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1048.

Il y aurait

nommé Etelvolft, Edelvolf, ou Ethelulfe, s'était foumis, en 852.

Ce Gratien, qui prit le nom de Grégoire VI, jouiffait paisiblement du pontificat, lorsque l'empereur Henri III, fils de Conrad II, le falique, vint à Rome.

Jamais empereur n'y exerça plus d'autorité. Il exila Grégoire VI, & nomma pape Suidger, fon chancelier, évêque de Bamberg, fans qu'on osât

murmurer.

Après la mort de cet allemand qui, parmi les papes, eft appelé Clément II, l'empereur, qui était en Allemagne, y créa pape un bavarois, nommé Popon: c'eft Damafe II, qui avec le brevet de l'empereur alla fe faire reconnaître à Rome. Il fut intrônifé malgré ce Benoît IX qui voulait encore rentrer dans la chaire pontificale, après l'avoir vendue.

Ce bavarois étant mort vingt-trois jours après fon intrônisation, l'empereur donna la papauté à fon coufin Brunon, de la maifon de Lorraine, qu'il transféra de l'évêché de Toul à celui de Rome par une autorité abfolue. Si cette autorité des empereurs avait duré, les papes n'euffent été que leurs chapelains, & l'Italie eût été efclave.

Ce pontife prit le nom de Léon IX; on l'a mis au rang des faints. Nous le verrons à la tête d'une armée combattre les princes normands fondateurs du royaume de Naples, & tomber captif entre leurs mains.

Si les empereurs euffent pu demeurer à Rome, on eu des empe- voit par la faibleffe des Romains, par les divifions reurs, s'ils avaient de- de l'Italie, & par la puiffance de l'Allemagne, qu'ils meuré euffent été toujours les fouverains des papes, &

Rome.

qu'en effet il y aurait eu un empire romain. Mais ces rois électifs d'Allemagne ne pouvaient fe fixer à Rome, loin des princes allemands trop redoutables à leurs maîtres. Les voifins étaient toujours prêts à envahir les frontières. Il fallait combattre tantôt les Danois, tantôt les Polonais & les Hongrois. C'est ce qui fauva quelque temps l'Italie d'un joug contre lequel elle fe ferait en vain débattue.

cour

tinople me

romaine.

Jamais Rome & l'Eglife latine ne furent plus La méprisées à Conftantinople que dans ces temps mal- de Conftanheureux. Luitprand, l'ambaffadeur d'Othon I auprès prife la cour de l'empereur Nicéphore Phocas, nous apprend que les habitans de Rome n'étaient point appelés romains, mais lombards, dans la ville impériale. Les évêques de Rome n'y étaient regardés que comme des brigands fchifmatiques. Le féjour de St Pierre à Rome était confidéré comme une fable abfurde, fondée uniquement fur ce que St Pierre avait dit dans une de fes épîtres qu'il était à Babylone, & qu'on s'était avifé de prétendre que Babylone fignifiait Rome : on ne fefait guère plus de cas à Conftantinople des empereurs faxons, faxons, qu'on traitait de barbares.

Cependant la cour de Conftantinople ne valait pas mieux que celle des empereurs germaniques. Mais il y avait dans l'empire grec plus de commerce, d'induftrie, de richeffes, que dans l'empire latin : tout était déchu dans l'Europe occidentale depuis les temps brillans de Charlemagne. La férocité & la débauche, l'anarchie & la pauvreté étaient dans tous les Etats. Jamais l'ignorance ne fut plus univerfelle. Il ne fe fefait pourtant pas moins de miracles que

France.

dans d'autres temps; il y en a eu dans chaque fiècle, & ce n'eft guère que depuis l'établiffement des académies des fciences, dans l'Europe, qu'on ne voit plus de miracles chez les nations éclairées; & que, fi l'on en voit, la faine phyfique les réduit bientôt à leur valeur.

CHAPITRE

XXX VIII.

De la France, vers le temps de Hugues - Capet.

PENDAN

ENDANT que l'Allemagne commençait à prendre ainfi une nouvelle forme d'adminiftration, & que Rome & l'Italie n'en avaient aucune, la France devenait, comme l'Allemagne, un gouvernement entièrement féodal.

Ce royaume s'étendait des environs de l'Efcaut & de la Meufe jufqu'à la mer Britannique, & des Pyrénées au Rhône. C'était alors fes bornes; car, quoique tant d'hiftoriens prétendent que ce grand fief de la France allait par-delà les Pyrénées jufqu'à l'Ebre, il ne paraît point du tout que les Efpagnols de ces provinces, entre l'Ebre & les Pyrénées, fuffent foumis au faible gouvernement de France, en combattant contre les mahométans.

Anarchie La France, dans laquelle ni la Provence ni le féodale en Dauphiné n'étaient compris, était un affez grand royaume; mais il s'en fallait beaucoup que le roi de France fût un grand fouverain. Louis, le dernier des defcendans de Charlemagne, n'avait plus pour

tout domaine que les villes de Laon & de Soiffons, & quelques terres qu'on lui conteftait. L'hommage rendu par la Normandie ne fervait qu'à donner au roi un vaffal qui aurait pu foudoyer fon maître. Chaque province avait ou fes comtes ou fes ducs héréditaires; celui qui n'avait pu fe faifir que de deux ou trois bourgades, rendait hommage aux ufurpateurs d'une province; & qui n'avait qu'un château, relevait de celui qui avait ufurpé une ville. De tout cela s'était fait cet affemblage monftrueux de membres qui ne formaient point un corps.

Le temps & la néceffité établirent que les feigneurs des grands fiefs marcheraient avec des troupes au fecours du roi. Tel feigneur devait quarante jours de fervice, tel autre vingt-cinq. Les arrière-vaffaux marchaient aux ordres de leurs feigneurs immédiats. Mais, fi tous ces feigneurs particuliers fervaient l'Etat quelques jours, ils fe fefaient la guerre entr'eux prefque toute l'année. En vain les conciles, qui dans des temps de crimes ordonnèrent fouvent des chofes juftes, avaient réglé qu'on ne se battrait point depuis le jeudi jusqu'au point du jour du lundi, & dans les temps de Pâques & dans d'autres folennités; ces réglemens, n'étant point appuyés d'une juftice coërcitive, étaient fans vigueur. Chaque château était la capitale d'un petit état de brigands; chaque monaftère était en armes leurs avocats, qu'on appelait avoyers, inftitués dans les premiers temps pour préfenter leurs requêtes au prince & ménager leurs affaires, étaient les généraux de leurs troupes les moiffons étaient ou brûlées, ou coupées avant le temps, ou défendues l'épée à la main; les

Coutumes féodales.

Armées.

villes prefque réduites en folitude, & les campagnes dépeuplées par de longues famines.

Il femble que ce royaume fans chef, fans police, fans ordre, dût être la proie de l'étranger; mais une anarchie prefque femblable dans tous les royaumes fit fa fureté; & quand, fous les Othons, l'Allemagne fut plus à craindre, les guerres inteftines l'occupèrent.

C'eft de ces temps barbares que nous tenons l'ufage de rendre hommage, pour une maifon & pour un bourg, au seigneur d'un autre village. Un praticien, un marchand, qui fe trouve poffeffeur d'un ancien fief, reçoit foi & hommage d'un autre bourgeois ou d'un pair du royaume qui aura acheté un arrièrefief dans la mouvance. Les lois de fiefs ne fubfiftent plus, mais ces vieilles coutumes de mouvances, d'hommages, de redevances fubfiftent encore dans la plupart des tribunaux on admet cette maxime, Nulle terre fans feigneur comme fi ce n'était pas affez d'appartenir à la patrie.

Quand la France, l'Italie & l'Allemagne furent ainfi partagées fous un nombre innombrable de petits tyrans, les armées, dont la principale force avait été l'infanterie, fous Charlemagne, ainfi que fous les Romains, ne furent plus que de la cavalerie. On ne connut plus que les gendarmes; les gens de pied n'avaient pas ce nom, parce qu'en comparaifon des hommes de cheval, ils n'étaient point armés.

Les moindres poffeffeurs de châtellenies ne se mettaient en campagne qu'avec le plus de chevaux qu'ils pouvaient; & le fafte confiftait alors à mener

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