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faux. N'oublions pas que l'âme a une vie infiniment supérieure à celle des sens. Il est donc faux de dire que l'activité de l'âme doit s'éteindre avec la vie du corps.

S 19. Après les considérations que nous venons de faire sur l'âme et sur le corps et sur leur union, il nous sera facile de nous former une juste idée du résultat de cette union. Ce résultat, c'est l'homme, ou l'être composé de corps et d'âme et constitué dans son essence par l'union de ces deux natures. Ici donc un nouvel objet se présente à notre étude. Abordons-le en considérant l'homme dans son essence, et dans sa nature. L'examen de quelques phénomènes se rapportant au même sujet complétera cette leçon.

T. III.

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LEÇON III.

DE L'HOMME.

Ce c'est que que l'homme. -Sa définition. Conséquences de cette définition. Unité de la nature humaine. — Unité d'origine. Unité de l'espèce. De l'inégalité dans la nature humaine. Ses causes diverses, l'âge, le sexe, le tempérament. Observations sur la phrénologie. Du climat, etc. De la veille et du sommeil. De la folie. Conclusion.

Du somnambulisme.

$20. Qu'est-ce que l'homme?

Des songes.

La réponse à cette question n'est pas sans importance. On ne saurait mécon naître la nature des deux éléments qui constituent l'homme, ni l'ordre de leurs véritables rapports, sans dénaturer ses droits comme ses devoirs. Les définitions sorties des écoles matérialistes, idéalistes et panthéistes nous en fournissent la preuve. Ne reconnaissant dans l'homme qu'un animal, un esprit, ou un fragment, un mode de l'unité absolue, elles abaissent l'homme jusqu'à la boue ou le portent jusqu'aux cieux et bouleversent ainsi la science de ses droits comme celle de ses devoirs. Nous n'avons pas à nous occuper de ces définitions menteuses; le principe sur lequel elles reposent, a été ruiné plus haut.

$ 21. Platon, qui voyait seulement une union morale entre l'âme et le corps, définissait l'homme : « Une âme se servant du corps. » On a fait honneur de cette définition à M. de Bonald quand il a dit : « L'homme est une intelli gence servie par des organes.» Aristote au contraire avec

son école en fit un animal raisonnable. « Nous pouvons définir l'âme raisonnable, dit Bossuet à son tour, une subs→ tance intelligente née pour vivre dans un corps, et lui être intimement unie. L'homme tout entier, ajoute-t-il, est compris dans cette définition, qui commence par ce qu'il a de meilleur, sans oublier ce qu'il a de moindre, et fait voir l'union de l'un et de l'autre. » (IV. 1.) Ces dernières paroles tracent les conditions nécessaires d'une définition légitime de l'homme; elles nous mettent aussi en mesure d'apprécier celles qui précèdent.

S.22. L'homme est-il une intelligence servie par des organes? Nous ne saurions souscrire à cette définition, car elle n'exprime pas les véritables rapports qui constituent l'union de l'âme et du corps. L'organisme humain n'est pas seulement un instrument de l'âme, il est encore une partie intégrante de l'homme, il appartient à la nature de l'espèce humaine. « On ne se trompe pas, dit Bossuet, quand on dit que le corps est comme l'instrument de l'âme.... Il y a pourtant une extrême différence entre les instruments ordinaires et le corps humain. Qu'on brise le pinceau d'un peintre, ou le ciseau d'un sculpteur, il ne sent point les coups dont ils ont été frappés; mais l'âme sent tous ceux qui blessent le corps; et, au contraire, elle a du plaisir quand on lui donne ce qu'il faut pour l'entretenir.

« Le corps n'est donc pas un instrument appliqué par le dehors, ni un vaisseau que l'âme gouverne à la manière d'un pilote. Il en serait ainsi si elle n'était simplement qu'intellectuelle; mais parce qu'elle est sensitive, elle est forcée de s'intéresser d'une façon particulière à ce qui le touche, et de le gouverner, non comme une chose étrangère, mais comme une chose naturelle et intimement unie.

«En un mot, l'âme et le corps ne font ensemble qu'un

tout naturel, et il y a entre les parties une parfaite et nécessaire communication. » (III. 20.) Ainsi le corps n'est pas seulement un instrument de l'âme. S'il a besoin de l'intervention de l'âme pour vivre, l'âme à son tour a besoin de la vie du corps pour se développer et aller à sa fin, et telle est l'union entre ces deux principes que la dépendance est réciproque sans être la même. Par conséquent il est inexact de dire, que l'homme est une intelligence servie par des organes.

D'ailleurs cette définition admise, tout esprit servi par des organes serait un homme; or, cela n'est pas. Le compagnon de voyage du jeune Tobie était sans doute une intelligence servie par des organes et cependant ce n'était pas un homme. La pensée de M. de Bonald n'exprime donc pas l'essence propre de l'homme; elle n'est pas une définition logique.

S23. Est-il permis de dire que l'homme est un animalraisonnable? - Deux motifs s'y opposent, au dire de quelques écrivains le premier c'est que le mot animal renferme une idée d'infériorité telle qu'il ne peut entrer dans une définition philosophique de l'homme. Le second c'est que cette définition semble méconnaître l'ordre hiérarchique établi entre les deux substances: en mettant en première ligne le moins noble des deux éléments constitutifs de l'ètre humain elle le place sous le joug humiliant de l'animalité. Ces raisons sont spécieuses; la vérité est, que cette définition renferme toutes les conditions d'une définition essentielle nous l'avons montré en logique. (Sect. I. 25.) Elle exprime en effet l'unité du sujet défini, ce qui le constitue dans son essence spécifique et le distingue de tout autre être. Quant à l'état d'infériorité auquel cette définition semble assujettir l'âme raisonnable relativement au

-

corps, il est clair que cette infériorité n'est que dans les mots. Si cet arrangement de mots, qui fait de l'être raisonnable une qualification de l'animal, contriste la raison, on peut lui substituer un autre tour de phrase, et dès-lors elle n'aura plus rien qui puisse froisser sa susceptibilité. Veuton lui préférer la définition de Bossuet? L'homme est «< une substance intelligente née pour vivre dans un corps et lui être intimement unie» nous l'approuvons également, car elle exprime la véritable essence spécifique de l'homme. § 24. Nous venons de voir quel est le véritable concept de l'homme. Il en résulte 1o qu'il y a une association intime entre l'âme et le corps. -2° Que cette société, comme Bossuet l'appelle, pour être parfaite, implique subordination: sans dépendance dans le multiple, pas d'unité possible. 3° Que le bien-être de l'homme dépend aussi du bon état de son corps : « Comme l'homme, dit Bossuet, n'est pas une nature purement intelligente, et qu'il est, ainsi qu'il a été dit, une nature intelligente unie à un corps, le bon état de ce corps doit faire une partie de son bonheur : et pour achever l'union, il faut que la partie intelligente pourvoie au corps qui lui est uni, le principal à l'inférieur.» (IV. 1.) 4° Que l'âme raisonnable étant la partie formelle, principale, et le corps la partie matérielle, c'est à la raison qui est supérieure, de commander, et au corps qui est inférieur, d'obéir.-5° Toutefois, cet empire de l'âme raisonnable sur le corps, de l'homme supérieur sur l'homme inférieur, n'est ni discrétionnaire, ni absolu. Il n'est pas discrétionnaire, puisque le corps n'étant pas un pur instrument n'est pas livré à la merci de l'âme; il a tous les actes de la vie animale non pas indépendamment de l'esprit, mais indépendamment de la raison et de la volonté. Cet empire n'est pas non plus absolu par cela même

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