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neille son oncle. En 1681, il fit jouer sa Tragédie d'Aspar. Elle ne réussit point; il en jugea comme le public, et jetta son manuscrit au feu. Ses Dialogues des Morts, publiés en 1683, reçurent un accueil beaucoup plus favorable. Ils offrent de la littérature et de la philosophie, mais l'une et l'autre parées des charmes de l'esprit. La morale y est partout agréable, peut-être même trop, et le philosophe n'a pas assez écarté le bel-esprit. Cet ouvrage commença sa grande réputation; les ouvrages suivans la confirmèrent. On rapportera le titre des principaux, suivant l'ordre chronologique. I. Lettres du Chevalier d'Her.... 1685. Elles sont pleines d'esprit, mais non pas de celui qu'il faudroit dans des lettres. On sent trop qu'on a voulu y en mettre, et qu'elles sont le fruit d'une imagination froide et compassée. II. Entretiens sur la pluralité des Mondes, 1686. C'est l'ouvrage le plus célèbre de Fontenelle, et un de ceux qui méritent le plus de l'être. On l'y trouve tout entier : il y est tout ce qu'il étoit, philosophe clair et profond, bel-esprit fin, enjoué, galant, &c. Ce livre, dit l'auteur du Siècle de Louis XIV, fut le premier exemple de l'art délicat de répandre des graces jusques sur la philosophie mais exemple dangereux, parce que la véritable parure de la philosophie est l'ordre, la clarté, et sur-tout la vérité, et que, depuis cet ouvrage ingénieux, on n'a que trop souvent cher

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ché à y substituer les pointes, les sailliès, les faux ornemens. Ce qui pourra empêcher que la postérité ne mette les Mondes au rang de nos livres clas→ siques, c'est qu'ils sont fondés en partie sur les chimériques tourbillons de Descartes. III. Histoire des Oracles, 1687; livre instructif et agréable tiré de l'ennuyeuse compilation de Vandale sur le même sujet. Cet ouvrage précis, méthodique, trèsbien raisonné, et écrit avec moins de recherche les autres productions de Fontenelle, a réuni les suffrages des philosophes et des gens de goût. Il fut attaqué, en 1707, par le jésuite Baltus. Son livre a pour titre : Réponse à l'Histoire des Oracles. Fontenelle crut devoir, par prudence, laisser cette réponse sans réplique, quoique son sentiment fût celui du père Thomassin, homme aussi savant que religieux. On prétend que le père Tellier, confesseur de Louis XIV, ayant lu le livre de Fontenelle, peignit l'auteur à son pénitent comme un impie. Le marquis d'Argenson (depuis garde-dessceaux), écarta, dit-on, la persécution qui alloir éclater contre le philosophe. Le Jésuite auroit trouvé beaucoup plus à reprendre dans la Relation de l'isle de Bornéo, dans le Traité sur la Liberté, et dans quelques autres écrits attribués à Fontenelle, et qui ne sont pas peut-être tous de lui. IV. Poésies pastorales, avec un Discours sur l'Eglogue, et une Digression sur les Anciens et les Modernes, 1688

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Les gens de goût ne veulent pas que ces pastorales soient mises, pour la naïveté et le naturel, à côté de celles de Théocrite et de Virgile, et ils ont raison. Les bergers de Fontenelle, disent-ils, sont des courtisans. Qu'on les appelle comme on voudra, répondent les partisans du poëte françois; ils disent de très-jolies choses. Ces pastorales peuvent être de mauvaises églogues; mais ce sont des poésies délicates. On convient qu'il y a plus d'esprit que de sentiment; mais si on n'y trouve pas le style du sentiment, dit l'abbé Trublet, on y en trouve la vérité le philosophe a bien connu ce qu'un berger doit sentir. C'est un nouveau genre pastoral, dit un des plus grands adversaires de Fontenelle (l'abbé des Fontaines), qui tient un peu du roman et dont l'Astrée de d'Urfé, et les comédies de l'Amynte et du Pastor-Fido, ont fourni le modèle. Il est vrai que ce genre est fort éloigné du goût de l'antiquité mais tout ce qui ne lui ressemble point, n'est pas pour cela digne de mépris. V. Plusieurs volumes des Mémoires de l'Académie des Sciences. Fontenelle en fut nommé secrétaire en 1699. Il continua de l'être pendant quarante-deux ans, et donna chaque année un volume de l'histoire de cette compagnie. La préface générale est un de ces morceaux qui suffiroient seuls pour immortail jette très-souvent une clarté lumineuse sur les matières les plus

liser un auteur. Dans l'hist culs

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obscures: faits curieux bien exposés, réflexions in génieuses, vues nouvelles ajoutées à celles des auteurs, soit par de nouvelles conséquences de leurs principes, soit par des applications de ces principes à d'autres sujets, soit même par de nouveaux principes plus étendus et plus féconds. Il n'y a personne qui l'ait égalé dans l'art de mettre en œuvre les matériaux de la physique et des mathématiques. Les éloges des académiciens, répandus dans cette histoire, et imprimé séparément, ont le singulier mérite de rendre les sciences respectables, et ont rendu tel leur auteur. Il loue d'autant mieux, qu'à peine semble-t-il louer. Il peint l'homme et l'académicien. Si ses portraits sont quelquefois un peu flattés, ils sont toujours assez ressemblans. Il ne flatte qu'en adoucissant les défauts, non en donnant des qualités qu'on n'avoit pas, ni même en exagérant celles qu'on avoit. Son style élégant, précis, lumineux dans ces éloges, comme dans ses autres ouvrages, a quelques défauts: trop de négligence, trop de familiarité; ici, une sorte d'affectation à montrer en petit les grandes choses : là, quelques détails puérils, indignes de la gravité philosophique; quelquefois, trop de rafinement dans les idées; souvent, trop de recherches dans les ornemens. Ces défauts, qui sont en général ceux de toutes les productions de Fontenelle, blessent moins chez lui qu'ils ne feroient ailleurs; nonseulement

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seulement par les beautés tantôt frappantes, tantôt fines, qui les effacent; mais parce qu'on sent que ces défauts sont naturels en lui. Les écrivains qui ont tant cherché à lui ressembler, n'ont pas fait attention que son genre d'écrire lui appartient absolument, et ne peut passer, sans y perdre, par une autre plume. VI. L'Histoire du Théâtre François jusqu'à Corneille, avec la vie de ce célèbre dramatique. Cette histoire, très-abrégée, mais faite avec choix, est pleine d'enjoument; mais de cet enjoument philosophique, qui, en faisant sourire, donne beaucoup à penser. VII. Réflexions sur la Poétique du Théâtre, et du Théâtre tragique ; c'est un des ouvrages les plus profonds, les plus pensés de Fontenelle, et celui peut-être où, en paroissant moins bel esprit, il paroît plus homme d'esprit. VIII. Elémens de géométrie de l'infini, in-4°. 1727: livre dans lequel les géomètres n'ont guère reconnu que le mérite de la forme. IX. Une Tragédie en prose, et six Comédies: les unes et les autres peu théâtrales, et dénuées de chaleur et de force comique. Elles sont pleines d'esprit, mais de cet esprit qui n'est saisi que par peu de personnes, et plus propres à être lues par des philosophes que

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des lecteurs ordinaires. X. Théorie des Tourpar billons Cartésiens; ouvrage qui, s'il n'est pas vieillesse, méritoit d'en être. Fontenelle étoit grand admirateur de Descartes; et tout philosophe qu'il Tome 1.

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