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Lui peint de Charenton l'hérétique douleur; Et balançant Dieu même en fon ame flottante, Fait mourir dans fon cœur la vérité naiffante. 15 Des fuperbes Mortels le plus affreux lien,

N'en doutons point, Arnauld, c'est la honte du bien. Des plus nobles vertus cette adroite ennemie, Peint l'honneur à nos yeux des traits de l'infamie, Affervit nos efprits fous un joug rigoureux, 20 Et nous rend l'un de l'autre efclaves malheureux: Par elle la vertu devient lâche & timide. Vois-tu ce Libertin en public intrépide,

Qui prêche contre un Dicu que dans fon ame il croit? 11 iroit embraffer la vérité qu'il voit;

25 Mais de fes faux amis il craint la raillerie, Et ne brave ainfi Dieu que par poltronnerie.

C'eft-là de tous nos maux le fatal fondement. Des jugemens d'autrui nous tremblons follement;

REMARQUES.

VERS 12. Lui peint de Charenton, &c.] Lieu près de Paris, où ceux de la R. P. R. avoient un Temple. DESP. IMIT. Vers 16. c'eft la honte du bien.] Ce demiVers, qui exprime le fujet de cette Epitre, eft une efpece d'imitation d'Horace, L. I. Ep. XVI. Vers 24.

Stultorum incurata pudor malus ulcera celat.

VERS 27. Ceft-là de tous nos maux le fatal fondement.] HOMERE, Iliade Liv. XXIV. v. 44. dit, que la honte eft un des plus grands maux, & un des plus grands biens. En effet, elle eft un grand mal, quand elle empêche de faire le bien. Elle eft un grand bien, lorfqu'elle empêche de faire le mal.

Et chacun l'un de l'autre adorant les caprices, 30 Nous cherchons hors de nous nos vertus & nos vices.

Miférables jouets de notre vanité,

Faifons au moins l'aveu de notre infirmité.

A quoi bon quand la fièvre en nos arteres brûle,
Faire de notre mal un fecret ridicule?

35 Le feu fort de vos yeux pétillans & troublés,'
Votre pouls inégal marche à pas redoublés:
Quelle fauffe pudeur à feindre vous oblige?
Qu'avez-vous? Je n'ai rien. Mais.... Je n'ai rien,
vous dis-je,

REMARQUES.

IMIT. Vers 30. Nous cherchons hors de nous nos vertus & nos vices.] Ce Vers exprime le véritable fens de ces mots de Perfe, Satire I. Nec te quafiveris extra. Cette expreffion eft fort ferrée, & c'est une de celles que notre Auteur avoit en vue, quand il a dit dans fon Art Poëtique, Chant II. Vers 155.

Perfe en fes vers obfcurs, mais ferrés & pressans,
Affecta d'enfermer moins de mots que de fens.

C'est encore à ces mots de Perfe, que l'Auteur fait allufion, quand il dit Epitre V. Vers 6.

Je fonge à me connoître, & me cherche en moi-même.

IMIT. Vers 33. A quoi bon, quand la fièvre en nos arteres brûle, &c.] Horace, Liv. I. Ep. XVI. Vers 21. Neu fi te populus fanum recteque valentem

Dictitet, occultam febrem, fub tempus edendi •
Diffimules, donec manibus tremor incidat unctis.

IMIT. Vers 38. Qu'avez-vous? Je n'ai rien. Mais.... Je n'ai rien, vous dis-je.] PERSE, Satire II. Vers 94.

Répondra ce Malade à fe taire obftiné.
40 Mais cependant voilà tout fon corps cangrené:

Et la fièvre demain fe rendant la plus forte,
Un benitier aux piés va l'étendre à la porte.
Prévenons fagement un fi jufte malheur.

Le jour fatal eft proche & vient comme un voleur. 45 Avant qu'à nos erreurs le Ciel nous abandonne, Profitons de l'inftant que de grace il nous donne. Hâtons-nous; le Temps fuit, & nous traîne avec fai. Le moment où je parle est déja loin de moi.

REMARQUES.

Heus, bone, tu palles. Nihil eft. Videas tamen iftud,
Quidquid id eft.

IMIT. Vers 42.

Va Pétendre à la porte.] PERSE, dit encore dans la même Satire, Vers 105.

In portam rigidus calces extendit.

dit

IMIT. Vers 44. Le jour fatal eft proche & vient comme un voleur.] Cette comparaifon de la Mort avec un voleur, eft tirée des Livres Saints. Vigilate ergo, JÉSUS-CHRIST, quia nefcitis quá hord Dominus vefter venturus fit..... Si feiret paterfamilias qua họrd Fur venturus effet, vigilaret utique. Matth. XXIV. 42. Luc. XI. 39. Scitis quia dies Domini ficut Fur in nocte, ita veniet, Ï. ad Theffal. V. 2. Si ergo non vigilaveris, veniam að te tanquam Fur, & nefcies qud hord veniam ad te. Apocal. III. 3.

IMIT. Vers 47 & 48. Hatons-nous; le Temps fuit, & nous traîne avec foi. Le moment où je parle eft déja loin de moi.] PERSE, Satire V. Desp.

Ces deux Vers font une paraphrafe de ce mot de Perfe, Vers 153. de la Sat. citée par l'Auteur.

fugit hora; hoc quod loquor inde eft.

IMIT. Ibid. Le moment où je parle.] L'Auteur qui se

Mais quoi? toujours la honte en efclaves nous lie. 50 Oui, c'est toi qui nous perds, ridicule folie:

C'est toi qui fis tomber le premier Malheureux, Le jour que d'un faux bien fottement amoureux, Et n'ofant foupçonner fa femme d'imposture, Au Démon par pudeur il vendit la Nature. 55 Hélas! avant ce jour qui perdit fes Neveux, Tous les plaifirs couroient au devant de ses vœux.

་.

REMARQUES.

levoit ordinairement fort tard, étoit encore au lit la premiere fois qu'il récita cette Epitre à M. Arnauld, qui l'étoit venu voir dès le matin. Quand il en fut à ce Vers, il le prononça d'un ton léger & rapide, comme il doit être récité, pour exprimer la rapidité du tems qui s'enfuit. M. Arnauld, frappé de la légereté de ce Vers, fe leva brusquement de fon fiége, & marchant fort vite par la Chambre, comme un homme qui fuit, redit plufieurs fois: Le moment où je parle eft déja loin de moi. Si celui de Perfe qu'on vient de citer, tout à l'heure, n'eft pas auffi rapide pour l'Expreflion, il l'eft tout autant pour la Penfée.

§. On peut citer auffi pour la rapidité de l'Expression ce beau Vers de MALHERBE,

La nuit eft déja proche à qui passe midi.

IMIT. Vers 56. Tous les plaifirs couroient au devant de fes vœux, &c.] Ce Vers & les douze qui le fuivent, font imités, pour la plus grande partie, de Virgile, d'Ovide, & d'Horace.

Virgile dit dans fon Eglogue IV. Vers 28.

Molli paulatim flavefcet campus arista,
Incultifque rubens pendebit fentibus uva;
Et dura quercus fudabunt rofcida mella...
Non raftros patietur humus, non vinea falcem,
Robuftus quoque jam tauris juga folvet arator.

La faim aux ani naux ne faifoit point la guerre;'

Le Blé, pour se donner, fans peine ouvrant la terre, N'attendoit point qu'un boeuf preffé de l'éguillon,

REMARQUES.

Il dit auffi dans fes Georgiques, Livre I. Vcrs 127.

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Il dit encore dans le même Livre des Georgiques, Vers-150.

Mox & frumentis labor additus, ut mala culmos
Effet rubigo, fegnifque horreret in arvis

Carduus.

Pour Ovide, voici ce qu'il dit Vers 100. du Liv. I. des Métamorph.

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Mollia fecura peragebant otia mentes.

Ipfa quoque immunis, rastroque intacta, nec ullis

Saucia vomeribus, per fe dabat omnia Tellus....

Mox etiam fruges tellus inarata ferebat:

Nec renovatus ager gravidis canebat ariftis.

Flumina jam lactis, jam flumina nectaris ibant

Flavaque de viridi ftillabant ilice mella.

L'endroit d'Horace que notre Auteur avoit en vue, eft Epod. XVI. v. 43.

Reddit ubi Cererem tellus inarata quotannis,

Et imputata floret ufque vinca, &c.

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