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Que par des vers tout neufs, avoüés du Parnasse,
Il faut de mes dégoûts juftifier l'audace;

Et fi ma Muse enfin n'eft égale à mon Roi,
20 Que je prête aux Cotins des armes contre moi.
Eft-ce-là cet Auteur, l'effroi de la Pucelle,
Qui devoit des bons vers nous tracer le modele,
Ce Cenfeur, diront-ils, qui nous réformoit tous?
Quoi? ce Critique affreux n'en fçait pas plus que nous?
25 N'avons-nous pas cent fois, en faveur de la France,
Comme lui, dans nos Vers, pris Memphis & Byzance;
Sur les bords de l'Euphrate abattu le Turban,
Et coupé, pour rimer, les Cèdres du Liban?

REMARQUES.

ques & les Commentateurs, les voici réduits en profe, en y fuppléant feulement ce que l'Ellipfe a fait difpa roître de la phrafe. Phébus même, après avoir joué autant d'Auteurs, que j'en ai joué, auroit peur s'il entroit fur les rangs. Et pourquoi Phebus auroit-il peur? Le Poëte en énonce très-clairement la raifon dans ces quatre Vers, qui fuivent:

Que par des Vers tout neufs, avoüés du Parnafe

Il faut de mes dégoûts juftifier l'audace ;

Et, fi ma Mufe enfin n'est égale à mon Roi,
Que je prête aux Cotins des armes contre moi.

VERS 21.

DE ST. MARC.

Peffroi de la Pucelle.] POEME de Chapelain, dont il eft parlé en divers endroits des Satires. Voyez au fujet de ce Vers & des trois fuivans, l'Epttre 11. Vers 5.

VERS 28. Et coupé, pour rimer, les Cèdres du Liban.] Dans ce Vers & les deux précédens, l'Auteur fe moc

De quel front aujourd'hui vient-il fur nos brifées, 30 Se revêtir encor de nos phrases usées?

Que répondrois-je alors? Honteux & rebuté J'aurois beau me complaire en ma propre beauté, Et de mes triftes vers admirateur unique,

REMARQUES.

que des mauvais Imitateurs de Malherbe, qui croyoient
Favoir bien imité, quand ils avoient employé ces for-
tes de Rimes, qui fe trouvent en plufieurs endroits de
fes Ouvrages: il fait allufion fur-tout à cette Stance
d'une Ode de ce fameux Poëte:

O combien lors aura de Veuves
La Gent qui porte le Turban!
Que de fang rougira les fleuves
Qui lavent les piés du Liban!
Que le Bofphore en ces deux rives
Aura de Sultanes captives!
Et que de meres à Memphis,
En pleurant, diront la vaillance
De fon courage & de fa lance,

Aux funérailles de leurs fils!

THEOPHILE, qui n'aimoit point Malherbe, lui avoit avant M. Despréaux, reproché fon goût pour ces Rimes extraordinaires, qui font affez fouvent le recours des Efprits froids & ftér les, tel qu'étoit Malherbe, felon M. de St. Marc, qui ajoute ce petit trait à la Remarque du Commentateur. Voici ce que dit THEOPHILE

Ils travaillent un mois à chercher comme à Fis
Pourra s'apparier la rime de Memphis;
Ce Liban, ce Turban, & ces rivieres mornes,
Ont fouvent de la peine à retrouver leurs bornes

Plaindre en les relifant l'ignorance publique. 35 Quelque orgueil en fecret dont s'aveugle un Auteur, Il est fâcheux, GRAND ROI, de fe voir fans Lecteur, Et d'aller du recit de ta gloire immortelle,

Habiller chez Francœur le fucre & la canelle. Ainfi, craignant toujours un funefte accident, 40 J'imite de Conrart le filence prudent:

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REMARQUES.

VERS 38. Habiller chez Francœur le fucre & la canelle.] Fameux Epicier. DESP.

Claude Julienne, dit Francœur, demeuroit dans la Rue Saint Honoré, devant la Croix du Trahoir, à l'enfeigne du Franc-cœur. L'Auteur à employé le nom de cer Epicier, parce qu'il fourniffoit la Maifon du Roi, dont il étoit connu. L'un de fes Ancêtres étant Fruitier d'Henri II. ce Roi fut fi content de l'affection & de la franchife avec laquelle cet Officier le fervoit, qu'il dit un jour, Julienne et un franc-cœur. Ce furnom demeura à Julienne, & fes Defcendans en ont hérité. M. Despréaux ignoroit cette particularité. C'eft à propos de ce fait & de quelques autres femblables, qu'il me dit un jour: A l'air dont vous y allez, vous fçaurez mieux votre Boileau que moi-même. BROSS.

IMIT. Ibid. Habiller ..... le fucre & la canelle.] SAINTGENIEZ qu'on a déja cité fur le Vers 261. de la Satire IX. & de qui l'on a oublié de dire, qu'il étoit né à Avignon le 12. Septembre 1606. & qu'il mourut à Orange, dont il étoit Chanoine, le 25. Juin 1663. âgé de près de 57. ans, dit dans fon Idylle II. intitulée Euterpe.

Et piper aut halec und veflire papyre. DE ST. MARC. VERS 40. F'imite de Conrart le filence prudent.] Fa meux Académicien, qui n'a jamais écrit. DESP.

Valentin Conrart, étoit né à Paris en 1603. & fur nommé Valentin, parce que fon Pere & fes Ancêtres étant de Valencienne en Flandres, fes parens voulurent conferver le fouvenir du lieu de leur origine. Il étoit Secrétaire du Roi: & c'eft chez lui que commencerent

Je laiffe aux plus hardis l'honneur de la carriere,
Et regarde le champ, affis fur la barriere.

Malgré moi toutefois, un mouvement fecret
Vient flater mon efprit qui se tait à regret.
45 Quoi? dis-je, tout chagrin, dans ma verve infertile,
Des vertus de mon Roi fpectateur inutile,
Faudra-t-il fur fa gloire attendre à m'exercer,
Que ma tremblante voix commence à se glacer?

REMARQUES.

Les Affemblées, qui donnerent naiffance à l'Académie Françoife, dont il fut le premier Secrétaire. Il ne fçavoit pas le Latin, & ne laiffoit pas d'avoir acquis toutes les connoiffances, qui font l'Homme de Lettres. On le confultoit même fur les Ouvrages d'Efprit, & il paffoit pour un Critique für. I mourut âgé de 72. ans le 21. Septembre 1675. Il avoit compofé des Satires & d'autres Ouvrages, qui n'ont pas vu le jour. On a depuis fa mort publié un Volume de fes Lettres; & l'on trouve, dans les Recueils de Poefies de fon tems quelques petites Pièces de Vers de fa façon, dont quelques-unes font très-agréablement tournées.

CHANG. Ibid. Dans toutes les Editions , que l'on fit de cette Eptire, tant que M. Conrart fut vivant, M. Despréaux eur foin de mettre :

J'obferve fur Ton nom un filence prudent.

Ce ne fut qu'après la mort de Conrart, qu'il fit imprimer ce Vers, tel qu'il l'avoit fait. Il contient une louange équivoque, & femble faire allusion à ce Couplet Satirique de Liniere:

CONRART, comment as-tu pú faire
Pour acquérir tant de renom?
Toi, qui n'as, pauvre Secrétaire,
Jamais imprimé que ton nom.

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Dans un fi beau projet, fi ma Muse rebelle 50 N'ofe le fuivre aux champs de Lille, & de Bruxelle; Sans le chercher aux bords de l'Efcaut, & du Rhin, La Paix l'offre à mes yeux plus calme & plus férein. Oui, GRAND Roi, laiffons là les fiéges, les batailles. Qu'un autre aille en rimant renverfer des murailles; 55 Et fouvent fur Tes pas marchant fans Ton aveu, S'aille couvrir de fang, de pouffiere & de feu. A quoi bon d'une Mufe au carnage animée, Echauffer Ta valeur déja trop allumée? Jouïffons à loifir du fruit de Tes bienfaits, 60 Et ne nous laffons point des douceurs de la Paix.

Pourquoi ces Eléphans, ces armes, ce bagage, Et ces vaiffeaux tout prêts à quitter le rivage? Difoit au Roi Pyrrhus un fage Confident, Confeiller très-fenfé d'un Roi très-imprudent. 55 Je vais, lui dit ce Prince, à Rome où l'on m'appelle. Quoi faire? L'affiéger. L'entreprife eft fort belle,

VERS 50.

REMARQUES.

de Lille, & de Bruxelle.] La Campagne de Flandres, faite par le Roi en l'année 1667. VERS 63. Difoit au Roi Pyrrhus un fage Confident.] PLUTARQUE dans la vie de Pyrrhus. DESP.

Rabelais a imité ce Dialogue, Liv. I. Ch. 33.

VERS 64. Confeiller très-fenfé, &c.] Pyrrhus convenoit, qu'il avoit conquis moins de villes par fes armes, que par l'éloquence de Cyneas.

Ibid.

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d'un Roi très-imprudent.] PYRRHUS l'étoit en effet. C'eft pourquoi Antigonus le comparoit à un

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