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De blé, riche présent qu'à l'homme ont fait les cieux; De mil, pour les pigeons manger délicieux;

De seigle au goût aigret; d'orge raffraîchissante,
Qui donne aux gens du nord la cervoise engraissante.
Telles l'on démolit les maisons quelquefois :

La pierre est mise à part, à part se met le bois;
On voit comme fourmis gens autour de l'ouvrage.
En son être premier retourne l'assemblage :
Là sont des tas confus de marbres non gravés,
Et là les ornemens qui se sont conservés.

POUR ces labeurs Venus non moderée,
Luy monstre un bois où paissent grand foyson
De grands moutons à la laine dorée,
Luy commandant auoir de leur toysen.
Un verd roseau luy dit l'ordre et raison
D'en recouurer. O incroyable chose?
Les fiers troupeaux dorment quelque saison
Mais de Venus l'ire point ne repose.

A PEINE estoit Psiché bien retournée
Du long travail de l'heureuse rapine,
Qu'elle a trouué une boiste ordonnée
Que sa maîtresse enuoye à Proserpine,
Pour rapporter de sa beauté diuine :
Ce que Psiché n'esperant pouuoir faire
De se lancer d'une tour determine :
Mais la tour parle et dresse son affaire.

PSICHÉ croyant la veritable tour

Deux pains ensemble et deux deniers apreste Pour contenter d'aller et de retour.

2

Le vieil Charon et le chien deshonneste 2
Et ne voulant accorder la requeste
D'un importun errant et solitaire
De soulager une chargée beste,
Se contentant de voir et de se taire..

ESTANT Psiché aux voyes infernales
Aucun esprit ne la peust arrester,
Non mesmement les trois filles fatales
Voulants au long son sort interpreter :
Mais bien prudente elle voulut traiter
Le gros matin Cerberus d'un potaige,
Puys s'en alla. Ne fut elle pas saige?
Il luy falloit en autre lieu troter.

Description des Enfers.

LE royaume des morts a plus d'une avenue;
Il n'est route qui soit aux humains si connue :
Des quatre coins du monde on se rend aux enfers.
Tysiphone les tient incessamment ouverts.
La faim, le désespoir, les douleurs, le long âge,
Mènent par tous endroits à ce triste passage;
Et, quand il est franchi, les filles du destin
Filent aux habitans une nuit sans matin.
Orphée a toutefois mérité, par sa lyre,
De voir impunément le ténébreux empire.

C Pour Caron,

• Cerbère.

Psyché, par ses appas, obtint même faveur ;
Pluton sentit pour elle un moment de ferveur :
Proserpine craignit de se voir détrônée,

Et la boîte de fard à l'instant fut donnée.
L'esclave de Vénus, sans guide et sans secours,
Arriva dans les lieux où le Styx fait son cours.
Sa cruelle ennemie eut soin que le Cerbère.
Lui lançât des regards enflammés de colère.
Par les monstres d'enfer rien ne fut épargné;
Elle vit ce qu'en ont tant d'autres enseigné :
Mille spectres hideux, les hydres, les harpies,
Les triples Gérions, les manes des Tilies,
Présentoient à ses yeux maint fantôme trompeur
Dont le corps retournait aussitôt en vapeur.
Les cantons destinés aux ombres criminelles,
Leurs cris, leur désespoir, leurs douleurs éternelles;
Tout l'attirail qui suit tôt ou tard les méchans,
Laremplirent decrainte et d'horreur pour ces champs.
Là, sur un pont d'airain, l'orgueilleux Salmonée,
Triste chef d'une troupe aux tourmens condamnée,
S'efforçait de passer en des lieux moins cruels,
Et par-tout rencontrait des feux continuels;
Tantale aux eaux duStyx portait en vain sa bouche,
Toujours proche d'un bien que jamais il ne touche;
Et Sysiphe, en sueur, essayait vainement
D'arrêter son rocher, pour le moins un moment.
Là, les sœurs de Psyché, dans l'importune glace
D'un miroir que sans cesse elles avaient en face,
Revoyaient leur cadette heureuse, et dans les bras
Non d'un monstre effrayant, mais d'un dieu plein d'appas:
En quelque lieu qu'allât cette engeance maudite,
Le miroir se plaçait toujours à l'opposite;

Pour les tirer d'erreur leur cadette accourut;
Mais ce couple s'enfuit sitôt qu'elle parut.
Non loin d'elles, Psyché vit l'immortelle tâche
Où les cinquante sœurs s'exercent sans relâche.
La belle les plaignit, et ne put, sans frémir,
Voir tant de malheureux occupés à gémir.
Chacun trouvait sa peine au plus haut point montée:
Ixion souhaitait le sort de Prométhée;
Tantale eût consenti, pour assouvir sa faim,
Que Pluton le livrât à des flammes sans fin.
En un lieu séparé l'on voit ceux de qui l'ame
A violé les droits de l'amoureuse flamme,
Offensé Cupidon, méprisé ses autels,
Refusé le tribut qu'il impose aux mortels.
Là, souffre un monde entier d'ingrates, decoquettes;
Là, Mégère punit les langues indiscrètes ;

Sur-tout ceux qui, tachés du plus noir des forfaits,
Se sont vantés d'un bien qu'on ne leur fit jamais.
Par de cruels vautours l'inhumaine est rongée;
Dans un fleuve glacé la volage est plongée;
Et l'insensible expie, en des lieux embrasés,
Aux yeux de ses amans, les maux qu'elle a causés.
Ministres, confidens, domestiques perfides,
Y lassent, sous les fouets, les bras des Euménides.
Près d'eux sont les auteurs de maint hymen forcé;
L'Amant chiche, et la dame au coeur intéressé;
La troupe des censeurs, peuple à l'Amour rebelle;
Ceux enfin dont les vers ont noirci quelques belles.

1

AYANT passé l'ineuitable porte,

Dont le retour à nul homme est permis,
Deuers la royne au palays se transporte,
Où fait et dit ce qu'on luy a commis:
Près de la royne un siege luy fut mis
En luy offrant et repas et viande :

Mais rien n'en prend ne offert, ne promis, Fors que la boiste ainsi qu'elle demande. Psyché parlait ainsi aux divinités infernales:

Vous, sous qui tout fléchit, déités, dont les lois
Traitent également les bergers et les rois :
Ni le desir de voir, ni celui d'être vue,

Ne me font visiter une cour inconnue;

J'ai trop appris, hélas! par mes propres malheurs,
Combien de tels plaisirs engendrent de douleurs.
Vous voyez devant vous l'esclave infortunée
Qu'à des larmes sans fin Vénus a condamnée ;
C'est peu pour son courroux des maux que j'ai soufferts,
Il faut chercher encore un fard jusqu'aux enfers:
Reine de ces climats, faites qu'on me le donne ;
Il porte votre nom, et c'est ce qui m'étonné.
Ne vous offensez point, déesse aux traits si doux;
On s'apperçoit assez qu'il n'est pas fait pour vous:
Plaire sans fard est chose aux déesses facile;
A qui ne peut vieillir cet art est inutile.
C'est moi qui dois tâcher, en l'état où je suis,
A réparer le tort que m'ont fait les ennuis;
Mais j'ai quitté le soin d'une beauté fatale :
La nature souvent n'est que trop libérale.
Plât au sort que mes traits, à présent sans éclat,
N'eussent jamais paru que dans ce triste état!

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