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§1. L'étude de la nature de l'âme ne doit pas s'arrêter à l'examen de ses propriétés soit fondamentales soit consécutives. L'objet de la philosophie, tel que nous l'avons déterminé au commencement de ce cours, c'est la connaissance de l'homme physique, intellectuel et moral. Or, l'homme n'est ni une âme, ni un corps seulement. Être mixte dans l'ordre de la création il est l'un et l'autre, dans l'unité la plus féconde et la plus merveilleuse. Il n'est véritablement homme qu'à la condition de cette unité des deux substances ou des deux facteurs qui le constituent dans l'intégrité de son être.

S2. Ces deux substances sont bien différentes. L'une est matérielle, étendue, solide, l'autre, sans étendue, sans solidité, sans parties aucunes. Cette différence nous est connue par tout ce qui a été dit dans la somatologie, et

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dans la psychologie. Dieu sans doute peut créer des esprits à l'état d'intelligence pure, ou non unis à un corps. Cependant, suivant la remarque de Bossuet, « il lui a plu que des natures si différentes fussent étroitement unies. Et il était convenable, afin qu'il y eût de toutes sortes d'êtres dans le monde, et des corps qui ne fussent unis à aucun esprit, telles que sont la terre et l'eau et les autres de cette nature; et des esprits qui, comme Dieu même, ne fussent unis à aucun corps, tels que sont les anges; et aussi des esprits unis à un corps, telle qu'est l'âme raisonnable, à qui, comme à la dernière de toutes les créatures intelligentes, il devait échoir en partage, ou plutôt convenir naturellement de faire un même tout avec le corps qui lui est uni.>> (III. 4.)

S3. C'est cette union, cette association admirable de l'es prit et de la matière, d'une substance qui pense et d'une substance qui ne pense pas, que nous avons à considérer dans ce chapitre. Sans prétendre expliquer le lien mystérieux qui les unit, occupons-nous surtout de leur union. A cet égard nous pouvons nous faire trois questions. La première a pour objet le fait même de l'union entre l'âme et le corps; la seconde cherche la nature de cette union, et la troisième a pour but d'examiner le résultat de cette union, c'est-à-dire l'homme, expression, synthèse vivante de l'action et de la réaction qui constituent sa double nature. Développons ce triple objet dans trois leçons diffé

rentes.

LEÇON Ire.

DU FAIT DE L'UNION DE L'AME ET DU CORPS.

Faits qui constatent cette union.

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- Con

verses. Appréciation et conclusion. — De l'origine de l'âme. — Solutions diverses. Emanation. Propagation. Création. clusion. Difficultés et réponses.

S4. Une correspondance intime existe entre l'âme et le corps. Quels sont les faits qui la constatent? Où est le siége de l'âme, c'est-à-dire du principe à qui revient la plus large part dans cette réciprocité d'action? Quand et comment l'âme commence-t-elle d'exister? Tels sont les trois points de vue à considérer dans cette première leçon. Entrons

en matière.

$5. L'influence du corps sur l'âme est incontestable; mais l'empire de l'âme sur le corps ne l'est pas moins. Signalons ou plutôt rappelons les effets de l'un et de l'autre. I. L'influence du corps se manifeste :

1o Dans toute sensation qui commence par une impression dans le corps, se termine au cerveau, et de là se transmet à l'âme. (Somat. 15.)

2o Dans l'imagination reproductive et dans la mémoire sensible. (Psy. exp. Leç. 5.)

3o Dans les passions. (Loc. cit. Leç. 6.)

4o Dans l'action si diverse exercée par les tempéraments; nous en parlerons bientôt.

5o Dans celle des affections morbides de l'un ou l'autre

organe de l'économie animale. Ainsi une lésion cérébrale peut amener la folie, l'épilepsie, etc. Ainsi encore les altérations que subit le caractère moral de l'homme doivent parfois leur origine à un dérangement de digestion. Ce n'est donc pas sans quelques motifs, qu'on juge parfois de l'état de cette fonction par l'accueil bon ou mauvais qu'on reçoit de certaines personnes dont l'abord ne nous est pas familier.

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II. L'empire de l'esprit sur le corps se manifeste : 1o Dans toute réaction en général. (Psyc. exp. 20.) 2o Dans l'imagination productive, et dans la mémoire intellectuelle et volontaire.

3o Dans l'attention; car l'homme applique son intelligence à tout ce qui lui plaît, et, tenant son imagination et sa mémoire captives, sous l'autorité de la raison, il les fait servir aux opérations supérieures de son âme.

4o Dans l'action qu'il exerce sur les passions, c'est-àdire sur ce qu'il y a de plus indocile.

5o Enfin, dans l'espèce d'autorité souveraine avec laquelle l'homme gouverne son être tout entier. Laissons à Bossuet le soin de nous la décrire. «On passe toute sa vie, dit-il, dans des miracles continuels qu'on ne remarque même pas. J'ai un corps, et sans connaître aucun des organes de ses mouvements, je le tourne, je le remue, je le transporte où je veux, seulement parce que je le veux. Je voudrais remuer devant moi une paille, elle ne branle, ni ne s'ébranle en aucune sorte; je veux remuer ma main, mon bras, ma tête, les autres parties plus pesantes, qu'à peine pourrais-je porter, si elles étaient détachées, toute la masse du corps; les mouvements que je commande se font comme par euxmêmes, sans que je connaisse aucun des ressorts de cette admirable machine: je sais seulement que je veux me re

muer de cette façon ou d'une autre, tout suit naturellement, j'articule cent et cent paroles entendues ou non entendues, et je fais autant de mouvements connus et inconnus des lèvres, de la langue, du gosier, de la poitrine, de la tête; je lève, je baisse, je tourne, je roule les yeux; j'en dilate, j'en rétrécis la prunelle, selon que je veux regarder de près ou de loin; et sans même que je connaisse ce mouvement, il se fait, dès que je veux regarder ou négligemment et comme superficiellement; ou bien déterminément, attentivement, ou fixement, quelque objet.

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Qui a donné cet empire à ma volonté, et comment puis-je mouvoir également ce que je connais et ce que je ne connais pas? Je respire sans y penser et en dormant; et quand je veux, ou je suspends, ou je hâte la respiration, qui naturellement va toute seule; elle va aussi à ma volonté; et encore que je ne connaisse ni la dilatation ni le resserrement des poumons, ni même si j'en ai, je les ouvre, je les resserre, j'attire, je repousse l'air avec une égale facilité. Pour parler d'un ton plus aigu, ou plus gros, ou plus haut, ou plus bas, je dilate encore, ou je resserre une autre partie dans le gosier qu'on appelle trachée-artère, quoique je ne sache même pas si j'en ai une : il suffit que je veuille parler ou haut ou bas, afin que tout se fasse comme de soi-même; en un moment, je fais articulément et distinctement mille mouvements, dont je n'ai nulle connaissance distincte, ni même confuse le plus souvent, puisque je ne sais pas si je les fais, ou s'il les faut faire. »

Ainsi, il est indubitable, que la vie de l'âme est modifiée par la vie organique, comme celle-ci l'est à son tour par celle-là. L'âme et le corps agissent et réagissent l'un sur l'autre, et les faits constatés par les observations physio

T. III.

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