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HISTOIRE DES ÉCOLES

HISTOIRE DES ÉCOLES

CHAPITRE PREMIER

LA PHILOSOPHIE ANTÉ-SOCRATIQUE

Dans la première partie de cet ouvrage, nous avons isolé les grands problèmes, pour en étudier dans leur progrès les solutions successives. Mais ce qui caractérise une philosophie, c'est précisément l'esprit de système : les solutions des divers problèmes sont dominées par une idée maîtresse qui les coordonne. Il nous reste à montrer dans l'Histoire des Ecoles chaque système dans son unité et les divers systèmes dans leur enchaînement historique. On divise l'histoire de la philosophie, comme l'histoire politique, en trois grandes périodes. L'histoire de la philosophie ancienne, à laquelle on rattache les grands systèmes religieux de l'Orient, commence aux débuts de la pensée humaine et se termine à l'époque de Justinien, qui ferme l'école d'Athènes et disperse les derniers représentants du néo-platonisme (529).

La seconde période comprend la philosophie du moyen âge et de la Renaissance.

La philosophie moderne commence avec Bacon et Descartes et se continue jusqu'à nos jours.

Les conceptions des peuples de l'Orient sur l'origine du monde et sur les destinées de l'homme appartiennent à l'histoire des religions plus encore qu'à l'histoire de la philosophie (Inde, Perse, Égypte, Chine). C'est en Grèce seulement que la philosophie a pris une existence indépendante et qu'elle s'est développée librement. Si nous ajoutons que les philosophies orientales sont encore mal connues, et que l'éducation de l'Europe a été faite par la Grèce et Rome, on comprendra que nous nous abstenions d'exposer les systèmes de l'Orient. La civilisation occidentale continue l'hellénisme.

J. HIST. DE LA PHIL.

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Origines de la philosophie grecque. Brillante civilisation de l'Ionie. La poésie prépare la philosophie. Ce n'est pas dans la Grèce propre, c'est chez les Ioniens, fixés sur les côtes de l'Asie Mineure entre le Méandre et l'Hermus, et dans les îles de la mer Égée, que la philosophie grecque prit naissance. Elle n'y apparaît pas comme une création subite; elle vient à son heure, quand les longs voyages, les fêtes religieuses, les dissensions intestines, les réflexions morales des poètes gnomiques, les cosmogonies aventureuses, l'ont préparée et rendue nécessaire.

Au VIIe siècle avant notre ère, ces Grecs du dehors, riches, puissants, sillonnaient les mers de leurs vaisseaux, allaient chercher dans toutes les parties du monde connu les denrées dont ils trafiquaient. Cette civilisation raffinée, ces rapports avec les peuples les plus divers, ces courses à travers l'Océan et les observations qu'elles exigeaient, tout contribuait à multiplier les idées, en éveillant la réflexion. Toutes ces cités, jetées çà et là sur les côtes, dans les iles, étaient trop jalouses de leur liberté pour se grouper dans une fédération politique. Il faudra pour les y décider l'invasion des Perses. Mais elles sont en rapport constant. L'Ionie a sa grande fête. Tous les quatre ans, de toutes les cités grecques de l'Asie Mineure, de toutes les îles de la mer Égée, partent les trirèmes chargées de présents et d'offrandes, d'hommes et de femmes parés : ce sont les théories qui se rendent à Délos. (Hymne homérique à Apollon Délien. A la fête religieuse se mêlaient les jeux et les danses, ces exercices de force et d'adresse qui préparaient la sculpture en modelant les corps vivants. Dans une vaste salle on entendait les rapsodes, les récitations des poètes. Sur la place publique on trafiquait, on échangeait les produits les plus divers : l'Athénien apportait ses poteries, le Milésien les laines de Phrygie, tous les Ioniens l'huile qu'on fait le long des côtes de l'Asie Mineure, puis les parfums d'Arabie, la poudre d'or de Colchide, les pierres précieuses, les étoffes de l'Inde. Ajoutez que chaque cité était divisée par les luttes intestines. La royauté patriarcale des temps homériques avait été remplacée par une oligarchie qui disparaissait à son tour. Au milieu de ces luttes, il fallait rédiger des constitutions, établir des lois nouvelles. Dans ces cités puissantes, où déjà les rapports étaient si complexes, les intérêts si multiples, c'était une œuvre considérable. Aussi les plus grands esprits s'y consacrent: les vieux poètes et les premiers philosophes sont tous des hommes d'État 1.

Dans Homère la morale ne se distingue pas des faits et de leurs conséquences. Avec Hésiode la réflexion commence; mais, faible encore, elle ne s'exerce que sur les sentiments particuliers du poète.

Il se souvient de ses démêlés avec son frère Persée, quand il écrit : « Il y a deux sortes de luttes : l'une odieuse et repréhensible, les litiges et les procès; l'autre noble et salutaire, l'émulation des artisans et des artistes. » C'est l'injustice des rois, dont il a souffert, qui lui suggère l'apologue du Rossignol et de l'Épervier: « Que les bêtes fauves, les poissons et les oiseaux ailés se dévorent entre eux, puisqu'il n'y a pas parmi eux de justice; mais aux hommes

1. Dans l'Histoire des Problèmes, nous avons réservé le petit texte pour les citations. Dans

l'Histoire des Écoles nous nous en servirons pour les développements.

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