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Fait des miracles aujourd'hui,
Força les Alpes étonnées,
D'avouer que leurs Salmonées
Trouvoient leur Jupiter en lui.

Quelle rufe peut le furprendre
Sous quels maux eft-il abattu ?
Quel ennemi fe peur défendre
D'admirer fa grande vertu?

La France à fes mains fecourables,
Des maux qu'on jugeoit incurables
Doit-elle pas la guérifon?

Et fes exploits font-ils pas croire,
Que la Fortune & la Victoire

Sont efclaves de la Raifon ?.

Quel autre, au milieu de l'orage
Qu'excita le Démon du Nord,
Eut avec le même avantage
Conduit fon vaisseau dans le port?
Il ne craignit point la tempête
Dont le Ciel menaçoit la tête
Au milieu des peuples mutins:
Tout fut facile à fa prudence,
Et fa longue perfévérance,
Malgré nous, fit nos bons deftins.

Quand la fatale messagere

GODEAU.

GODIAU,

Des plus tragiques accidens,
Paroît deffus notre hémisphere
Avec fes longs cheveux ardens,
Chacun la contemple, & s'étonne
Qu'aux feux dont la nuit fe couronne,
Son éclat fe montre pareil;

Mais on voit mourir fa lumiere;
Peu de jours bornent fa carriere,
Et fon couchant eft fon réveil.

Tel on voit le deftin funeste
Des Miniftres ambitieux,
Que fouvent le courroux célefte
Donne aux Monarques vicieux :
Leurs paroles font des cracles,
Tandis
que par de faux miracles
I's tiennent leur fiécle enchanté;

I

Mais leur gloire tombe par terre ;

I Quoique ces trois derniers Vers fe trouvent mot pour mot dans le Polyeucte du grand Corneille, il ne s'enfuit pas qu'il les ait empruntez de M. GODEAU. Ayant eu la même pensée à exprimer, les mêmes termes fe font présentez, pour ainfi dire, fous fa main. Au reste, ces fortes de rencontres font affez ordinaires dans nos Poëtes; & Racan nous en fournit un exemple fingulier. Il avoit fait sur la mort le quatrain suivant:

Eftime qui voudra la mort épouvantable,

Et la faffe l'horreur de tous les animaux';

Quant à moi je la tiens pour le point defirable
Où commencent nos biens, & finiffent nos maux..
Racan fut bien furpris quand Malherbe, après avoir

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Et comme elle a l'éclat du verre,

Elle en a la fragili

RICHELIEU dans fon innocence
Ne doit pas craindre un même sort,
Son pouvoir eft fans violence,

Il n'eft pas moins fage que fort:
Lc Ciel fait ce qu'il te confeille;
Jamais fon efprit ne fommeille
Dans les fervices qu'il te rend;
Et par un amour fans exemple,
Il veut au milieu de ton temple
Se confumer en t'éclairant..

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entendu ces Vers, lui fit connoître, livre en nain, qu'ils étoient du fameux Pibrac que Racan n'avoit jamais lû.

GODEAU.

GODEAU

IDYLL E.

Combien la Foëfie facrée est au dessus de la
profane.

1 AVEUGLE Clair-voyant, de qui les doctes Vers,
Sont encore aujourd'hui lûs par tout l'Univers;
Tantôt contre le camp, tantôt contre la ville,
J'ai pleuré ton Hector, j'ai pleuré ton Achille;
Et cent fois par l'effort de tes inventions
Tu m'as fait, à ton gré, changer de passions.

2 Délices de Mantouë, effort de la Nature,
Soit que d'Amarillis tu faffes la peinture,
Soit que d'un coutre d'or tu fendes les guérets;
Soit
que laiffant vergers, abeilles & forêts,
Ta Mufe généreufe au bord du Tybre fonde
Cet Empire, vainqueur de tous les Rois du Monde;
Il le faut avouer, l'art & le jugement,
Dans tes fameux écrits brillent également.
Pour fuivre tes Pasteurs dans leurs grotes fecretes,
Pour oüir les concerts de leurs tendres mufetes,
Pour voir les doux tranfports dont ils font agitez
Il n'eft point de palais que je n'euffe quittez.
Combien de fois, blâmant l'inconftance d'Enée,
Ai-je plaint de Didon la triste destinée !

I Homere.

2 Virgile.

Combien de fois mes yeux, pour de fauffes dou

leurs,

Ont-ils laiffé.couler de véritables pleurs!

Pourrois-je t'oublier, admirable Génie,'
Avec qui des neuf Sœurs la troupe fut bannie ;
Toi de qui les appas fans contrainte & fans fard,
Montrent que la nature eft plus belle que l'art 2

Mais enfin je vous laiffe, agréables menteurs ;
Que d'autres foient touchez de vos difcours flat-

teurs;

David feul me ravit, je n'aime que fa lyre ;
A fes charmans accords je pleure, je foupire;
Il peut tout fur mon cœur, il peut tout fur mes

fens;

Et ma raifon ne fuit que fes divins accens.

Phébus & les neuf Sœurs font pour moi des idoles ;
Leurs plus nobles fujets me paroiffent frivoles;
Et Dieu, dont la bonté m'aide en tant de façons,
Eft feul & pour toujours, l'objet de mes chanfons.

SONNE T.

Sur la naissance de JESUS-CHRIST. QUELS miracles nouveaux, éclatans dans ces lieux,

Confondent la raifon, les fens & la nature!

■ Ovide, relegué en Scythie par Augustc.

GODEAU.

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