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Incomparable Efprit, dont les divins efforts D'ANDIL- Font fans cetle mouvoir tant de divers refforts, Pout étendre plus loin les bornes de la France :

IY.

Toi, qui des factieux fit mourir l'efpérance,
En domptant l'Océan qui les rendoit-fi forts;
Toi qui fis que le Pô vit perdre fur fes bords
A tous nos ennemis-l'orgueil & l'assurance : .

Toi, dont nos Alliez adorent les vertus,
Par qui font relevez leurs trônes abatus,
Et qui de tous côtez nous donnes la victoire:

As-tu connu quelqu'un plus généreux que moi,
Puifque je prends plaifir à publier ta gloire,
Lorfque j'aurois fujet de me plaindre de toi ?

Tombeau du Duc de Rohan.

GRAND de cœur, grand d'efprit, & grand par ma naiffance,

J'aurois pouflé des Lys la gloire jufqu'aux cieux,

1 Henri de Rohan, dont on a la vie imprimée à Paris en 1667. Il fervit en Allemagne en qualité de Lieutenant Général. Il fut blefé à la premiere bataille de Rheinfels en 1638. & mourut de fa bleffure dans l'Abbaye de Cunevelde en Suifle. Il avoit été Chef des Huguenots en France dans les troubles qui s'exciterent au fujet de la Religion, fous le regne de Louis XIII. avec lequel il rentra en grace l'an 1629. Il a compofé fes Mémoires & un excellent Traité des interêts des Princes.

Si

Si de mes hauts projets les deftins envieux,

N'euffent armé mon bras pour ma propre défense. D'ANDIL

L'Europe en mon malheur admira ma conftance;
Mon fort eut pour jaloux les plus ambitieux :
Je fus chef d'un Parti fans être factieux;

Mon Roi connut mon zéle, & vit mon innocence.

. Comme un autre Annibal, par mes travaux guer

riers,

Sur les Alpes cent fois j'ai cueilli des lauriers,
Auffi vaillant Soldat que parfait Capitaine.

J'aurois paffé Céfar, fi j'avois eu son sort :
J'ai vaincu comme lui dans les champs I d'Alci-

mene;

Mais il n'y mourut pas, & j'y trouvai la mort.

Tombeau de Madame la Marquise de Blérancourt.

ARRESTE-TOI, passant: ce tombeau magni

fique,

Renferme de Vieupont le dépôt précieux:

Elle eut fans vanité le cœur de fes

ayeux,

Et dans un corps de femme un efprit angélique.

La feule ambition de fon ame héroïque, Fut de fuivre les pas du Monarque des cieux:

1 C'eft Ulme, qui s'appelloit autrefois Alcimænnis urbs, R

Tome II.

LX.

Un moindre objet que lui ne put plaire à fes yeux; D'ANDIL- La Grace fut fon guide, & fon efpoir unique.

LY.

Son zéle la brûloit pour l'honneur des autels
Ses defirs n'afpiroient qu'à des biens éternels;
Sa foi de fon amour avoit banni la crainte :

Et la France & la Cour avec étonnement
Virent dans ce grand cœur plein de Dieu feulement,
La France une Romaine, & la Cour une Sainte.

STANCES

TIRE ES DES VE'RITEZ CHRETIENNES.
De la Jaloufie.

AVEUGLE paffion, cruelle jaloufie,
Mere de la difcorde & des illufions,
Qui troubles tous les fens par tes impreffions,
Et fur de vains foupçons mets l'ame en frénéfie
Quand ton feu dévorant s'allume dans un cœur >
Rien ne peut
arrêter le cours de ta fureur;
L'innocence à tes yeux paffe pour criminelle;
Le faux te paroît vrai, le vrai te paroît faux;
Par toi l'amour produit une haine mortelle,
1 Et dans ce qu'il admire il trouve des défauts.

Ce dernier Vers ne dit point affez après une peinture auffi vive des effets de la jaloufie: au refte fans être prévenu de cette paffion, il eft fort permis de trouver des dé

De la Vengeance.

LY.

QUAND le reffentiment d'une injure profonde, D'ANDIL-
Comme un cruel vautour te déchire le flanc ;
Quand ton cœur dans fa rage est altéré de fang,
Et quand pour te venger tu perdrois tout un monde :
Arrête ta fureur au milieu de fon cours,
Et du Dieu tout-puiffant implore le fecours,
Pour calmer dans ton fein cette horrible tempête.
Il te vengera même au de-là du trépas,

Et d'un foudre éternel écrafera la tête
De ceux dont ta vertu ne se vengera pas.

De la Médifance.

FUIS l'air contagieux de cette horrible pefte
Que portent dans l'efprit ces difcours médifans,
D'autant plus dangereux, d'autant plus féduifans,
Qu'ils fçavent mieux cacher leur malice funeste :
Souvent par un feul mot tu perds un innocent,
Comme on voit des moiffons le trésor jaunissant
S'embrâfer par le feu d'une feule étincelle.
Tu lui ferois plus doux en arrachant fon cœur,
Qu'en verfant le venin de ta langue cruelle,
Qui fans toucher fon corps, lui ravit fon hon-

neur.

fauts dans ce qu'on admire ou même dans ce qu'on aime le plus, puisqu'il n'eft point de chef-d'œuvre, foit de la nafoit de l'art, qui n'ait fes taches & fes imperfections.

Lure,

D'ANDIL

LY.

Contre l'excès du jeu.

DEGUISER d'un beau nom fon ardente avarice,
Par un plaifir trompeur accroître fes ennuis:
Paffer dans le défordre & les jours & les nuits;
S'emporter fans respect fur le moindre caprice :
Entrer dans la fureur prefque à tous les momens
Mêler à chaque mot les plus affreux fermens;
Invoquer des démons la puiffance infernale:
Avoir le cœur en trouble, & le vifage en feu;
Hazarder fon falut par une ardeur brutale;
Voilà ce qu'aujourd'hui le monde appelle jeu.

Contre ceux qui defirent fçavoir l'avenir.

POURQUOI furtes deffeins confultes-tu les aftres?
Ils ne font qu'augmenter ton espoir ou ta peur.
Peuvent-ils d'un moment avancer ton bonheur ?
Peuvent-ils d'un moment retarder tes défaftres?
Si ces flambeaux errans, en tout tems font men-

teurs,

Tu t'arrêtes en vain à leurs aspects flatteurs ;
Et s'ils ne le font pas, leurs lois font infléxibles:
Cer art trop curieux ne fert qu'à te punir :
Cherche en toi de ton fort des marques infaillibles,
Ton vice ou ta vertu feront ton avenir.

De la mort des Juftes.

COMME après un hiver, affreux à la Nature, Le Soleil couronné de rayons éclatans,

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