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125 Ton vifage eft connu de fa noble famille.
Tout y garde tes loix, Enfans, Sœur, Femme, Fille,
Tes yeux d'un feul regard fçauront le pénétrer,
Et pour obtenir tout, tu n'as qu'à te montrer.
Là s'arrêta Thémis. La Piété charmée
130 Sent renaître la joie en fon ame calmée.
Elle court chez Arifte, & s'offrant à fes yeux:
Que me fert, lui dit-elle, Arifte, qu'en tous lieux

REMARQUE S.

par la Piété de remédier au trouble, qui divife la Sainte-Chapelle, la Justice la renvoye-t-elle vers Arifte? La Juftice ne fçauroit-elle elle-même donner fes ordres, à fon Miniftre? Cette Cascade ne me paroît qu'un allongement. Je fçai qu'on me répondra que l'Auteur a vouIu nous apprendre allégoriquement que ce fut par un principe de piété, que M. de Lamoignon ne fouffrit pas que le Procès du Chantre & du Tréforier allât jufqu'au bout, & qu'il fe hâta d'interpofer fon autorité pour terminer une querelle ridicule, qui ne pouvoit pas manquer de caufer du fcandale. J'avouerai que la piété fut le motif, qui fit agir le Premier-Préfident. Mais il fera toujours vrai qu'au fond, ce fut fon autorité qui força le Tréforier & le Chantre d'en paffer par ce qu'il leur prefcrivit. La Justice devoit donc, en fe rendant aux prieres de la Piété fa Soeur, charger elle-même Arifte du foin de la contenter, & ne la lui pas renvoyer. DE ST. MARC.

VERS 125. Ton vifage eft connu de fa noble famille.] NOBLE eft fix Vers plus haut. D'ailleurs noble famille ne fignifiera jamais que famille noble; & ce n'est pas ce que l'Auteur a voulu dire; mais fon illuftre, fa respectable famille. Il falloit donc qu'il s'y prît autrement. De ST. MARC.

VERS 126. Tout y garde tes loix, Enfans, Sœur, Femme, Fille.] Ce dernier mot n'eft ici qu'une pure Cheville; & ce qu'il peut fignifier eft compris dans celui d'Enfans. DE ST. MARC.

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Tu fignales pour moi ton zèle & ton courage,
Si la Difcorde impie à ta porte m'outrage?
135 Deux puiffans Ennemis, par elle envenimés,
Dans ces murs, autrefois fi faints, fi renommés,
A mes facrés autels font un profâne insulte,
Rempliffent tout d'effroi, de trouble & de tumulte.
De leur crime à leurs yeux va-t-en peindre l'horreur:
140 Sauve-moi, fauve-les de leur propre fureur.

Elle fort à ces mots. Le Héros en priere
Demeure tout couvert de feux & de lumiere.
De la célefte Fille il reconnoît l'éclat,

Et mande au même inftant le Chantre & le Prélat. 145 Mufe, c'eft à ce coup, que mon Efprit timide Dans fa courfe élevée a befoin qu'on le guide, Pour chanter par quels foins, par quels nobles travaux, Un Mortel fçut fléchir ces fuperbes Rivaux.

Mais plutôt, Toi qui fis ce merveilleux ouvrage, 150 Arifte, c'est à toi d'en inftruire notre âge.

VERS 137:

REMARQUES.

un profane infulte,] Voyez la Re

marque fur le Vers 236. du V. Chant.

VERS 142. tout couvert de feux & de lumiere.] L'un de ces deux termes eft abfolument inutile, puifqu'ils ne peuvent fignifier ici que la même chofe. DE

ST. MARC.

d'en inftruire notre age.

VERS 150. La dureté de cet Hemiftiche eft infupportable. DE ST. MARC. S. Il faut convenir que les trois r qui fe trouvent dans cet Hémiftiche, le rendent un peu dur, & que notre Poëte a quelquefois oublié ce beau précepte de fon Art Poëtique.

Fuyez des mauvais fons le concours odieux.

Seul tu peux révéler par quel art tout-puissant Tu rendis tout-à-coup le Chantre obéiffant. Tu fçais par quel confeil raffemblant le Chapitre, Lui-même, de fa main, reporta le Pupitre, 155 Et comment le Prélat, de ses respects content, Le fit du banc fatal enlever à l'instant.

Parle donc c'est à Toi d'éclaircir ces merveilles. Il me fuffit pour moi d'avoir fçû, par mes veilles, Jufqu'au fixieme Chant pouffer ma fiction, 160 Et fait d'un vain Pupitre un fecond Ilion.

REMARQUES.

Finif

VERS 156. Le fit du banc fatal enlever à l'inftant.] M. le Premier-Prefident fit comprendre au Treforier que ce Pupitre n'ayant été anciennement érigé vis-à-vis la place du Chantre, que pour la commodité de fes Prédéceffeurs, il n'étoit pas jufte que l'on obligeât M. Barrin à le fouffrir, s'il lui étoit incommode. Néanmoins, pour accorder quelque chofe à la fatisfaction du Tréfo rier, il fit confentir le Chantre à remettre le Pupitre devant fon fiége, où il demeureroit un jour; & le Treforier, à le faire enlever le lendemain: ce qui fut exécuté de part & d'autre.

IMIT. Vers 160. Et fait d'un vain Pupitre un fecond llion.] Cette pensée eft prise du Taffone, qui la tourne autrement dans la dédicace de fa Secohia rapita, Chant 1. Stance 2.

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1

Vedrai, s'al cantar mio pórgi l'orecchia

Elena transformarfi in una Secchia.

C'eft-à-dire, Tu verras, fi tu prêtes l'oreille à mes Chants, Hélène fe transformer en un feau ". Le tour du Poële Italien, eft beaucoup plus vif & plus Poëtique que celui du Poete François. DE ST. MARC.

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Finiffons. Auffi-bien, quelque ardeur qui m'inspire, Quand je fonge au Héros qui me reste à décrire, Qu'il faut parler de Toi, mon Esprit éperdu Demeure fans parole, interdit, confondu.

Arifte, c'est ainfi qu'en ce Sénat illuftre, Où Thémis, par tes foins, reprend fon premier luftre, Quand la premiere fois un Athlete nouveau Vient combattre en champ clos aux joûtes du Barreau, Souvent, fans y penfer, ton augufte préfence • Troublant par trop d'éclat fa timide éloquence, Le nouveau Cicéron tremblant, décoloré, Cherche en vain fon difcours fur fa langue égaré:

REMARQUES.

-

En

VERS 166. reprend fon premier luftre,] Cet Hémiftiche est encore d'une grande dureté. DE ST. MARC. VERS 169. Souvent, fans y penfer, ton auguste présen.ce] L'Infinitif avec la Prépofition fans eft la même chofe que le Gérondif avec une Négation. Ainfi fans y penfer, c'eft-à-dire, En n'y penfant pas. Le Gérondif doit fe rapporter au Nominatif ou de la Phrafe entiere, ou de la Phrafe incidente dans laquelle il fe trouve. n'y penfant pas ne fçauroit fe rapporter au Nouveau Cicéron, Nominatif de la Phrafe entiere. Il faut donc qu'il fe rapporte au Nominatif de la Phrafe incidente, c'eftà-dire, à Ton auguste présence. Qu'on me dife préfentement ce que c'eft que cette efpèce de Phrafe-ci? Souvent ton augufte présence, troublant, fans y penser, par trop d'éclat fa timide eloquence. Je ne vois pas qu'on puiffe attribuer la pensée à la préfence. L'Auteur a vou

lu dire, fans que tu le veuilles, fans que tu y_penses. Nos Poëtes font pleins de fautes femblables. DE ST MARC.

VERS 171. Le nouveau Cicéron tremblant, décoloré,] Ce dernier Terme eft bien dur dans un Vers, d'ailleurs il n'est guere en ufage dans la Langue. DE ST. Marc.

En vain, pour gagner temps, dans fes tranfes affreufes, Traîne d'un dernier mot les fyllabes honteufes; 175 Il héfite, il bégaye, & le trifte Orateur Demeure enfin muet aux yeux du Spectateur.

REMARQUES.

VERS 173. & 174. En vain, pour gagner temps, dans fes tranfes affreufes, Traine d'un dernier mot les fyllabes honteufes.] L'arrangement de la Phrase sembloit demander que le Verbe traîne ne parût pas ici fans le Pronom il. DE ST. Marc.

VERS 176. Demeure enfin muet aux yeux du Specta teur.] L'Orateur demeurant muet, les Auditeurs né font plus que Spectateurs. Notre Poëte a eu en vue. B... D. à qui ce malheur arriva, & qui depuis ne plaida plus. IMIT. Ibid. Demeure enfin muet.] TERENCE dans le Phormion, A&t. II. Sc. I.

Poftquam ad Judices
Ventum eft, non potuit cogitata proloqui
Ità eum tum timidum ibi obftupefecit pudor.

FIN DU LUTRIN ET DU TOME IL

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