Page images
PDF
EPUB

liance individuelle qui unit la substance spirituelle et la matérielle, il y a subordination. Sans elle l'unité ne serait point réelle dans l'homme; et puisque tout ordre, suivant la pensée de Saint Augustin, implique supériorité d'une part, infériorité de l'autre, il est clair que c'est à l'âme qu'appartient le commandement. Sa nature et son origine lui assurent cette souveraineté sur le corps, car l'homme, dit Bossuet, est « un animal né pour le commandement; s'il commande aux animaux; à plus forte raison se commande-t-il à lui-même, et c'est en cela que je vois reluire un trait de la divine ressemblance. »>

Telle est donc la loi d'unité qui préside à l'union de l'âme et du corps. Soumis à cette loi l'homme doit aller à l'accomplissement de sa destinée. Mais cette destinée quelle est-elle? La réponse à cette question importante fera l'objet du quatrième et dernier chapitre.

CHAPITRE IV.

DE LA DESTINÉE DE L'HOMME.

INTRODUCTION.

-

Etat de la question. — Importance de la matière.

Possibilité et moyen

[blocks in formation]

r

§ 1. Nous venons d'étudier l'homme dans son être constitutif, c'est-à-dire, dans sa nature et dans son origine. Il nous reste à l'envisager dans sa destinée, si nous voulons compléter notre étude de cette partie de la philosophie. Car il est vrai de dire que la question de la destinée des êtres avec celle de leur cause et de leur nature, épuise la matière de toute investigation scientifique. « Cause, nature, but, dit M. Gerbet, voilà le triangle, obscur d'abord, que la science s'efforce de transformer en triangle de lu mière. » Nous savons déjà que l'homme a un corps mortel et une âme immortelle; qu'il a d'abord une vie terrestre qui s'accomplit dans l'union de l'une et de l'autre de ces deux substances, puis, au-delà de la tombe, une vie dans laquelle rien ne meurt. Il résulte de là que la vie humaine présente deux états distincts que nous devons considérer. Le premier est actuel et passager; le second est futur, immuable; il constitue le terme ou la fin dernière

pour laquelle nous sommes créés. Quelle est donc la destinée de l'homme dans la vie actuelle? Quelle est sa destinée dans la vie future? Tel est le double problème à résoudre dans ce quatrième et dernier chapitre.

S2. Il est aisé de pressentir toute l'importance de cette question. Fixer à l'homme sa destinée dernière, c'est régler sa destinée présente, c'est faire descendre la lumière dans ses pensées, l'ordre dans ses sentiments, et la justice dans ses actions. « L'immortalité de l'âme, dit Pascal, est une chose qui nous importe si fort, et qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et toutes nos pensées doivent prendre des routes si différentes selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet. Ainsi notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet d'où dépend toute notre conduite. » Mais l'humanité n'est pas moins intéressée à la question que l'individu. L'humanité en effet se résume dans l'homme qui en est la racine, comme la société se résume dans l'individu qui en est l'élément constitutif. D'ailleurs en présence de nos utopistes socialistes et humanitaires, est-il besoin de prouver longuement, combien la question de la destinée humaine est intimement liée avec celle de l'organisation sociale? Certes, Cicéron a pu dire avec vérité : « que ne pas s'accorder sur le souverain bien, c'est disputer sur tout le fond de la philosophie.» Qui de summo bono discutit de totâ philosophiæ ratione disputat. (De fin. C. V.) Aussi c'est vers ce grand objet que de tout temps les plus nobles intelligences ont tourné leurs efforts.

S3. Mais l'homme peut-il connaître sa destinée? Et pourquoi non? Il connaît la destination, la fin des êtres qui composent cet univers; il désigne la place qui leur convient dans la nature et fixe l'usage auquel ils sont destinés; pourquoi donc ne pourrait-il pas découvrir sa propre destinée, lui, le seul être, dans ce monde, capable de la rechercher, le seul qui doive la connaître pour pouvoir l'atteindre?

[ocr errors]

L'esprit humain, dira-t-on, a marqué ses recherches sur le bien suprême par les plus tristes aberrations, et aujourd'hui encore, il se rencontre des philosophes qui avouent avec P. Leroux : « que les questions d'origine et de fin sont insolubles, et que nous sommes entre deux mystères. Cette objection est réelle, mais qui ne voit que les étranges erreurs auxquelles la question de la destinée a donné naissance, viennent plutôt de l'esprit de ceux qui s'en sont occupés que de la nature de la question elle-même? Le panthéiste, le progressiste, le rationaliste se méprennent sur la véritable solution à donner à ce problème. Qu'y a-t-il là d'étonnant? Lorsqu'on méconnaît les vérités les plus claires, peut-on ne pas trouver obscures celles qui le sont moins? Est-il d'ailleurs une seule vérité que l'esprit d'erreur ne soit parvenu à couvrir d'obscurité? Et serait-ce une raison de croire que ces vérités offusquées ou mécon nues sont inaccessibles à l'intelligence? Assurément non; bien au contraire, ces incertitudes imposent le devoir de les étudier avec plus de soin et de les dégager des nuages dont on les a enveloppées.

S4. Il est donc au pouvoir de l'homme de connaître sa destinée par les moyens que la Providence a mis à sa disposition ces moyens sont ceux-là mêmes que nous avons exposés dans la logique. Tout être étant organisé en vue de

sa destination, il est incontestable que l'exacte observation de la nature humaine, relativement à son auteur et à l'objet propre de ses facultés diverses, doit nous faire découvrir, au point de vue de la raison, la destinée naturelle de l'homme.

S5. L'ordre à suivre en cette matière est facile à saisir. Nous montrerons d'abord quelle est la fin dernière de l'homme, et quelle est la nature de la béatitude à laquelle il aspire. Ce premier point fixé, nous déterminerons quelle est sa destinée actuelle. Tel est l'objet des deux premières leçons qui vont suivre. Dans une troisième nous exposerons les voies qui doivent nous conduire à l'obtention de notre fin dernièrc.

« PreviousContinue »