufe

Tient un temps fur les eaux la fortune douteuse.
Mais LOUIS d'un regard fçait bientôt la fixer.
Le deftin à fes yeux n'oferoit balancer.

Bientôt avec Grammont courent Mars & Bellone, 130 Le Rhin à leur afpect d'épouvante friffonne.

REMARQUES.

Ces Images font d'autant plus belles, qu'elles font vrayes, au lieu que fi le Poëte avoit parlé de Javelots & de Dards, fes Peintures & fes Defcriptions auroient été fauffes. BROSSETTE.

M. Defpréaux fe trompoit. On avoit parlé de l'Artillerie moderne dans notre Poëfie, avant lui. DE ST. MARC.

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VERS 129. & 130. Bientôt avec Grantmont courent Mars & Bellone. Le Rhin à leur afpect, &c.] On fuppofe ici, que le Dieu du Rhin combat à la tête des Hollandois, contre les Troupes Françoifes. Dans cette fuppofition, ce feroit pécher contre la vraisemblance que de faire vaincre un Dieu par de fimples Mortels. Le Poëte feint donc que Mars & Bellone, qui font des Divinités fupérieures au Dieu du Rhin, se joignent au Comte de Guiche, pour combattre ce Dieu. Avec un tel fecours, il eft de la régle, que les François ayent l'avantage. C'est ainsi qu'Homere releve la valeur de fes Héros, en intéreffant prefque toujours quelque Divinité dans leurs Combats. Dans celui de Diomede contre Mars & Vénus, Diomede eft foutenu par Minerve. Ailleurs ce Poëte donne Neptune pour antagoniste à Hector. Il oppofe le même Hector à Ajax foutenu par Apollon, & enfuite par Jupiter. Dans tous ces combats, Homere garde une exacte fubordination entre ces mêmes Dieux, quoiqu'oppofés les uns aux autres: mettant toujours la victoire du côté des Dieux fupérieurs en puiffance.

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Quand pour nouvelle alarme à ses efprits glacés,
Un bruit s'épand qu'Enguien & Condé font paffés:
Condé, dont le feul nom fait tomber les murailles,
Force les efcadrons & gagne les batailles :
135 Enguien de fon hymen le feul & digne fruit,
Par lui dès fon enfance à la victoire, inftruit.
L'Ennemi renversé fuit & gagne la plaine.

Le Dieu lui-même cede au torrent qui l'entraîne,
Et feul, défefpéré, pleurant fes, vains efforts

140 Abandonne à LOUIS la victoire & fes bords.
Du Fleuve ainfi domté la déroute éclatante

VERS 132.

REMARQUES.

qu'Enguien & Condé font paffes.] CONDE: M. le Prince de Condé, Louis II. de Bourbon, l'un des plus grands Capitaines de l'Europe. Il mou rut le 11. de Décembre 1686.

M. le Duc d'Enguien, Fils du précédent, Henri-Jules de Bourbon. Il mourut le premier d'Avril 1709.

IMIT. Vers 133. Condé, dont le feul nom fait tomber les murailles.] Notre Auteur, en attribuant au feul non du Prince de Condé, le pouvoir de renverfer les muralles, donne une idée fublime de la réputation que ce grand Prince s'étoit acquife par fa valeur. Au refte, avoit en vue cet endroit du Taffoni dans fa Secchia rapita Cant. V. Vers 38.

Il magnanimo cor di Salinguerra

Che fa del nome fuo tremar la terra.

Dans le tems auquel il fit cette Epitre, il travailloit à fon Poëme du Lutrin. Ainfi, il étoit rempli de la lecture de tous les meilleurs Poëmes Epiques, tant Grecs & Latins, qu'Italiens. C'eft la raifon pour laquelle cette Epitre IV. tient beaucoup de la nature du Pome

A. Wurts jufqu'en fon camp va porter l'épouvante:
Wurts, l'espoir du païs, & l'appui de ses murs,
Wurts.... ah quel nom, GRAND ROI! quel Hector
que ce Wurts!

145 Sans ce terrible nom, mal né pour les oreilles,
Que j'allois à tes yeux étaler de merveilles !
Bientôt on eût vû Skink dans mes vers emporté,
De fes fameux remparts démentir la fierté. -
Bientôt.... maisWurts s'oppofe à l'ardeur qui m'anime.
150 Finiffons, il eft temps: auffi-bien fi la rime
Alloit mal à propos in'engager dans Arnheim, ·

REMARQUES.

VERS 142. 4 Wurts jufqu'en fon camp, &c.] Wurts, Maréchal de Camp des Hollandois, commandoit le camp deftiné à s'oppofer au paffage du Rhin; mais les Cuiraffiers ayant paffé, les troupes de Wurts lâcherent pié, dès qu'elles eurent fait la premiere décharge; & ce fuccès ayant donné courage à ceux qui étoient encore dans l'eau, ils fe hâterent de joindre les Cuiralliers, qui après avoir ainfi chaffé les Énnemis, s'étoient arrêtés fur le bord pour les attendre. Wurts étoit du Holftein, d'une naiffance médiocre. Il avoit acquis beaucoup de réputation en défendant Cracovie pour les Suédois contre les Impériaux. Il eft mort à Hambourg. VERS 148. De fes fameux remparts démentir la fierté.] Le Fort de Skink fut alliégé par nos Troupes le 18. de Juin, & pris le 21. Les habitans du Pais difoient que ce Fort étoit imprenable. Il avoit été furpris en 1636. par les Efpagnols, qui s'en rendirent maîtres ; & les Hollandois ne purent le reprendre qu'après un fiége fameux, qui dura huit mois. Il n'y reftoit plus que douze hommes, qui fe défendoient encore.

VERS 151. m'engager dans Arnheim. Ville confidérable des Provinces-Unies, dans le Duché de Gueldre. Elle fut prife par nos Troupes, fous le commandement du Maréchal de Turenne, le 14. de Juin 1672.

Je ne fçai pour fortir de porte qu'Hildesheim.

O! que le ciel foigneux de notre poësie, GRAND ROI, në nous fit-il plus voifins de l'Afic!, 155 Bientôt victorieux de cent Peuples altiers,

Tu nous aurois fourni des rimes à milliers.

Il n'est plaine en ces lieux fi feche & fi ftérile, Qui ne foit en beaux mots par-tout riche & fertile. Là plus d'un Bourg fameux par fon antique nom 160 Vient offrir à l'oreille un agréable fon.

L

Quel plaifir de Te fuivre aux rives du Scamandre!
D'y trouver d'llion la poëtique cendre,

De juger fi les Grecs qui briferent fes tours,
Firent plus en dix ans que LOUIS en dix jours!

VERS 152.

REMARQUES.

de porte qu'Hildesheim.] Petite Ville

de l'Electorat de Trèves.

VERS 154.

plus voifins de Pafie.] De la Grece Afiatique, dans laquelle étoit fituée la fameufe Ville de Troye, ou d'Ilion.

VERS 158. Qui ne foit en beaux mois par-tout riche & fertile, &c.] Selon Quintilien, au Liv. XII. de fes Inflitutions Oratoires, C. 10. la Langue Grecque étoit tellement au deffus de la Latine, pour la douceur de la prononciation, que les Poëtes Latins employoient plus volontiers les noms Grecs, quand ils vouloient rendre leurs Vers doux & faciles. Tanid eft Sermo Græcus Latino jucundior, ut noftri Poëtæ quoties dulce carmen effe voluerunt, illorum id nominibus exornent.

VERS 161.

aux rives du Scamandre.] Dans l'Edition de 1701. en petit volume, il y a de Scamandre, mais c'eft une faute d'imprellion, & il faut lire: du Scamandre, comme il y a dans toutes les autres Editions. Voyez l'Art Poëtique Ch. III. v. 285.

165 Mais pourquoi fans raifon défefpérer ma veine? Eft-il dans l'Univers de plage fi lointaine,

Où Ta valeur, GRAND ROI, ne Te puiffe porter, Et ne m'offre bientôt des exploits à chanter? Non, non, ne faifons plus de plaintes inutiles; 170 Puifqu'ainfi dans deux mois Tu prens quarante Villes; Affuré des bons Vers dont Ton bras me répond, Je T'attens dans deux ans aux bords de l'Hellefpont.

REMARQUES.

VERS dernier. Je t'attens dans deux ans aux bords de Pllellefpont.] Dans le fecond Tome du Mercure Hollan dois, contenant les Conquêtes du Roi LOUIS XIV. dit le Grand, fur les Provinces-Unies des Païs-Bas; par le Sieur P. LOUVET, de Beauvais, D. M. Confeiller & Hiftoriographe de S. A. R. Souveraine de Dombes, imprimé à Lyon 1674, on trouve un petit Poëme fur le Paffage du Rhin, où l'Auteur cite ce Vers de M. Despréaux, & pouffe bien plus loin l'hyperbole :

1

Des tems & de nos jours un des premiers Oracles,
Dans un Stile pompeux parlant de tes miracles,
T'attend dedans deux ans aux bords de l'Hellefpont:

Ma Mufe plus hardie, 6 grand Roi, te répond

Que du moins ta Valeur à nulle autre feconde,

Tonnera dans deux ans aux quatre coins du Monde.

DU MONTEIL.

AVIS

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