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à Caftres pour y fuivre le Barreau & fe PELISSON. difpofer à remplacer dignement fes peres, Mais fa carriere ne faifoit que de s'oyvrir, lorfqu'il fut tout à coup arrêté une petite vérole, qui lui déchiqueta les jouës, & lui déplaça prefque les yeux. Il crut ne pouvoir mieux fe confoler qu'aveç les Mufes; & pour cela il revint à Paris, Ses amis ne le reconnure nt plus aux traits du vifage; mais ils le reconnurent à des traits plus durables, à des manieres douces & liantes, à un enjouëment délicat, & furtout à une certaine éloquence de converfation, qui lui étoit particuliere, Il abufoit, difoit-on, de la permission qu'ont les hommes d'être laids: mais il n'avoit qu'à parler pour arrêter l'impreffion que pouvoit faire la laideur de fon vifage.. Parmi les perfonnes qu'il cultiva, & que fon mérite lui avoit données pour amies, Mademoiselle de Scudery tient le premier rang. Une parfaite conformité de génie,

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Madame de Sévigné, Lettre LXXV.

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de goût, & de fentimens, les avoit faits l'un pour l'autre. Ou ils fe virent, ou ils PELISSON, s'écrivirent tous les jours, durant près de cinquante ans.. En 1652. M. PELISSON lut à l'Académie Françoise l'Hiftoire qu'il avoit faite de cette Compagnie, & dèslors elle lui permit d'affister à fes Affem→ blées, & d'y opiner comme Académicien. Arts, Sciences, Langues, connoiffance des affaires, tout étoit du reffort de fon efprit. M. Fouquet, alors Sur - intendant des Finances, voulut fe l'attacher. Il le fit en 1657. fon premier Commis, & bientôt fon confident. Quatre années paffées dans cet emploi, lui firent goûter le plus doux plaifir d'une grande ame, le plaifir

de faire du bien. Mais en 1661. la difgrace de M. Fouquet ayant éclaté, le premier Commis fut mis à la Baftille, d'où

1 Cette Hiftoire eft regardée comme un chef-d'œuvre par tout ce qu'il y a de perfonnes qui ont du goût. Quelle naïveté, jointe à un art infini! Quels tours ingénieux, fans que la fimplicité en fouffre! On ne peut mieux narrer que M. PELISSON, & il a le fecret de mettre dans les moindres peintures & de la vie & de la grace. M m iij

il ne fortit qu'en 1669. Louis XIV. rendiť PALISSON. juftice à fon innocence & à fon mérite, en le comblant d'honneurs & de bien

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faits. Il le chargea d'écrire l'Hiftoire2 de
fon régne, & lui ordonna de fe tenir à la
Cour.. M. PELISSON célébroit tous les ans
fa fortie de la Bastille
par la délivrance
de quelques prifonniers, & fon entrée 3
dans l'Eglife Romaine par différentes œu-
vres de piété. Il confacra depuis fa plume
à la défense de la Religion Catholique ;
& il travailloit à un Traité fur l'Eucharif-
tie, quand la mort le furprit à Verfailles
en 1693. Il ne reçut point les Sacremens,

1 Ce Prince lui donna fucceffivement une penfion de fix mille livres, l'Abbaye de Benevent de dix mille livres de recelle de Gimont, le Prieuré de Saint Orens d'Auch,

venu,

&c.

2 Nous ne l'avons que par fragmens; & ce qui nous em refte, ne fert qu'à nous faire regtetter davantage ce qui s'en eft malheureusement perdu après la mort de M. PELISSON.

3 La mere de M. PELISSON, femme de beaucoup d'efprit, mais fort entêtée du Calvinifme, l'avoit nourri dans l'erreur. Il profita du tems de fa captivité pour lire les Peres & plufieurs Livres de controverfe. Pleinement inftruit, il abjura le Ca'vinifme à Chartres, quatre ans après fa fortie de la Baftille, entre les mains de Gilbert de Choifeul, Evêque de Comminges.

non qu'il ait refufé de les recevoir, comme les Hérétiques le publierent fauffe- PELISSON. ment; mais parce que la fluxion dont il étoit attaqué le fuffoqua, avant que le Confeffeur qu'il avoit mandé fût venu.. Jamais homme ne fut plus défintereffé, ni plus fidele à fes amis que M. PELISSON. Jamais amateur des Gens de Lettres ne fut plus ingénieux à faire valoir leurs talens, ni plus ardent à prévenir leurs befoins. Le Févre de Saumur, entre autres, & Scarron reçurent plus d'une fois des marques effentielles de fa générosité. Eftimé, chéri de tout ce qu'il y avoit de

:

Ce font les propres termes de M. de Meaux (JacquesBenigne Boffuet) dans une Lettre à Mademoiselle de Scudery & d'ailleurs M. l'Abbé Bofquillon, témoin des derniers momens de fon ami, a certifié qu'il étoit mort dans les fentimens les plus tendres & les plus touchans que la Religion puiffe infpirer. Au refte les Proteftans étoient forcés d'avouer que ce grand Convertiffeur, ainfi le nommoient-ils, n'ufoit de fa faveur auprès du Roi, que pour ménager les intérêts tant fpirituels que temporels, de ceux qui fecoüoient le joug de l'erreur; que les revenus des Economats confiés à la prudence, étoient diftribués avec la plus exacte fidelité; & qu'enfin à l'égard de fes Ouvrages polémiques, la controverfe y étoit fans amertume, & la Théologie avec des graces.

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perfonnes d'un vrai mérite à la Ville & PELISSON. à la Cour, il en fut généralement regreté après la mort.

EPIGRAMME S.

D'un arbre.

ABATU par un orage,
On me fait voguer fur l'eau.
O l'infortuné préfage!

Avant que d'être vaiffeau,
J'avois déja fait naufrage.

Néant des chofes du monde.

GRANDEUR, fçavoir, renommée,
Amitié, plaifir & bien,

Tout n'eft que vent, que fumée;
Pour mieux dire, tout n'eft rien.

Contre les Aftrologues.

TROIS fois trente-trois journées,
Acheveront mes années,

Difoit en bien fupputant

Un Aftrologue important.
Chacun commença d'attendre
Mais voyant venir les cent,
Sans que la mort le vînt prendre,

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