Employons mieux le tems qui nous eft limité: RACAN. Quittons ce vain efpoir dont la témérité. Nous en fait tant accroire:
Que Dieu foit déformais l'objet de nos défirs: Il forma les mortels pour jouir de fa gloire, Et non pas des plaifirs.
Bonheur d'un Héros dans les Cieux.
IL voit ce que l'Olympe a de plus merveilleux Il y voit à fes pieds ces flambeaux orgueilleux : Qui tournent à leur gré la Fortune & fa rouë; Et voit comme fourmis marcher nos Légions, Dans ce petit amas de pouffiere & de boue, Dont notre vanité fait tant de régions.
DE L'ODE
A LOUIS XIV.
DIGNE préfent de l'Eternel, Grand Roi, que fa toute-puissance, Dans les miferes de la France, Accorde à fon vœu folemnel; Ce feu que tu vois dans mon ame Conferver fa vivante flamme En dépit de foixante hivers, A ton nom confacre mes veilles, Et va faire à mes derniers Vers Chanter tes premieres merveilles.
Quand HENRI de fes longs malheurs
Vit la France enfin délivrée,
Mon Apollon fous fa livrée
Produifit fes premieres fleurs : Ton pere, qui toujours augufte, Eut dans la paix le nom de Juste, Et dans la guerre de Vainqueur, A vû dans l'été de mon âge, Eclater toute la vigueur
De ma force & de mon courage.
Je l'ai fuivi dans les combats; J'ai vû foudroyer les rebelles; J'ai vu tomber leurs citadelles Sous la pefanteur de fon bras: J'ai vû forcer les avenues Des Alpes qui percent les nuës, Et leurs fommets impérieux C'humiller devant la foudre, De qui l'éclat victorieux
Avoit mis la Rochelle en poudre.
Mais dans ces fiécles malheureux,
Où la Difcorde déchaînée,
Vit fon audace réfrénée
Par ces deux Princes généreux ;
Sous quelque fuperbe trophée
Que fa rage fut étouffée,
En vit-on jamais de pareils A ceux de ton fage Miniftre, Qui triompha par fes confeils De notre fortune sinistre♦
Arras que l'on croyoit perdu, Eft par l'attaque vigoureuse De mainte phalange nombreuse Glorieufement défendu.
La Sambre fous tes lois captive, Voit planter par de-là sa rive Nos frontieres & nos lauriers; Et voit fous les forêts de piques De nos formidables Guerriers Gémir les campagnes Belgiques.
Ce Mont affreux de toutes parts, Ce Mont où l'Art & la Nature Avoient dans une roche durc Creufé d'invincibles remparts; Ce Mont qui bravoit les orages Depuis la naiffance des âges, Ce Mont d'abîmes revêtu; Cet orgueilleux fils de la Terre N'avoit jamais été battu D'un fi redoutable tonnerre.
Sur le retour du Printems:
DE'A les fleurs qui bourgeonnent,
Rajeuniffent les vergers;
Tous les échos ne raisonnent Que de chanfons de Bergers; Les jeux, les ris & la danse, Sont partout en abondance; Les délices ont leur tour, La trifteffe le retire, Et perfonne ne foupire, S'il ne foupire d'amour.
Les moiffons dorent les plaines, Le ciel eft tout de faphirs, Le murmure des fontaines S'accorde au bruit des zéphirs: Les foudres & les tempêtes Ne grondent plus fur nos têtes; Ni des vents féditieux
Les infolentes coleres,
Ne pouffent plus les galeres Des abîmes dans les cieux.
DES BERGERIES DE M. DE RACAN.
L'infidélité prétenduë d'Alcidor, Amant d'Artenices détermine cette Bergere à fe confacrer à la retraite.
QUE cette vie eft douce, & que je fuis contente De me voir en ce lieu conforme à mon attente! Que j'y trouve d'appas qui charment ma douleur ! Que le fort m'a renduë heureuse en mon malheur ! Doux poifon des efprits, amoureufe pensée, Qui me représentez ma fortune paffée, Eloignez-vous de moi, fortez de ces faints lieux; Les cœurs n'y font épris que de l'amour des cieux. La gloire des mortels n'eft qu'ombre & que fumée: C'est une flâme éteinte auffi-tôt qu'allumée. Deffillez-vous les yeux, vous dont la vanité Préfere cette vie à l'immortalité.
Maintenant que je goûte une paix fi profonde, Que j'ai pitié, ma Soeur, de ceux qui font au monde, Et qui fur cette arêne, émûe à tout propos, Fondent fans jugement l'efpoir de leur repos !
Ma Sœur, ne plaignez point ceux que le fort convie A paffer loin de nous la courfe de leur vie. Parmi les vanitez qui ne font point ici, Où le combat eft grand, la gloire l'eft auffi.
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