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Juifs fignifie le Dieu des armes: mais Minerve chez Homère appelle Mars un dieu furieux, infenfé, infernal.

Le célébre Montefquieu, qui paffait pour humain, a pourtant dit qu'il eft jufte de porter le fer & la flamme chez fes voifins, dans la crainte qu'ils ne faffent trop bien leurs affaires. Si c'est-là l'efprit des lois, c'eft celui des lois de Borgia & de Machiavel. Si malheureusement il a dit vrai, il faut écrire contre cette vérité, quoiqu'elle foit prouvée par les faits. Voici ce que dit Montefquieu. (a)

Entre les fociétés le droit de la défense naturelle " entraîne quelquefois la néceffité d'attaquer, lors,, qu'un peuple voit qu'une plus longue paix en , mettrait un autre en état de le détruire, & que ,, l'attaque eft dans ce moment le feul moyen " d'empêcher cette deftruction. "

Comment l'attaque en pleine paix peut-elle être le feul moyen d'empêcher cette deftruction? Il faut donc que vous foyez fûr que ce voifin vous détruira s'il devient puiffant. Pour en être fûr, il faut qu'il ait fait déjà des préparatifs de votre perte. En ce cas c'est lui qui commence la guerre, ce n'eft pas vous; votre fuppofition eft fauffe & contradictoire.

S'il y eut jamais une guerre évidemment injufte, c'eft celle que vous propofez; c'eft d'aller tuer votre prochain, de peur que votre prochain (qui ne vous attaque pas) ne foit en état de vous attaquer: c'eft-àdire qu'il faut que vous hafardiez de ruiner le pays dans l'efpérance de ruiner fans raifon celui d'un autre; cela n'eft affurément ni honnête ni utile, car on n'eft jamais fûr du fuccès; vous le favez bien. (a) Efprit des lois, liv. X, chap. II.

Si votre voifin devient trop puissant pendant la paix, qui vous empêche de vous rendre puissant comme lui? s'il a fait des alliances, faites- en de votre côté. Si, ayant moins de religieux, il en a plus de manufacturiers & de foldats, imitez-le dans cette fage économie. S'il exerce mieux fes matelots, exercez les vôtres; tout cela eft très-jufte. Mais d'expofer votre peuple à la plus horrible mifere, dans l'idée si souvent chimérique d'accabler votre cher frère le féréniffime prince limitrophe! ce n'était pas à un préfident honoraire d'une compagnie pacifique à vous donner un tel confeil.

GUEUX, MENDIANT.

Tour pays où la gucuferie, la mendicité est une TOUT

OUT

profeffion, eft mal gouverné. La gueuferie, ai-je dit autrefois, eft une vermine qui s'attache à l'opulence; oui, mais il faut la fecouer. Il faut que l'opulence faffe travailler la pauvreté ; que les hôpitaux foient pour les maladies & la vieilleffe, les atteliers pour la jeuneffe faine & vigoureuse.

Voici un extrait d'un fermon qu'un prédicateur fit il y a dix ans pour la paroiffe St Leu & St Gilles, qui eft la paroiffe des gueux & des convulfionnaires :

Pauperes evangelifantur, les pauvres font évangélifés. Que veut dire évangile, Gueux, mes chers frères? il fignifie bonne nouvelle. C'est donc une bonne nouvelle que je viens vous apprendre ; & quelle eft-elle ? c'eft que fi vous êtes des fainéans, vous mourrez

fur un fumier. Sachez qu'il y eut autrefois des rois fainéans, du moins on le dit ; & ils finirent par n'avoir pas un afile. Si vous travaillez, vous ferez auffi heureux que les autres hommes.

Meffieurs les prédicateurs de St Eustache & de St Roch peuvent prêcher aux riches de fort beaux fermons en style fleuri, qui procurent aux auditeurs une digestion aifée dans un doux affoupiffement, & mille écus à l'orateur: mais je parle à des gens que la faim éveille. Travaillez pour manger, vous dis-je; car l'Ecriture a dit : Qui ne travaille pas ne mérite pas de manger. Notre confrère Job, qui fut quelque temps dans votre état, dit que l'homme eft né pour le travail comme l'oifeau pour voler. Voyez cette ville immenfe, tout le monde eft occupé. Les juges se lèvent à quatres heures du matin pour vous rendre juftice & pour vous envoyer aux galères, fi votre fainéantise vous porte à voler mal-adroitement.

Le roi travaille; il affifte tous les jours à fes confeils; il a fait des campagnes. Vous me direz qu'il n'en eft pas plus riche: d'accord; mais ce n'eft pas fa faute. Les financiers favent mieux que vous & moi qu'il n'entre pas dans fes coffres la moitié de fon revenu; il a été obligé de vendre fa vaisselle pour nous défendre contre nos ennemis. Nous devons l'aider à notre tour. L'ami des hommes ne lui accorde que foixante & quinze millions par an un : autre ami lui en donne tout d'un coup fept cents quarante. Mais de tous ces amis de Job, il n'y en a pas un qui lui avance un écu. Il faut qu'on invente mille moyens ingénieux pour prendre dans nos

poches cet écu qui n'arrive dans la fienne que diminué de moitié,

Travaillez donc, mes chers frères; agiffez pour vous; car je vous avertis que fi vous n'avez pas foin de vous-même, personne n'en aura foin; on vous traitera comme dans plufieurs graves remontrances on a traité le roi. On vous dira: DIEU vous affifte.

Nous irons dans nos provinces, répondez-vous; nous ferons pourris par les feigneurs des terres, par les fermiers, par les curés. Ne vous attendez pas, mes frères, à manger à leur table; ils ont pour la plupart affez de peine à fe nourrir eux-mêmes, malgré la méthode de s'enrichir promptement par l'agriculture, & cent ouvrages de cette espèce qu'on imprime tous les jours à Paris pour l'ufage de la campagne, que les auteurs n'ont jamais cultivée.

Je vois parmi vous des jeunes gens qui ont quelque efprit; ils difent qu'ils feront des vers, qu'ils compoferont des brochures, comme Chiniac, Nonotte, Patouillet; qu'ils travailleront pour les nouvelles eccléfiaftiques ; qu'ils feront des feuilles pour Fréron, des oraisons funèbres pour des évêques, des chanfons pour l'opéra comique. C'est du moins une occupation; on ne vole pas fur le grand chemin quand on fait l'Année littéraire, on ne vole que fes créanciers. Mais faites mieux, mes chers frères en JESUS-CHRIST, mes chers gueux, qui risquez les galères en paffant votre vie à mendier; entrez dans l'un des quatre ordres mendians; vous ferez riches & honorés.

Fin du tome quatrième.

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Sur une ftatue de Niobe.

ibid.

Sur des fleurs à une fille grecque, qui paffait pour

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