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ment plus de puissance en Dieu, à départir un certain degré de pouvoir à ses créatures, qu'à faire tout lui-même par une volonté directe; il y a plus de sagesse à avoir agencé l'univers dès le commencement, avec une prévoyance si parfaite qu'il serve de lui-même et par son propre mécanisme aux vues de la Providence, que si son grand auteur était obligé à chaque instant, d'en raccommoder les parties et de ranimer par son souffle, toute l'activité de cette prodigieuse machine. » (Galluppi. Lett. 10.)-2o Elle est encore démentie par le témoignage de la conscience. Est-il possible en nous examinant et nous consultant nous-mêmes de nous persuader que nos idées ne sont pas nôtres? Que loin d'être le résultat de notre activité intellectuelle, elles ne sont pas même en nous, mais nous sont offertes comme dans un miroir? La voix de la conscience proteste contre une semblable supposition.

III. Désastreuse dans ses conséquences.

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D'après cette étrange théorie, nos idées sont ou des effets dont nous ne sommes point la cause, et alors que devient la liberté? Ou bien, ce sont des effets dont Dieu est l'unique cause, et nous voilà conduits au panthéisme. Telle a été, en effet, la dernière conséquence de la théorie de Mallebranche. Refuser à la substance finie, et par conséquent à l'âme toute activité propre, c'est lui substituer l'activité, la personnalité infinie. « Mallebranche, dit V. Cousin, ne détruit pas, comme l'a fait Spinoza, la notion de cause; il la maintient en Dieu, mais il la dégrade en l'homme; il fait la liberté de l'homme très faible et l'action de Dieu infinie. De là la théorie de Dieu comme auteur et principe de nos désirs, de nos actions et de nos pensées; de là la théorie des causes occasionnelles trouvée presque en même temps par Gue

T. III.

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linx (d'Anvers). Le dernier terme de ce système est l'absorption de l'homme en Dieu. » (Leç. XI.)

Ainsi la théorie des idées en Dieu est une hypothèse également inacceptable; elle ne saurait soutenir l'examen de la raison.

S28. Des trois systèmes exposés, aucun ne donne la véritable solution du problème posé au commencement de cette leçon. Tous trois, à les regarder de près, sont entachés d'exclusivisme. La théorie sensualiste méconnaît le rôle de l'esprit dans la formation des idées; la théorie des idées innées celui de l'expérience; la vision en Dieu exclut tout à la fois et le rôle de l'esprit et celui des sens. Dieu, il est vrai, est la cause première de nos idées, mais en est-il la cause immédiate, absolue? Les sens, il est vrai encore, concourent à la production des idées, mais en sout-ils le principe générateur? Et enfin si l'intelligence est ce principe, les idées doivent-elles être innées, exister a priori? N'y at-il pas une théorie qui renferme la part de vérité contenue dans chacun de ces systèmes? C'est ce que nous allons voir.

LEÇON III.

CONTINUATION DU MÊME SUJET. DE LA Vraie origine des idées.

Remarque. Toutes nos idées sont acquises.

tion. tion.

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Mode de leur acquisiProcédé commun; abstrac

- Procédé spécial; abstraction immédiate et médiate.

premières idées sont fondamentales.

Conclusion.

Les

$29. Toute la nature est pleine de mystères. Le comment des choses, même les plus usuelles, ne se laisse presque jamais saisir entièrement. Faut-il s'étonner que la question de l'origine ou de la génération des idées ait aussi ses ténèbres? Quoi qu'il en soit, toute hypothèse qui tend à expliquer, à mettre à découvert cette origine, doit être en harmonie avec la nature humaine dont la connaissance est l'expression. Or, l'homme est un être mixte reliant avec souplesse, suivant la pensée de M. Nicolas, l'esprit et la matière dans une profonde unité. Ne perdons pas de vue cette complexité de la nature humaine. Elle se reflète dans la connaissance; elle doit donc se retrouver à l'origine des idées qui en sont les éléments formels. La théorie que nous allons exposer nous montrera bientôt qu'il en est ainsi. Enonçons-la dans les propositions suivantes :

PROPOSITION PREMIÈRE.

Nos premières idées sont des idées acquises. Leur acquisition est le résultat de l'activité de l'âme saisissant son objet propre dans l'expérience, en vertu de la lumière intellectuelle inhérente à sa nature. Cette opération de l'intelligence est un procédé abstractif.

Développons cette thèse dans toutes ses parties.

I. Les premières idées sont acquises.

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Non-seule

ment les premières, mais toutes le sont, car pas une seule n'est innée, quoique toutes ne soient pas acquises par le procédé abstractif. Cette première partie de la thèse est la conséquence nécessaire de la deuxième proposition établie dans la leçon précédente. L'ignorance absolue est le point de départ de l'intelligence humaine. L'enfant naît sans idées, sans connaissances, sans notion de Dieu, du juste de l'injuste, de cause, etc. Des facultés, des forces, des pouvoirs, voilà tout ce qu'il apporte en venant au monde; c'est-à-dire une nature capable de devenir tout ce que réclame la destinée de son être, suivant les lois immuables qui président à son développement. « Voilà donc quelle est ma nature, dit Bossuet, pouvoir être conforme à tout, c'est-à-dire, pouvoir recevoir l'impression de la vérité; en un mot, pouvoir l'entendre... En cela je me reconnais fait à son image (de Dieu); non son image parfaite, car je serais comme lui la vérité même; mais fait à son image, capable de recevoir l'impression de la vérité.» (V.8.) II. Leur acquisition est le résultat, etc. L'acte par lequel l'âme conçoit, forme les idées, les produit, est l'effet d'une énergie propre à l'âme, mais qui, dans son état actuel, ne s'exerce pas sans relation avec la sensibilité. L'exer

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cice de cette énergie révèle l'existence d'une force intellectuelle, qui, derrière le phénomène sensible, et à son occasion, se faisant une idée, présente le double caractère de fécondation et de pénétration. 1o Cette force féconde la donnée expérimentale en éclairant la perception sensible dans laquelle l'objet de l'idée est offert à l'esprit. (Vol. 1. Psy. 12.) Si nous ne craignions pas de recourir en cette matière à des comparaisons empruntées à la nature, nous dirions: La force vitale de la plante agit sur les substances étrangères; elle les élabore, les adapte à sa nature pour se les assimiler, et les réduire à sa forme propre. Ce phénomène se montre à tous les degrés de l'échelle des êtres; c'est la loi d'assimilation. Mais cette loi, pour s'accomplir, n'exige pas seulement la présence d'un corps en face d'un autre corps; elle exige aussi une action, une influence spécifique de l'un sur l'autre. Il en est de même de l'intelligence dans la perception sensible. Elle n'est pas seulement en contact avec l'objet posé sous son regard, mais encore, elle l'éclaire de sa lumière, le met en état d'être saisi par elle, en un mot, elle le rend intelligible en acte. Ainsi dans la perception d'un cercle, les sens transmettent la qualité sensible, la circonférence; mais cette perception éclairée par l'action de l'intelligence, donne la nature du cercle. D'intelligible qu'il était en puissance, le cercle devient intelligible en acte. Dans ce travail de l'intelligence, toute donnée expérimentale éclairée, fécondée par elle, reçoit pour ainsi dire un nouveau mode d'existence; elle s'empreint de la nature même de l'entendement, participe de son universalité, de son immatérialité. En effet, le cercle, transmis par l'organe visuel, est matériel, localisé, individualisé; perçu par l'entendement, envisagé dans l'âme, il est dépouillé de toutes ces conditions qui l'individualisent. Il a un nouveau mode

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