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un Dieu, un diable, une résurrection, un paradis, un enfer. Ils font les premiers, fans contredit, qui ont établi ces idées; c'est le système le plus antique, & qui ne fut adopté par les autres nations qu'après bien des fiècles; puifque les Pharifiens, chez les Juifs, ne foutinrent hautement l'immortalité de l'ame, & le dogme des peines & des récompenfes après la mort, que vers le temps des Afmonéens.

Voilà, peut-être, ce qu'il y a de plus important. dans l'ancienne hiftoire du monde : voilà une religion utile, établie fur le dogme de l'immortalité de l'âme, & fur la connaiffance de l'Etre créateur. Ne ceffons point de remarquer par combien de degrés il fallut que l'esprit humain paffât pour concevoir un tel système. Remarquons encore que le baptême, (l'immersion dans l'eau pour purifier l'ame par le corps,) est un des préceptes du Zend. (Porte 251.) La fource de tous les rites eft venue, peut-être, des Perfans & des Chaldéens, jusqu'aux extrémités de la terre.

Je n'examine point ici pourquoi & comment les Babyloniens eurent des dieux fecondaires en reconnaiffant un DIEU fouverain. Ce fyftème, ou plutôt ce chaos, fut celui de toutes les nations. Excepté dans les tribunaux de la Chine, on trouve prefque par-tout l'extrême folie jointe à un peu de fageffe dans les lois, dans les cultes, dans les ufages. L'inftinct, plus que la raifon, conduit le genre-humain. On adore en tous lieux la Divinité, & on la déshonore. Les Perfes révérèrent des ftatues dès qu'ils purent avoir des fculpteurs; tout en eft plein dans les ruines de Perfépolis : mais auffi on voit dans ces figures les fymboles de l'immortalité; on y voit des têtes qui s'envolent au

ciel avec des ailes, fymbole de l'émigration d'une vie paffagère à la vie immortelle.

Paffons aux usages purement humains. Je m'étonne qu'Herodote ait dit devant toute la Grèce, dans fon premier livre que toutes les Babyloniennes étaient obligées par la loi de fe proflituer une fois dans leur vie aux étrangers, dans le temple de Milita ou Vénus. (7) Je m'étonne encore plus que dans toutes les hiftoires faites pour l'inftruction de la jeuneffe, on renouvelle aujourd'hui ce conte. Certes, ce devait être une belle fête & une belle dévotion, que de voir accourir dans une église des marchands de chameaux, de chevaux, de bœufs, & d'ânes, & de les voir defcendre de leurs montures, pour coucher devant l'autel avec les principales dames de la ville. De bonne foi, cette infamie peut-elle être dans le caractère d'un peuple policé? Eft-il poffible que les magiftrats d'une des plus grandes villes du monde aient établi une telle police? que les maris aient confenti de proftituer leurs femmes? que tous les pères aient abandonné leurs filles aux palefreniers de l'Afie? Ce qui n'est pas dans la nature n'eft jamais vrai. J'aimerais autant croire Dion Caffius, qui affure que les graves fénateurs de Rome propofèrent un décret, par lequel Céfar, âgé

(7) De très-profonds érudits ont prétendu que le marché fe fefait bien dans le temple, mais qu'il ne fe confommait que déhors. Strabon dit en effet, qu'après s'être livrée à l'etranger hors du temple, la femme retournait chez elle. Où donc se consommait cette cérémonie religieuse? Ce n'était ni chez la femme, ni chez l'étranger, ni dans un lieu profane, où le mari, & peut-être un amant de la femme, qui auraient eu le malheur d'être philofophes & d'avoir des doutes sur la religion de Babylone, euffent pu troubler cet acte de piété. C'était donc dans quelque lieu voifin du temple deliné à cet ufage, & confacré à la decffe. Si ce n'était point dans l'églife, c'était au moins dans la facrific.

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de cinquante-fept ans, aurait le droit de jouir de toutes les femmes qu'il voudrait.

Ceux qui, en compilant aujourd'hui l'Hiftoire ancienne, copient tant d'auteurs fans en examiner aucun, n'auraient-ils pas dû s'apercevoir, ou qu'Hérodote a débité des fables ridicules; ou plutôt que fon texte a été corrompu; & qu'il n'a voulu parler que des courtifannes établies dans toutes les grandes villes, & qui, peut-être alors, attendaient les paffants fur les chemins?

Je ne croirai pas davantage Sextus Empiricus, qui prétend que chez les Perfes la pédéraftie était ordonnée. Quelle pitié! Comment imaginer que les hommes euffent fait une loi, qui, fi elle avait été exécutée, aurait détruit la race des hommes! (8) La pédéraftie, au contraire, était expreffément défendue dans le livre du Zend; & c'eft ce qu'on voit dans l'abrégé du Zend, le Sadder, où il eft dit, (porte 9,) Qu'il n'y a point de plus grand péché. A

Strabon dit que les Perfes époufaient leurs mères; mais quels font fes garants? des ouï-dire, des bruits vagues. Cela peut fournir une épigramme à Catulle:

Nam Magus ex matre & nato nafcatur oportet.

Tout Mage doit naître de l'incefte d'une mère & d'un fils.

(8) Voyez la Défenfe de mon oncle.

Voyez auffi une note fur l'article Amour-focratique, dans le Dictionnaire philofophique.

(f) Voyez les réponses à celui qui a prétendu que la prostitution était une loi de l'empire des Babyloniens, & que la pédéraftie était établie en Perfe dans le même pays. On ne peut guère pouffer plus loin l'opprobre de la littérature, ni plus calomnier la nature humaine.

Une telle loi n'eft pas croyable; une épigramme n'est pas une preuve. Si l'on n'avait pas trouvé de mères qui vouluffent coucher avec leur fils, il n'y aurait donc point eu de prêtres chez les Perfes. La religion des mages, dont le grand objet était la population, devait plutôt permettre aux pères de s'unir à leurs filles, qu'aux mères de coucher avec leurs enfants, puifqu'un vieillard peut engendrer, & qu'une vieille n'a pas cet avantage.

Que de fottifes n'avons - nous pas dites fur les Turcs? les Romains en difaient davantage fur les Perfes.

En un mot, en lifant toute hiftoire, foyons en garde contre toute fable.

DE LAS Y R I E.

JE vois, par tous les monuments qui nous reftent, que la contrée qui s'étend depuis Alexandrette ou Scanderon, jufqu'auprès de Bagdat, fut toujours nommée Syrie; que l'alphabet de ces peuples fut toujours fyriaque; que ceft-là que furent les anciennes villes de Zobah, de Balbek, de Damas; & depuis, celles d'Antioche, de Séleucie, de Palmyre. Balk était fi ancienne, que les Perfes prétendent que leur Bram ou Abraham était venu de Balk chez eux. Où pouvait donc être ce puiffant empire d'Affyrie dont on a tant parlé, fi ce n'eft dans le pays des fables?

Les Gaules, tantôt s'étendirent jufqu'au Rhin, tantôt furent plus refferrées; mais qui jamais imagina de placer un vafte empire entre le Rhin & les Gaules? qu'on ait appelé les nations voifines de l'Euphrate

affyriennes, quand elles fe furent étendues vers Damas; & qu'on ait appelé Affyriens les peuples de Syrie, quand ils s'approchèrent de l'Euphrate; c'eft-là où fe peut réduire la difficulté. Toutes les nations voifines fe font mêlées, toutes ont été en guerre & ont changé de limites. Mais lorfqu'une fois il s'eft élevé des villes capitales, ces villes établiffent une différence marquée entre deux nations. Ainfi les Babyloniens, ou vainqueurs ou vaincus, furent toujours différents des peuples de Syrie. Les anciens caractères de la langue fyriaque ne furent point ceux des anciens Chaldéens.

Le culte, les fuperftitions, les lois, bonnes ou mauvaises, les ufages bifarres, ne furent point les mêmes. La déeffe de Syrie fi ancienne, n'avait aucun rapport avec le culte des Chaldéens. Les mages chaldéens, babyloniens, perfans, ne fe firent jamais eunuques, comme les prêtres de la déeffe de Syrie. Chofe étrange, les Syriens révéraient la figure de ce que nous appelons Priape, & les prêtres fe dépouillaient de leur virilité !

Ce renoncement à la génération ne prouve-t-il pas une grande antiquité, une population confidérable? Il n'eft pas poffible qu'on eût voulu attenter ainfi contre la nature, dans un pays où l'espèce aurait été

rare.

Les prêtres de Cybele en Phrygie fe rendaient eunuques comme ceux de Syrie. Encore une fois, peut-on douter que ce ne fût l'effet de l'ancienne coutume, de facrifier aux dieux ce qu'on avait de plus cher, & de ne fe point expofer devant des êtres qu'on croyait purs, aux accidents de ce qu'on croyait

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