Page images
PDF
EPUB

Et digne feulement d'Alexandre ou de vous:

Mais, Rome prife enfin, Seigneur, où courons-nous?

Du refte des Latins la conquête eft facile.

70 Sans doute on les peut vaincre: Eft-ce tout? La Sicile
De là nous tend les bras, & bientôt fans effort
Syracufe reçoit nos vaiffeaux dans fon port.
Bornez-vous là vos pas? Dès que nous l'aurons prife,
Il ne faut qu'un bon vent & Carthage eft conquise.
75 Les chemins font ouverts: qui peut nous arrêter ?
Je vous entens, Seigneur, nous allons tout domter.
Nous allons traver fer les fables de Libye,
Affervir en paffant l'Egypte, l'Arabie,

REMARQUE S.

VERS 67. Et digne feulement d'Alexandre ou de vous.] Le Poëte compare Pyrrhus à Alexandre, parce que Plutarque dit au même endroit, que ceux qui voyoient l'ar deur de Pyrrhus dans les combats, difoient qu'il faifoit revivre Alexandre, & qu'au lieu que les autres Rois n'imitoient ce Conquérant que par les habits de pourpre par les gardes, par le panchement du cou, & par un haut ton de voix, Pyrrhus le repréfentoit par fa valeur & par fes belles actions. Vie de Pyrrhus.

CHANG. Vers 68. Mais, Rome prife enfin, &c.] Dans les premieres Editions, il y avoit:

Mais quand nous l'aurons prife, hé bien ! que ferons-nous ?

CHANG. Vers 70. Sans doute on les peut vaincre, &c.] Il y avoit d'abord: Fort bien, ils font à nous. Dans la feconde Edition il mit: Sans doute ils font à vous. Et enfin ce qu'on lit ici.

CHANG. Vers 73. Bornez-vous là vos pas, &c.1 Il y avoit dans la premiere Edition: Nous y voilà, fuivons. Dans la feconde, Vous arrêtez-vous là? & dans celle de 1674. il mit: En demeurez-vous là ?

Courir delà le Gange en de nouveaux païs, 80 Faire trembler le Scythe aux bords du Tanaïs : Et ranger fous nos loix tout ce vaste Hémisphere. Mais de retour enfin, que prétendez-vous faire? Alors, cher Cinéas, victorieux, contens,

Nous pourrons rire à l'aise, & prendre du bon temps.
85 Hé, Seigneur, dès ce jour, fans fortir de l'Epire,
Du matin jufqu'au foir qui vous défend de rire?
Le Confeil étoit fage, & facile à goûter.
Pyrrhus vivoit heureux, s'il eut pù l'écouter:
Mais à l'ambition d'oppofer la prudence,

90 C'est aux Prélats de Cour prêcher la réfidence.
Ce n'eft pas que mon cœur du travail ennemi,
Approuve un Fainéant fur le trône endormi.
Mais quelques vains lauriers que promette la guerre,
On peut être Héros fans ravager la terre.

95 Il eft plus d'une gloire. Envain aux Conquérans
L'Erreur parmi les Rois donne les premiers rangs.
Entre les grands Héros ce font les plus vulgaires.
Chaque fiècle eft fécond en heureux Téméraires.
Chaque climat produit des Favoris de Mars.
100 La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Céfars
On a vû mille fois des fanges Méotides

REMARQUES.

CHANG. Vers 84. Nous pourrons rire à l'aife, &c.] Premiere maniere: Nous pourrons chanter, rire.

VERS 101. On a vi mille fois des fanges Méotides, &c.] Le Palus ou Marais Meotide, nommé maintenant la Mer

Sortir des Conquérans, Goths, Vandales, Gépides,' Mais un Roi vraiment Roi, qui fage en fes projets, Sache en un calme heureux maintenir fes Sujets, 105 Qui du bonheur public ait cimenté fa gloire, Il faut, pour le trouver, courir toute l'histoire. La terre compte peu de ces Rois bienfaifans. Le Ciel à les former fe prépare long-temps. Tel fut cet Empereur, fous qui Rome adorée 110 Vit renaître les jours de Saturne & de Rhée: Qui rendit de fon joug l'Univers amoureux: Qu'on n'alla jamais voir fans revenir heureux: Qui foupiroit le foir, fi fa main fortunée N'avoit par fes bienfaits fignalé la journée.

REMARQUE S.

de Zabacche, eft fitué entre l'Europe & l'Afie dans la Petite-Tartarie, au Nord de la Mer-Noire, avec laquelle il communique. C'eft des environs de cette contrée que font fortis autrefois les Goths & les Gépides. A l'égard des Vandales, c'étoient des Peuples plus Septentrionaux, venus du côté de la Mer Baltique, vers l'embouchure de l'Oder. CLUVER. Germ. ant. L. 3.

VERS 109. Tel fut cet Empereur, &c.] Titus. DESP. VERS 114. N'avoit par Jes bienfaits fignalé la journée.] Perfonne n'ignore que cet Empereur, qui fut fi jufte ment furnommé l'Amour & les délices du Genre Humain, fe reffouvenant un foir qu'il n'avoit fait du bien à perfonne pendant la journée: Mes Amis, dit-il, j'ai perdu cette journée, AMICI DIEM PERdidi. A la premiere lecture que l'Auteur fit au Roi de cette Epitre, quand il eut récité ces fix Vers, qui expriment fi bien le caractere de Titus, le Roi en fut frappé d'admiration, & fe les fit relire jufqu'à trois fois.

Alfonfe, Roi d'Arragon entendant parler du regret que fentoit Titus, quand il avoit pallé un jour fans fai

115 Le cours ne fut pas long d'un empire fi doux. Mais où cherchai-je ailleurs ce qu'on trouve chez

nous ?

GRAND ROI, fans recourir aux hiftoires antiques,
Ne T'avons-nous pas vû dans les plaines Belgiques,
Quand l'Ennemi vaincu désertant ses remparts,
120 Au devant de Ton joug couroit de toutes parts,

Toi-même Te borner au fort de Ta victoire,
Et chercher dans la paix une plus jufte gloire?
Ce font-là les exploits que Tu dois avoüer,

Et c'eft par-là, GRAND ROI, que je Te veux loüer.
125 Affez d'autres, fans moi, d'un ftile moins timide,
Suivront aux champs de Mars Ton courage rapide,
Iront de Ta valeur effrayer l'univers,
Et camper devant Dole au milieu des hyvers.

REMARQUES.

re du bien à quelqu'un, témoigna que, graces au Ciel, il n'avoit jamais eu lieu de fe faire un pareil reproche.

VERS 115. Le cours ne fut pas long, &c.] Il ne dura que deux ans, deux mois, & vingt jours. AUSONE a dit de cet Empereur:

Felix imperio, felix brevitate regendi,

Expers civilis fanguinis, Orbis amor.

VERS 118 Ne T'avons-nous pas vû dans les plaines Belgiques.] La Campagne de 1667. en Flandres, où le Roi le rendit maître de plufieurs Villes. Cette guerre fut bientot terminée par le Traité fait à Aix-la-Chapelle l'année fuivante.

VERS 122. Et chercher dans la paix, &c.] La Paix de 1668. DESP.

VERS 128. Et camper devant Dole au milieu des hy

Pour moi, loin des combats, fur un ton moins terrible, 130 Je dirai les exploits de Ton régne paisible. Je peindrai les plaifirs en foule renaisfans: Les Oppreffeurs du peuple à leur tour gémiffans. On verra par quels foins Ta fage prévoyance Au fort de la famine entretint l'abondance. 135 On verra les abus par Ta main réformés,

REMARQUES.

vers. Le Roi venoit de conquérir la Franche-Comté en plein hyver. DESP.

En 1668. le Roi partit de Saint-Germain-en-Laie, le 2. de Février, & y revint le 28.

VERS 130. Je dirai les exploits de Ton régne paifible.] Les 25. ou 30. Vers fuivans rappellent les principales actions du Roi, depuis qu'il eut commencé à régner par lui-même en 1661.

VERS 131. Je peindrai les plaifirs en foule renaissans.] Le Carroufel de l'an 1662., les Ballets, les Courfes de bagues, & les Fêtes données par le Roi à Verfailles, fous le nom des Plaisirs de l'Ile enchantée, au mois dé Mai 1664.

VERS 132. Les Oppreffeurs du peuple à leur tour gémiffans.] Les malverfations des Traitans recherchées & punies en 1661.

VERS 134. Au fort de la famine entretint l'abondance.] Ce fut en 1663. DESP.

Il y a faute dans cette petite Note de l'Edition pofthume de 1713. En 1662. le Royaume, & particuliérement la ville de Paris, étoient menacés d'une grande famine, caufée par une ftérilité de deux années. Le Roi fit venir de Pruffle & de Pologne une grande quantité de Blé. On fit conftruire des fours dans le Louvre, & le pain fut diftribué au Peuple à un prix modique. C'étoit l'intention du Roi, & l'on en dut l'exécution aux foins du Premier-Préfident, & du ProcureurGénéral. DE ST. MARC.

VERS 135. On verra les abus par Ta main réformes.] Les duels abolis. Les Edits contre le luxe. L'établis fement de la Police en 1667. La fureté publique réta

« PreviousContinue »