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C'est tout ce qu'il nous laisse après avoir été.
O trifte fouvenir! quand je mets tout ensemble
Son efprit, fon fçavoir, & fon cœur indompté,
Fier, bon, tendre, conftant, rempli de piété,
Hélas! je cherche en vain quelqu'un qui lui ref-
femble.

A Mademoiselle **.

Vous avez beau charmer, vous aurez le deftin
De ces fleurs fi fraîches, fi belles,

Qui ne vivent qu'un feul matin:

Comme elles vous plaifez, vous pafferez comme elles.

Réponse à un Madrigal où on la traitoit d'immortelle

QUAND l'aveugle Deftin auroit fait une loi
Pour me faire vivre fans ceffe,

J'y renoncerois par tendreffe,

Si mes amis n'étoient immortels comme moi.

Sur le même fujet.

VOTRE Madrigal eft joli,
Il eft agréable & poli;

Vous me louez de bonne grace;
Mais pour cette immortalité
Dont on parle tant au Parnaffe,
Hélas! ce n'eft que vanité ;

DE SCU

DERY

DE SCU-
DERY.

Car à la fin, Damon, le plus grand nom s'efface
Dans la fombre postérité ;

Et fi le Ciel vouloit contenter mon envie,
J'en quitterois ma part pour un fiécle de vie.
Sur fon Portrait gravé par Nanteüil.

NANTEUIL en faisant mon image,

A de fon art divin fignalé le pouvoir :

Je hais mes yeux dans mon miroir,
Je les aime dans fon ouvrage.

I

A M. Conrart, fur un joli cachet qu'il donna
à Mademoiselle de Scudery.

POUR mériter un cachet si joli,
Si bien gravé, fi brillant, fi poli,
Il faudroit avoir, ce me semble,
Quelque joli fecret ensemble;
Car enfin les jolis cachets
Demandent de jolis fecrets,

Ou du moins de jolis billets.
Mais comme je n'en fçai point faire,
Que je n'ai rien qu'il faille taire,
Ni qui mérite aucun myftere,
Il faut vous dire feulement

Que vous donnez fi galamment,

Mademoiselle DE SCUDERY, fans être belle, étoit une perfonne de fort bonne mine.

Qu'on ne

peut fe défendre

De vous donner fon cœur, ou de le laiffer prendre.

Aux Demoiselles de Saint Cyr.

Vous de qui l'innocence & la noble jeunesse
S'éleve au pied du Trône à l'ombre d'un grand Roi,
Voulez-vous recueillir les fruits de fa largeffe?
Du Roi de l'Univers apprenez bien la loi.
De la nouvelle Efther admirez la sagesse;
Imitez fes vertus, fon air, fa politeffe,
Sa rare piété, fa prudence & fa foi.

Ne demandez au Ciel ni grandeur, ni richeffe,
Dont le frivole éclat rend nos yeux éblouis;
Mais par des vœux ardens, & remplis de tendreffe,
Abrégeant vos fouhaits, demandez-lui fans ceffe,,
Pour vous, pour nous, pour tous, qu'il conferve

LOUIS.

La Tubéreufe, à Clélie.

DES bords de l'Orient je fuis originaire.
Des aftres le plus beau, le Soleil est mon pere.
Le Printems ne m'eft rien ; je ne le connois pas;
Et ce n'eft point à lui que je dois mes appas.
Je l'appelle en raillant le pere des fleurettes,
Du fragile muguet, des fimples violettes,
Et de cent autres fleurs qui naiffent tour à tour;
Mais de qui les beautez durent à peine un jour.

Madame de Maintenon, Protectrice de Saint Cyr,

DE SCU

DERY.

Voyez-moi seulement, je suis la plus parfaite ;

DE SCU- J'ai le teint fort uni, la taille haute & droite;
Des roses & des lys j'ai le brillant éclat,

DERY.

Et du plus beau jafmin le luftre délicat.

Je furpaffe en odeur & la jonquille & l'ambre ;
Et le plus grand des Rois me fouffre dans fa cham-
bre..

A fon air de Héros, à fes exploits guerriers,

On cût dit que son cœur n'aimoit que les lau-
riers,

Que feule à fes faveurs la palme ofait prétendre;
Cependant il me voit d'un regard affez tendre.
Après un tel honneur, cédez, moindres beautez.;
Vous avez plus de nom que vous n'en méritez.
Vous, CLELIE, excufez fi j'ai l'ame hautaine;
Et fi dans mes discours je parois un peu vaine:
Par l'avis de SAPHO je demande vos chants,
Si chéris des neuf Sœurs, fi doux & fi touchans,
Afin de publier du Couchant à l'Aurore,
Que je fuis fans égale en l'empire de Flore;
Que le trifte Hyacinthe avec tous les appas,
Et cette fleur qui fuit mon pere pas
Les roses de Venus nouvellement écloses,
Ajax fi renommé dans les Métamorphofes,
La fleur du beau Narciffe & la fleur d'Adonis,
Toutes doivent céder à la fleur de Louis.

Σ

à

pas,

A

A l'illuftre Secretaire des Dames, quel qu'il puisse être.

D'ou viennent ces lauriers fi verds, fi précieux?
Sortent-ils de la terre, ou tombent-ils des cieux ?
Et d'où partent ces vers pleins d'efprit & de grace,

Dont le tour délicat tous les autres efface?
Généreux inconnu, pourquoi vous cachez-vous ?
Le plaifir d'obliger eft un plaifir fi doux!
Je vous cherche partout, & ne vous puis connoître
Etes-vous mon ami? ne le pouvez-vous être ?
Vous contenterez-vous de n'être qu'eftimé ?
En ne fe montrant pas, on ne peut être aimé.
Soyez du moins jaloux de votre propre ouvrage:
Nos plus rares efprits viennent lui rendre hom--

mage:

Il n'a qu'un feul défaut qui fe corrigera 5
1 Mettez-y votre nom, & rien n'y manquera.

1 Quelque tems après que le Prix de Profe eut éré adjugé a Mlle. DE SCUDERY par Meffieurs de l'Académie Françoife, un homme inconnu donna à fa porte un petit paquet rond de la groffeur d'une montre, qu'il dit être venu par le Courier de Provence. Elle l'ouvrir, & y trouva une fort jolie boëte, qui contenoit une Ode attachée avec des rubans de diverfescouleurs à une petite guirlande de lauriers d'or, émaillezde verd de forte que ne pouvant deviner qui lui avoit falt cette ingénieufe galanterie, elle fit la réponfe qu'on vient de lire. On découvrit dans la fuite que c'étoit Made. moifelle de la Vigne, qui par modeftie avoit voulu ca-cher fon nom.

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DE SEU

DERY

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