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Soit à celle qui tient le vague

frein des eaux,

Et fait avec les vents le deftin des vaisseaux;
Soit à celle qui régne où la Mort & la Guerre
Fauchent à bras fanglans les peuples de la Terre ;
Soit à celle qui taille & moule de fes mains
Les Dieux d'or & d'argent adorez des humains..
Ses deffeins renfermez dans les juftes limites,
Qu'aux defirs naturels le devoir a prefcrites,
Ne font point emportez par les illufions
Que fuivent au hazard les folles paffions..

Tout ce qu'on voit de beau, de grand, de magni
fique,

Qui du char du Soleil tombe fur l'Amérique,
Rubis & diamans, opales & faphirs,
Inutiles appas des frivoles defirs;

N'ont rien de comparable aux vives pierreries,
Qui parent fes jardins, & couvrent fes prairies.
Etendu quelquefois à l'ombre d'une treille,
Où le Silence dort & le Zéphire veille,
Il aime à comparer le murmure des eaux
Au doux gazoüillement d'une troupe d'oifeaux
Cependant près de là, l'infortuné Tityre,
Par la voix des rofeaux que fon haleine inspire,
Se plaint d'Amarillis, qui rit de fon tourment,
Et laiffe à décider leurs querelles au vent:
Le vent plus humain qu'elle, à fa plainte s'ar

rête:

Son troupeau, pour l'ouir, femble lever la tête..

LE P. LE
MOINE

GODEAU.

Godeau.

A

NTOINE GODEAU, né à Dreux en 1614. fut reçu à l'Acadé mie Françoife quelques années après que cette Illustre Compagnie eut été formée. La facilité furprenante de fon génie jointe à fon amour pour le travail, lui a fait produire nombre d'ouvrages en Profe & en Vers. Il difoit que le paradis d'un Auteur étoit de compofer; fon purgatoire, de relire & de retoucher fes compofitions; & fon enfer, de corriger les épreuves de l'Imprimeur. Les grandeurs de Dieu & l'excellence de la Religion Chrétienne ont été l'objet conftant de fes travaux. Quelques-uns de nos Maîtres lui ont refufé la qualité de Poëte, prétendant qu'il n'avoit ni ce feu, ni cet enthousiasme qui en fait le principal caractere. Plufieurs ont appellé comme d'abus de cette prétention:

para

mais qu'elle foit bien ou mal fondée, au moins eft-il vrai que de tant de milliers GODEAU de Vers qui font fortis de la plume de M. GODEAU, à peine en lit-on aujourd'hui la vingtiéme partie. Au refte, n'eut-il fait que fon Ode à LOUIS XIII. & fa phrafe du Cantique Benedicite omnia opera Domini Domino, il ne feroit pas indigne d'occuper une place honorable fur le Parnaffe. Quand l'Auteur préfenta ce Cantique au Cardinal de Richelieu, cette Eminence l'en remercia d'un ton gracieux, en lui difant : M. l'Abbé vous me donnez Benedicite ; & moi, je vous donne Graffe; faifant allufion à l'Evêché de ce nom. Prife à la rigueur, la penfée n'est pas fort exacte, mais les gens d'efprit se permettoient alors affez volontiers des jeux de mots femblables. Le Roi y joignit dans la fuire l'Evêché de Vence; & ce Prélat, fi digne de l'être, après avoir occupé pendant je ne fçai quel efpace de tems l'un & l'autre Siége, jugea à propos

GODEAU.

'de s'en tenir au dernier. Il y mourut d'une attaque d'apoplexie, le 21 Avril 1672. âgé de 67 ans, & regretté de toute l'Eglife, qu'il avoit édifiée autant par une conduite vraiment épifcopale, que par divers ouvrages, dont le plus confidérable eft Hiftoire Ecclefiaftique.

ODE

A LOUIS XIII.

DIVINES fources de la gloire;

Enchantereffes de nos fens,
Illuftres Filles de Mémoire,
Délices des cœurs innocens ;
Amour de mes jeunes années,
Belles Reines des deftinées,
Chaftes Déeffes que je fers,
Mules, venez fur nos rivages
Pour rendre vos juftes hommages
Au plus grand Roi de l'Univers.

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Race des Dieux, doctes Pucelles,
Vous ne verrez point dans fa cour
Luire les flammes criminelles
D'un aveugle & volage amour:

Ses vertus en ont fait un Temple :
Et bien que l'on vous y contemple
Brillantes de feux & d'attraits,
Vos beautez de tous defirées,
N'y feront pas moins affurées
Que dans vos plus fombres forêts.

Louis, dont l'Univers admire

La fageffe & la piété,

Ta puiffance dans ton Empire
Eft conduite par l'équité :
Le fceptre dans ta main vaillante
N'eft point une charge pefante
Tes foins nous fauvent du trépas;
Tu jouis toujours de toi-même ;
Et ton fuperbe diadême

Te pare, & ne t'aveugle pas..

Quand pour le malheur de la Terre
On vit un démon furieux,

De HENRI, ce foudre de guerre,
Borner les ans victorieux;
Chacun fe plaignit que la Parque
Soûmît fi-tôt ce grand Monarque
A la loi commune du Sort ;
Et penfa que le parricide,
Du coup qui bleffa notre Alcide,
Avoit bleffé la France à mort.

GODEAV

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