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RACAN

Tout céde à ce foudre de guerre ;
Il n'eft point d'orgueil fur la terre
Qu'il n'ait à fes pieds abattu:
Sa force égale sa naissance,
Et ne connoît fon impuissance
Qu'à récompenfer ta vertu.

A M. MAYNARD, PRE'SIDENT D'ORILLAC
Ode Bachique, imitée en partie d'Horace.
MAINTENANT que du Capricorne

Le tems mélancolique & morne
Tient au feu le monde affiégé,
Noyons notre ennui dans le verre

Sans nous tourmenter de la

Du tiers Etat & du Clergé.

guerre

Jefçai, MAYNARD, que les merveilles
Qui naiffent de tes longues veilles,
Vivront autant que l'Univers :
Mais que te fert-il que ta gloire
Se life au Temple de Mémoire,
Quand tu fera mangé des vers?

Quitte cette inutile peine;
Buvons plûtôt à longue haleine
De ce nectar délicieux,
Qui pour l'excellence précede
Celui même que Ganimede
Verse dans la coupe des Dieux.

C'est lui qui fait que les années

Nous durent moins que les journées ;
C'eft lui qui nous fait rajeunir,

Et qui bannit de nos pensées
Le regret des chofes paffées,
Et la crainte de l'avenir.

Buvons, MAYNARD, à pleine taffe:
L'âge infenfiblement se paffe,
Et nous mene à nos derniers jours:
On a beau faire des prieres,
Les ans non plus que les rivieres,
Jamais ne rebrouffent leurs cours.

Le printems vêtu de verdure,
Chaffera bien-tôt la froidure';
La mer a fon flux & reflux:
Mais fi-tôt que notre jeuneffe
Quitte la place à la vieillefse,
Le tems ne la ramene plus.

Les lois de la Mort font fatales
Auffi-bien aux maisons royales,
Qu'aux taudis couverts de rofeaux :
Tous nos jours font fujets aux Parques
Ceux des Bergers & des Monarques
Sont
coupez des mêmes cifeaux.

Leurs rigueurs par qui tout s'efface,

RACAN

RACAN.

Ravissent en bien peu d'espace
Ce qu'on a de mieux établi ;
Et bien-tôt nous meneront boire
Au delà de la rive noire,

Dans les eaux du Fleuve d'oubli.

SUR LES OEUVRES DE M. DE BALZAG.

Aux Mufes.

INGRATES Filles de mémoire,
Je crois que vous n'ignorez pas
Que j'ai préferé vos appas
Aux appas même de la gloire;
Et que parmi ces vanitez,
Ces faveurs & ces dignitez,
Où le foin des autres afpire,
Je ne demande à mon bonheur
Que d'avoir part à cet honneur,
Sur qui le tems n'a point d'empire.

Enflé de cette belle audace,
A peine fçavois-je marcher,
Que j'ofai vous aller chercher
Au plus haut fommet du Parnaffe:
Apollon m'ouvrit fes trésors;
Et vous me jurâtes dès-lors
Par vos fciences immortelles,
Que mes écrits verroient le jour,

.2

Et

Et tant qu'on parleroit d'amour
Vivroient en la bouche des belles.

Toutefois, après cos careffes
Que je veux partout publier,
BALZAC Vous a fait oublier
Mes fervices & vos promesses,
Lui feul difpole par fes mains
De cet honneur dont les humains
Après la mort efperent vivre;
Et quoique vous m'ayez juré,
Je n'en ferois point affûré,
Si je ne l'avois dans fon livre.

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Son éloquence eft celle-même
Qui fait & détait les Etats,
Brave l'orgueil des Potentats,
Et foule aux pieds leur diadême :
On y voit ces conceptions,
Qui donnent à nos passions
Des peuples entiers pour complices;
Celles qui les font foulever,
Et celles qui leur font trouver
En la mort même des délices.

C'est elle qui dans les tempêtes

Du populaire mutiné,
Retient par l'oreille enchaîné
Ce cruel Typhon à cent têtes :
Tome 11.

C

RACAN.

RACAN

C'est par les effets différens
Qu'on voit arracher les Tyrans
D'entre les bras de la Fortune,
Ou qu'ils fçavent s'y maintenir;
Et qu'ils ont le pouvoir d'unir
Toutes nos volontez en une.

Bel Efprit, par qui tous les hommes Sont vifiblement devancez,

La honte des fiécles paffez,

Et l'honneur du fiécle où nous fommes:
Dieu d'éloquence & de fçavoir,

Dont les écrits fe feront voir
Triomphans de la Deftinée;
Te fçaurois-je rien immoler,
Qui puiffe jamais égaler
La gloire que tu m'as donnée?

En vain dans le marbre & le jaspe
Les Rois penfent s'éternifer;
En vain ils en font épuifer
L'une & l'autre rive d'Hydafpe:.
En vain leur pouvoir fans pareil
Eleve jufques au Soleil
Leur ambitieufe folie;
Tous ces fuperbes bâtimens
Ne font qu'autant de monumens
Ou leur gloire eft enfevelie,

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