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Qui font des Bienheureux la jufte récompenfe, Ɛo Et qu'un cœur rarement goûte ici par avance.

Dans nous l'Amour de Dieu fécond en faints defirs, N'y produit pas toujours de fenfibles plaifirs. Souvent le cœur qui l'a, në le fçait pas lui-même. Tel craint de n'aimer pas qui fincérement aime, 85 Et tel croit au contraire être brûlant d'ardeur, Qui n'eut jamais pour Dieu que glace & que froideur. C'est ainfi quelquefois qu'un indolent Mystique, Au milieu des péchés tranquille Fanatique

Du plus parfait Amour penfe avoir l'heureux don, 90 Et croit pofféder Dieu dans les bras du Démon. Voulez-vous donc fçavoir, fi la Foi dans votre ame Allume les ardeurs d'une fincere flame? Confultez-vous vous-même. A fes régles foumis, Pardonnez-vous fans peine à tous vos Ennemis? 95 Combattez-vous vos fens? Dontez-vous vos foibleffes?

Dieu dans le Pauvre eft-il l'objet de vos largeffes?

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ment.] CONCILE de Trente, Seffion IV. Can. 3. Reconciliatio eft cum Deo, quam interdum in viris piis, & cum devotione hoc Sacramentum percipientibus, confcientia pax ac ferenitas, cum vehementi Spiritás confolatione confequi folet.

VERS 87. qu'un indolent Myftique.] QUIÉTISTES, dont les erreurs ont été condamnées par les Papes Innocent XI. & Innocent XII. DESP.

Voyez Sat. X. Vers 622.

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Enfin dans tous fes points pratiquez-vous fa Loi? Oui, dites-vous. Allez, vous l'aimez, croyez-moi. Qui fait exactement ce que ma Loi commande, 100 A pour moi, dit ce Dieu, l'Amour que je demande. Faites-le donc, & fûr, qu'il nous veut fauver tous, Ne vous alarmez point pour quelques vains dégoûts Qu'en fa ferveur fouvent la plus fainte ame éprouve: Marchez, courez à lui. Qui le cherche, le trouve. 105 Et plus de votre cœur il paroît s'écarter,

Plus par vos actions fongez à l'arrêter.

Mais ne foutenez point cet horrible blafphême,. Qu'un Sacrement reçû, qu'un Prêtre, que Dieu même, Quoi que vos faux Docteurs ofent vous avancer, 110 De l'Amour qu'on lui doit puiffent vous difpenfer. Mais s'il faut qu'avant tout dans une ame Chrétienne, Diront ces grands Docteurs, l'Amour de Dieu furvienne :

Puifque ce feul Amour fuffit pour nous fauver, De quoi le Sacrement viendra-t-il nous laver? 115 Sa vertu n'est donc plus qu'une vertu frivole?

REMARQUES.

VERS 99. Qui fait exactement, &c.] Si diligitis me, mandata mea fervate: dit JÉSUS-CHRIST. Qui habet man data mea, & fervat ea, ille eft qui diligit me. JOAN. Cap. XIV. verfet 15. & 21.

VERS 104 Marchez, courez à lui. Qui le cherche, le trouve.] PETITE & dabitur vobis: quærite, & invenietis: pulfate, & aperietur vobis. Omnis enim qui petit, accibit, & qui querit, invenit: & pulfanti aperitur. Matth. Cap. Vil. veriet 7. Luc. Cap. XI. verset 9.

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O'le bel argument digne de leur Ecole!

Quoi, dans l'Amour divin, en nos cœurs allumé,

Le vœu du Sacrement n'est-il pas renfermé ?

Un Payen converti, qui croit un Dieu fuprême, 120 Peut-il être Chrétien qu'il n'afpire au Baptême; Ni le Chrétien en pleurs être vraiment touché, Qu'il ne veuille à l'Eglise avoüer fon péché? Du funefte esclavage où le Démon nous traîne, C'est le Sacrement feul qui peut rompre la chaîne. 125 Auffi l'Amour d'abord y court avidement:

Mais lui-même il en eft l'ame, & le fondement. Lorsqu'un Pécheur émû d'une humble repentance, Par les dégrés prefcrits court à la Pénitence, S'il n'y peut parvenir, Dieu fçait les fuppofer. 130 Le feul Amour manquant ne peut point s'excuser. C'eft par lui que dans nous la Grace fructifie, C'est lui qui nous ranime, & qui nous vivifie. Pour nous rejoindre à Dieu lui feul est le lien; Et fans lui, Foi, Vertus, Sacremens, tout n'eft rien. 135 A ces Difcours preffans que fçauroit-on répondre?

REMARQUES.

VERS 118. Le vœu du Sacrement n'est-il pas renfermé.] Le Concile de Trente, Seff. XIV. Can. 4. Docet præterea, etfi Contritionem hanc aliquando charitate perfectam effe contingat, Hominemque Deo reconciliari, priufquam hoc Sacramentum actu fufcipiatur; ipfam nihilominus reconciliationem ipfi Contritioni, fine Sacramenti voto, quod in illa includitur, non effe adfcribendam.

Mais approchez; je veux encor mieux vous confondre, Docteurs. Dites-moi donc? Quand nous fommes abfous,

Le Saint Efprit eft-il, ou n'eft-il pas en nous ?

S'il eft en nous; peut-il n'étant qu'Amour lui-même, 140 Ne nous échauffer point de fon amour suprême? Et s'il n'eft pas en nous, Sathan toujours vainqueur Ne demeure-t-il pas maître de notre cœur?

Avoüez donc qu'il faut qu'en nous l'Amour renaiffe, Et n'allez point, pour fuir la raison qui vous preffe, 145 Donner le nom d'Amour au trouble inanimé

Qu'au cœur d'un criminel la Peur feule a formé.
L'ardeur qui juftifie, & que Dieu nous envoye,
Quoiqu'ici-bas fouvent inquiete, & fans joye,
Eft pourtant cette ardeur, ce même feu d'amour
150 Dont brûle un Bienheureux en l'éternel Séjour.
Dans le fatal instant qui borne notre vie,

Il faut que de ce feu notre ame foit remplie;
Et Dieu fourd à nos cris, s'il ne l'y trouve pas,
Ne l'y rallume plus après notre trépas.

155 Rendez-vous donc enfin à ces clairs fyllogifmes; Et ne prétendez plus par vos confus fophifmes, Pouvoir encore aux yeux du Fidele éclairé

Cacher l'Amour de Dieu dans l'Ecole égaré.

Apprenez que la Gloire, où le Ciel nous appelle, 160 Un jour des vrais Enfans doit couronner le zèle, Et non les froids remords d'un Efclave craintif,

Où crut voir Abelli quelque Amour négatif. Mais quoi? J'entens déja plus d'un fier Scolastique, Qui me voyant ici fur ce ton dogmatique, 165 En Vers audacieux traiter ces points facrés, Curieux, me demande, où j'ai pris mes dégrés : Et fi, pour m'éclairer fur ces fombres matieres, Deux cens Auteurs extraits m'ont prêté leurs lumieres.

Non. Mais pour décider, que l'Homme, qu'un Chrétien 170 Eft obligé d'aimer l'unique Auteur du bien,

Le Dieu qui le nourrit, le Dieu qui le fit naître,
Qui nous vint par fa mort donner un fecond être,

REMARQUES.

VERS 162. Où crut voir Abelli, &c.] Miférable Défenfeur de la fauffe Attrition. DESP. Edit. de 1701. Auteur de la Moelle Théologique, qui foutient la faufle Attrition par les raifons réfutées dans cette Epitre. DESP. Edit. de 1713.

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L'Attrition, dit-il, qui n'a pour motif qu'une crainte fervile, eft bonne & honnête. Il dit qu'elle naît de l'amour-propre bien réglé: Oritur quidem ex amore fui; fed bene ordinato. Et quoiqu'elle n'enferme pas en foi un parfait Amour de Dieu néanmoins elle ne l'exclud pas, & ne lui eft pas contraire. Medulla Theol. de Sacram. pænit. c. 5. Sect. 10. n. 5. M. l'Abbé Boileau, Docteur de Sorbonne, Frere de notre Auteur, a réfuté Abelli, dans un Livre intitulé: De la Contrition néceffai re pour obtenir la rémiffion des péchés dans le Sacrement de Penitence. BROSS.

LOUIS ABELLI, Parifien, étoit Docteur en Théologie, mais non de la Faculté de Paris. Il fuccéda à M. de Péréfixe, lorfqu'il fut fait Archevêque de Paris, dans l'Evêché de Rhodez, qu'il quitta pour venir finir fes jours à Paris dans la Maifon de Saint Lazare, où il mourut le 4. Octobre 1691. âgé de 88. ans. Il a fait plufieurs Ouvrages, qui font aujourd'hui très-méprifés,

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