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dit qu'en plufieurs Provinces de France il étoit paffé en proverbe de dire: Cela CORNEIL eft beau comme le Cid. Perfonne n'ignore jufqu'à quel point le Cardinal de Richelieu en fut jaloux. Non content de fou lever les Auteurs contre cet Quvrage (ce qui ne dut pas être fort difficile) il fe mit à leur tête. Mais comme s'il n'eût eu des foibleffes que pour les réparer par quelque chofe de noble, il récompen foit comme Miniftre, ce même mérite qu'il perfécutoit comme Poëte. On en peut juger par les Vers fuivans que M. CORNEILLE fit après la mort de cette Emi

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Qu'on parle mal ou bien du fameux Cardinal
Ma Profe ni mes Vers n'en diront jamais rien :

1 De toutes les critiques que le Cid occafionna, la meil leure ou plutôt la feule bonne, eft celle que tout le monde connoît fous le titre de Sentimens de l'Académie Françoife fur le Cid Ouvrage qui fit d'autant plus d'honneur à cette Compagnie naiflante, que la modération, la politefle, & l'exactitude, inféparables de la faine critique, y régnent depuis le commencement jufqu'à la fin.

2 Le Cardinal de Richelieu avoit fait quelques Piéces de Théâtre qu'il avoit données fous le nom de différens Auteurs, qui lui étoient attachez.

CORNEIL

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Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal ; Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien. Quand M. CORNEILLE eut, pour ainfi dire, atteint jufqu'au Cid, il s'éleva encore dans Horace; enfin il alla jufqu'à Cinna, & à Polyeucte, au-deffus defquels il n'y a rien. Pompée, Rodogune, Héraclius, Nicomede.... qu'il donna depuis, foutinrent avec éclat le glorieux titre de Grand, que les Nations les plus jalouses de la nôtre lui ont déféré. Il est vrai que fes dernieres Piéces ne font pas toutes de la même force: mais dans celles même qui ont eu le moins de fuccès, combien de beaux traits où ce génie fublime, j'ai prefque dit cet inftinct divin qui n'a été donné qu'à lui, & qui ne l'a pas même abandonné dans fa vieilleffe, fe retrouve tout entier !. Sa traduction en Vers François des quatre Livres de l'Imitation de Jefus Chrift, eut un fuccès prodigieux. Ses Pfeaumes & autres petits Ouvrages de fa façon, ont été recueillis en un volume

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lume il y a quelques années. On a imprimé en tête la Défenfe du grand CORNEILLE, CORNEILpar le Pere Tournemine: Ouvrage dicté par l'amour de la Patrie & de la vérité; & où régne une éloquence, dûë à l'admiration vive & éclairée du génie & des qualitez perfonnelles de cet illuftre Poëte.. Il étoit affez grand & affez plein. Il avoit le vifage agréable, un grand nez, la bouche belle, les yeux pleins de feu, la phyfionomie vive, des traits fort marquez.. Il parloit peu même fur la matiere qu'il entendoit fi parfaitement. Il n'ornoit pas ce qu'il difoit, & pour trouver le grand CORNEILLE, il le falloit lire. Il avoit l'humeur rude en apparence: au fond il étoit très-aifé à vivre, bon mari, bon parent, tendre & plein d'amitié. Il avoit l'ame fiere & indépendante, nulle foupleffe, nulle manége; & quoique fon talent lui eût beaucoup rapporté, il n'en étoit guére plus riche. Peu de jours avant a mort l'argent lui manqua. Le Pere de

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la Chaife le dit au Roi, qui lui envoya CORNEIL-aufli - tôt fon premier Médecin, & une bourse de deux cens louis. Ce qui a fait dire au célébre Racine' que les dernieres paroles de CORNEILLE ont été des remercîmens pour LOUIS LE GRAND. A beaucoup de probité naturelle, il a joint dans tous les tems beaucoup de religion, & plus de piété que le commerce du monde n'en permet ordinairement.. Ce grand Homme eft mort à Paris le premier Octobre 1684. âgé de 79 ans. Il étoit Avocat Général à la Table de Marbre de Normandie, & avoit été reçu à l'Académie Françoise le 22 Janvier 1647.

Placet au Roi.

PLAISE au Roi ne plus oublier

Qu'il m'a depuis quatre ans promis un Bénéfice,

I Voyez fon difcours en réponse au remercîment de Thomas Corneille à l'Académie Françoife, le jour qu'il y fut reçu à la place de M. fon frere. Ce difcours, entre autres chofes admirables, contient le plus bel éloge qu'on puifle faire du plus grand PoeteTragique qui ait jamais paru.

2 LOUIS XIV. gratifia le dernier fils de CORNEILLE de l'Abbaye d'Aiguevive, près de Tours.

Et qu'il avoit chargé le feu Pere Ferrier
De choisir un moment propice,

Qui pût me donner lieu de l'en remercier.
Le Pere eft mort, mais j'ofe croire
Que fi toujours Sa Majesté

Avoit

pour moi même bonté,

Le Pere de la Chaife auroit plus de mémoire,
Et le feroit mieux fouvenir

Qu'un grand Roi ne promet que ce qu'il veut tenir.
Sur le Canal du Languedoc pour la jonction
des deux Mers.

LA Garonne & l'Atax dans leurs grottes profondes,
Soupiroient de tout tems pour voir unir leurs ondes,
Et faire ainfi couler par un heureux panchant,
Les tréfors de l'Aurore aux rives du Couchant :
Mais à des vœux fi doux, à des flammes fi belles,
La Nature attachée à ses lois éternelles,
Pour obftacle invincible opposoit fierement
Des monts & des rochers l'affreux enchaînement.
France, ton grand Roi parle, & ces rochers fe
fendent;

La terre ouvre son fein, les plus hauts monts des

cendent,

Tout céde, & l'eau qui fuit les paffages ouverts,
Le fait voir tout-puiffant fur la Terre & les Mers.

CORNEIL

LE.

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