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D'ailleurs, 2o il répugne de supposer que l'homme soit conduit dans l'accomplissement de ses destinées par l'illusion et le mensonge. Telle serait cependant la conséquence de l'hypothèse faite dans l'objection. Concluons que si l'âme n'est pas immortelle, le désir de l'immortalité, c'est-à-dire, le phénomène moral le plus constant, le plus inévitable demeure sans objet, sans raison suffisante.

IV. — La thèse conclut de l'incorruptibilité de l'âme à son immortalité; or, cette conclusion est illogique. En effet, de la seule perpétuité du principe substantiel de l'âme, ne résulte point la persistance de la personnalité, c'est-à-dire, de la conscience et du sentiment. Donc, etc.

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R.On distingue l'antécédent. La thèse ne conclut pas à l'immortalité de l'âme du seul fait de son incorruptibilité. A ce compte on peut donc nier l'antécédent aussi bien que la mineure avec sa preuve. Car,— 1o si l'âme est incorruptible, elle l'est suivant sa nature; or, celle-ci est intelligente et active, il faut donc en conclure qu'elle survit dans toute l'intégrité de son être; d'ailleurs, 2o le désir de l'immortalité serait un non-sens s'il n'impliquait pas une véritable survivance, et au point de vue de la morale, une immortalité, qui ne serait qu'une éternité de sommeil, offrirait une sanction purement chimérique. L'âme sans conscience et dépouillée de tout sentiment serait alors comme si elle n'était pas. Enfin 3o le genre humain, par les craintes ou les espérances qui accompagnent sa croyance à une vie future, attend autre chose au-delà du tombeau qu'une triste immortalité plus semblable à la mort qu'à la vie.

Instance. L'âme ne saurait survivre au corps; car, étant unie au corps pour le vivifier, son existence devient sans but du moment qu'il vient à périr.

R.

On nie l'antécédent et on distingue la preuve.

L'âme, il est vrai, est une substance intelligente née pour vivre dans un corps et lui être unie, et le fait de cette destination finit à la mort. Mais avec cette destination, il en est une autre qui résulte de la nature intelligente, et c'est la principale. Loin de finir avec la vie du corps, elle commence surtout alors pour ne finir jamais. « C'est parler sans preuve et en l'air, dit Fénélon, que de supposer que l'âme n'est créée qu'avec une existence entièrement bornée au temps de sa société avec le corps. Où prend-on cette pensée bizarre, et de quel droit la suppose-t-on au lieu de la prouver? Le corps est sans doute moins parfait que l'âme, puisqu'il est plus parfait de penser, que de ne penser pas; nous voyons néanmoins que l'existence du corps n'est point bornée à la durée de sa société avec l'âme : après que la mort a rompu cette société, le corps existe encore jusque dans ses moindres parcelles... Ne faut-il pas conclure que tout de même, à plus forte raison, l'âme continue à exister de son côté, et qu'elle commence alors à penser indépendamment des opérations du corps?

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Instance 2. L'âme séparée du corps ne peut plus exercer ses opérations; donc ses opérations cessant avec corps, elle doit périr avec lui, ou si elle survit, elle doit se trouver sans conscience et sans sentiment. Donc.

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On nie l'antécédent. Dans les limites de son état actuel, il est vrai que l'âme dépend, pour l'exercice de scs facultés, du ministère de l'organisme. Toutefois cette dépendance est-elle absolue de manière qu'elle ne puisse exercer aucun acte intellectuel sans le secours des sens? Le

fût-elle, il n'y aurait d'autre conclusion à tirer, sinon qu'à la mort le mode de percevoir, de penser, de se ressouvenir, etc., propre à l'âme dans cette vie, sera changé en un autre mode de vie intellectuelle plus parfait, et en har

monie avec sa condition nouvelle d'esprit pur. Les payens eux-mêmes avaient senti que cela devait être. « S'il est impossible, dit Platon dans son Phédon, de rien connaître purement pendant que nous sommes avec le corps, il faut de deux choses l'une, ou que l'on ne connaisse jamais la vérité, ou qu'on la connaisse après la mort; parce qu'alors l'âme sera rendue à elle-même; et pendant que nous serons dans cette vie, nous n'approcherons de la vérité, qu'autant que nous nous éloignerons du corps. » Concluons avec Bossuet: « Quoi qu'il arrive de nos sens et de notre corps, la vie de notre raison est en sûreté. Que s'il faut un corps à notre âme, qui est née pour lui être unie, la Providence veut que le plus digne l'emporte; et Dieu rendra à l'âme son corps immortel, plutôt que de laisser l'âme, faute du corps, dans un état imparfait. » (IV. 14.)

S23. En fixant ici les bornes de cette leçon, ne pensons pas être parvenus au terme de notre examen. Les matéria. listes ont cru pouvoir assimiler l'homme à la brute et trou ver dans cette assimilation un motif de nier la spiritualité et l'immortalité de l'âme. Il nous reste donc à examiner cette difficulté. Faisons-en l'objet d'une leçon spéciale.

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- Elle a une âme. —

Nature de cette àme. - Conséquences. Difficultés et réponses.

$ 24. L'homme, par le privilége sublime de sa nature spirituelle, est à une distance incommensurable au-dessus de l'animal. Sans doute, il est des points qui sont communs entre lui et la brute, il est des opérations qui semblent les mêmes; et il faut qu'il en soit ainsi s'il est vrai que l'animalité est un des deux facteurs constitutifs de l'homme. Toutefois dans l'ensemble des phénomènes que la vie animale révèle et dont la ressemblance paraît si frappante avec ceux de la vie humaine, il n'en est aucun qui nous autorise à assimiler l'un à l'autre. La brute n'atteint dans aucun de ses actes cette puissance spirituelle qui fait le caractère distinctif de l'homme, la raison et la liberté. Cette leçon doit nous en convaincre.

$25. Les philosophes de l'antiquité ont, ce semble, généralement regardé les animaux comme doués de la faculté de sentir et de connaître. Leur opinion fausse sur l'origine et la véritable nature de l'âme humaine devait nécessairement les conduire à une erreur analogue, au sujet de l'àme des brutes. Entre l'une et l'autre ils ne pouvaient voir qu'une différence de degrés. Le dogme de la métempsycose

et celui du panthéisme contribuaient sans doute à entretenir ce préjugé erroné qui devait tourner à la dégradation de l'homme. Parmi les philosophes modernes, il s'en est trouvé qui partageaient la même opinion, les uns trompés par la ressemblance des actions des bêtes avec les actions humaines, les autres subissant soit les conséquences de leurs doctrines délétères, soit même les funestes impulsions des plaisirs des sens.

« Cette ressemblance des actions des bêtes aux actions humaines, dit Bossuet, trompe les hommes; ils veulent, à quelque prix que ce soit, que les animaux raisonnent, et tout ce qu'ils peuvent accorder à la nature humaine, c'est d'avoir peut-être un peu plus de raisonnement. Encore y en a-t-il qui trouvent que ce que nous en avons de plus ne sert qu'à nous inquiéter et qu'à nous rendre plus malheureux. Ils s'estimeraient plus tranquilles et plus heureux s'ils étaient comme les bêtes.

« C'est qu'en effet les hommes mettent ordinairement leur félicité dans les choses qui flattent les sens; et cela même les lie au corps, d'où dépendent les sensations. Ils voudraient se persuader qu'ils ne sont que corps et ils envient la condition des bêtes qui n'ont que leur corps à soigner. Enfin ils semblent vouloir élever les animaux jusqu'à eux-mêmes, afin d'avoir droit de s'abaisser jusques aux animaux et de pouvoir vivre comme eux.

«Plutarque, qui paraît si grave en certains endroits, a fait des traités entiers du raisonnement des animaux, qu'il élève, ou peu s'en faut, au-dessus des hommes. C'est un plai sir de voir Montaigne faire raisonner son oie, qui, se promenant dans la basse-cour, se dit à elle-même que tout est fait pour elle; que c'est pour elle que le soleil se lève et se couche; que la terre ne produit ses fruits que pour la

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