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8 AVERTISSEMENT SUR L'EPITRE I

ne crains pas que les habiles gens m'attribuent toutes ces Pièces; parce que mon Stile, bon ou mauvais, eft aifé à reconnoître. Mais comme le nombre des Sots eft grand, & qu'ils pourroient aisément s'y méprendre, il est bon de leur faire fçavoir, que hors les (5) onze Pièces, qui font dans ce livre, il n'y a rien de moi entre les mains du Public, ni imprimé, ni en manufcrit.

REMARQUES.

revenu de fa Cure que lui-même. Il avoit pris parti dans la querelle au fujet de la Phèdre de Racine & de celle de Pradon en faveur du Duc de Nevers. Il fit à cette occafion un Sonnet, qui lui valut, de la part de ce Duc, la nomination à l'Evêché de Bethléem. Mais on fe fervit des Satires, qu'il avoit faites contre les faux Directeurs & les Evêques, pour le mettre mal dans l'efprit du Roi, qui s'oppofa à fes Bulles. DE

ST. MARC.

(5) les onze Pièces.] Le Difcours au Roi, les neuf premieres Satires & P'Epitre I. L'Auteur ne parle que de fes Ouvrages en Vers, & ne compte pas fon Dif cours fur la Satire, imprimé avec les onze Pièces, qu'il indique. DE ST. MARC.

EPITRE

AU ROI.

GRAND-ROI, c'eft vainement qu'abjurant la

Satire,

Pour Toi feul deformais j'avois fait vœu d'écrire. Dès que je prends la plume, Apollon éperdu Semble me dire: Arrête, infenfé, que fais-tu ? 5 Sçais-tu dans quels périls aujourd'hui tu t'engages? Cette mer où tu cours eft célèbre en naufrages.

REMARQUES.

IMIT. Vers 3. Dès que je prends la plume, Apollon éperdu, &c.] Virgile a dit dans fon Eglogue fixieme, Vers 3.

Cùm canerem reges & pralia, Cynthius aurem

Vellit, & admonuit.

CHANG. Vers 5. Sçais-tu dans quels périls, &c.] Dans toutes les Editions qui ont précédé celle de 1701. il y avoit:

Où vas-tu t'embarquer? regagne les rivages.

L'Auteur avoit même mis dans la premiere compofition: Regagne le rivage.

-Cette mer où tu cours eft célèbre en naufrage.

Mais fes amis lui confeillerent de mettre au pluriel, célèbre en naufrages, & regagne les rivages. Cependant, comme cette derniere expreffion n'eft pas tout-à-fait jufte, il l'a corrigée en changeant le vers entier. BROSS. Avec regagne le rivage, célèbre en naufrage au fingu

Ce n'est pas qu'aifément, comme un autre à Ton char Je ne pûffe attacher Alexandre & Céfar;

REMARQUES.

lier étoit une faute de Grammaire; il falloit célèbre en naufrages au pluriel; mais avec célèbre en naufrages regagne les rivages faifoit une faute contre le bon fens, parce que, comme dit Des Marêts dans fa Defenfe du Poëme Iléroïque,,, il fuffit à un Vaiffeau, qui eft en ,, danger, de gagner un port ou un rivage fans en ga,, gner plufieurs ". Des Marets fait plus; il montre, & très-bien, que ces deux Vers:

Où vas-tu t'embarquer? regagne les rivages.

Cette mer où tu cours eft célèbre en naufrages.

ne font dans la bouche d'Apollon, qu'un Difcours infenfé. Où vas-tu t'embarquer? dit-il au Poëte. Le Poëte. n'est donc pas encore embarqué. Regagne les rivages. On n'a point de rivage à regagner, tant qu'on eft à terre. Ce Poëte eft donc encore à terre, & le Dieu lui confeille de ne fe point embarquer: à quel propos tui dit-il: Cette mer où tu cours? Ces paroles peuventelles s'adrefler à qui n'eft point fur la mer? C'est à quoi fe réduit cette Critique de Des Marêts, qui toute judicieufe qu'elle eft, eft fi mal écrite, que j'ai cru devoir me contenter de n'en offrir que l'extrait, quoique M. Du Monteil en ait copié tout au long les paroles. DE ST. MARC.

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VERS 7. Ce n'eft pas qu'aifément, &c.] Au fujet de ce Vers & du fuivant, on lit dans le Boleana, Nomb. XCXVI. M. Despréaux difòit affez volontiers dans la Converfation, c'est un tel Ouvrage, un tel Auteur ,, que j'ai eu en vue, en faifant mes Vers; cependant il ne nous, a jamais dit qu'il eût eu deffein d'attaquer Corneille dans fa premiere Epitre au Roi, auquel il dit: Ce n'est pas qu'aifément, comme un autre, à Ton char Je ne pafe attacher Alexandre & Céfar.

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39

Corneille avoit pourtant donné belle prife au Satirique » par cette façon triviale de louer le Roi, que le mêine Corneille employa dans un Remerciment, qu'il fit à ce

Qu'aifément je ne pûffe en quelque Ode infipide, 10 T'exalter aux dépens & de Mars & d' Alcide :

Te livrer le Bofphore, & d'un Vers incivil
Propofer au Sultan de Te céder le Nil.
Mais pour te bien loüer, une raison sévere
Me dit qu'il faut fortir de la route vulgaire :

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REMARQUES.

Prince en 1663. pour une penfion, qu'il en avoit "obtenue. C'eft ainfi que ce grand Pocte s'exprime en parlant au Roi de fon Génie & de fes Vers:

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Par eux de l'Andromede il fçut ouvrir la Scène

On y vit le Soleil inftruire Melpomene,

Et lui dire qu'un jour Alexandre & Cefar

Seroient, comme vaincus, attachés à ton char".

Ces Vers fe trouvant dans une Pièce fugitive, pouvoient fort bien être échappés à M. Despréaux, quoique les deux qu'il a mis dans fon Epitre, paroiffent parodiés en quelque façon de ceux de Corneille. Il fe peut fort bien qu'il n'ait penfé qu'à faire voir le ridicule d'une loüange triviale, qu'il voyoit tous les jours mife en œuvre par les plus méchans Poëtes. DE ST. MARC.

CHANG. Ibid. Ce n'est pas qu'aifément, &c.] C'eft dans l'Edition de 1701. que ce Vers & les deux fuivans ont paru pour la premiere fois tels qu'ils font ici. Dans toutes les Editions, qui ont précédé, le Poëte avoit mis:

Ce n'eft pas que ma main, comme une autre à ton char
GRAND ROI, ne pût lier Alexandre & Céfar,

Ne pút, fans fe peiner dans quelque Ode înfipide
T'exalter aux dépens, &c.
BROSSETTE..

L'Auteur a bien fenti qu'il y avoit un défaut de juffeffe
à dire de la main qu'elle exalte quelqu'un dans une Oda.

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15 Qu'après avoir joüé tant d'Auteurs différens,

Phébus même auroit peur, s'il entroit fur les rangs :

REMARQUES.

C'eft ce qui a produit le changement qu'il fit dans l'Edition de 1701. DE ST. MARC.

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VERS 15. Qu'après avoir joué, &c.] Des Marets dans fa Defenfe du Poeme Iléroïque Dial. 4. Toit par inattention, foit par malice, donne à ce Vers & au fuivant un fens bien ridicule. Ce qui eft ... admirable, dit-il, c'est ,,.qu'en fe mocquant de l'ambition des Conquérans, il (M. Despréaux) eft lui-même fi ambitieux, qu'avec tant de méchans Vers, il prétend s'élever au-deffus de tous les Poëtes, lefquels il croit faire trembler. Même il dit qu'il fait trembler Apollon le Dieu des Poëtes, en difant de lui-même:

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„ Qu'après avoir jožé tant d'Auteurs différens,

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Phébus même auroit peur, s'il entroit fur les rangs

Il faut n'avoir pas la moindre idée de la Construction Françoife, pour donner un pareil fens à ces deux Vers: & M. Despréaux dut bien rire de l'extravagance de cette Critique. M. Broffette accufe Des Marets d'avoir affecté de donner un faux fens à cet endroit, pour pouvoir accufer l'Auteur d'orgueil & de présomption; & prétend au contraire que le Poëte ne pouvoit pas donner une plus grande marque de modeftie, qu'en difant qu'il doit fortir de la route vulgaire pour bien louer le Roi, & que fi Apollon lui-même entroit fur les rangs pour louer ce Prince, il feroit effrayé d'une fi grande entreprise ". Il ajoûte que c'eft-là le véritable fens de l'Auteur. Il le rend mal; mais il l'a compris. En quoi il fe trompe, c'eft en prenant pour preuve de modeftie, ce qui n'annonce que la crainte, avec laquelle le Poëte entreprenoit de louer le Roi. M. Du Monteil contredit ici M. Broffette, pour le feul plaifir de faire une très-longue Note, où je n'ai vu d'utile que les Paroles de Des Marets, que j'ai copiées au commencement de cette Remarque. D'ailleurs il ne dit rien que de fort déraisonnable, à l'exception peut-être de la prolixe explication qu'il fait des deux Vers en queftion. Is font clairs; mais parce qu'ils ont arrêté les Criti

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