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ni d'aucune matière pour subsister: donc la pensée est distincte du corps (2). Ce qui me fait admettre cette proposition: je pense, donc je suis, c'est l'évidence, ou la clarté avec laquelle je la conçois (3). Avec l'idée de mon doute ou de mon imperfection, j'ai l'idée d'un être plus parfait que moi; cette idée ne peut me venir de moi-même, mais d'un Être parfait ou de Dieu (4). Dans l'idée d'un Être parfait est comprise celle de son existence: donc Dieu existe (5). Les idées de l'ame et de Dieu ne sont pas l'objet des sens ni de l'imagination (6). Une fois l'existence de Dieu reconnue, nous sommes assurés que tous nos jugemens clairs et distincts viennent de lui; et comme nos raisonnemens ne sont jamais si évidens ni si entiers pendant le songe que pendant la veille, la vérité doit se trouver dans nos pensées de la veille et non dans celles du sommeil : la certitude de l'existence des corps repose donc sur la certitude de l'existence de Dieu (7-8).

Ve PARTIE: Ordre des questions de physique. - Vérités qu'on peut déduire des vérités précédentes, et ordre dans lequel il faut les chercher : étude de la lumière, du soleil, des étoiles fixes, des cieux, des planètes, des comètes, de la terre, des corps terrestres et de l'homme. Les lois du monde ont une nécessité fondée sur la perfection divine (1-2). Dieu aurait pu, au commencement, ne pas donner au monde d'autre forme que celle de chaos, mais lui imposer des lois qui, en agissant avec le concours divin, eussent fini par imprimer aux choses la forme qu'elles ont maintenant (3). Description de l'homme physique (4-9). L'ame raisonnable ne peut nullement dériver de la puissance de la matière. Elle est indépendante du corps; et comme on ne voit pas de causes qui la détruisent, on est naturellement porté à la juger immortelle (10).

VI PARTIE: Quelles choses sont requises pour aller plus avant dans la recherche de la nature. Nécessité de sortir des questions purement spéculatives, et de s'appliquer à celles qui ont une utilité pratique, comme à l'étude de l'action du feu, de l'eau, de l'air, des astres et des cieux, à la recherche des inventions mécaniques, et des moyens de procurer la santé du corps et par-là celle de l'esprit, qui dépend de la bonne disposition des organes (1-2). Utilité de la recherche des principes ou des premières causes de tout ce qui est ou peut être dans ce monde, ainsi que des effets généraux et de quelques effets particuliers de ces causes. Importance d'une méthode pour trouver ́à quelle cause on doit rapporter un de ces effets (3). Détermina

tion que l'auteur a prise de consigner ses découvertes par écrit, de ne les publier qu'après sa mort, et de ne s'en servir pendant sa vie que comme dé degrés pour s'élever à des découvertes plus importantes (4). Peu de profit qu'il se promet des objections et de la coopération d'autrui (5-7). Il ne publie une partie de ses découvertes que comme exemple de la méthode qu'il a suivie (11).' Il se propose de consacrer le reste de sa vie à l'avancement de la médecine (12).

MÉDITATIONS.

MÉDITATION PREMIÈRE : Des choses que l'on peut révoquer en doute. -- Nécessité de rejeter non-seulement les opinions fausses, mais les opinions incertaines (1), et de se tenir en défiance contre le témoignage des sens (2). Difficulté de distinguer l'état de veille d'avec le sommeil (3-4). Nous pouvons être trompés, dans les notions les plus simples, soit par la toute-puissance de Dieu, soit par l'imperfection de notre nature (5-10).

corps.

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MÉDITATION SECONDE: De la nature de l'esprit humain, et qu'il est plus aisé à connaître que le - Douter c'est exister; être trompé c'est encore exister: je ne puis donc pas me persuader que je n'existe pas, puisque se persuader quelque chose c'est exister (1-3). Mais que suis-je? J'ignore si j'ai un corps; tout ce que je sais de moi, c'est que Je pense (4-7). Je ne sais pas cela par les sens, ni par l'imagination: ce ne sont pas là nos deux seuls moyens de connaître. La substance des corps elle-même ne nous est connue ni par l'une ni par l'autre de ces deux voies, mais par l'intellection pure (8-11). C'est ainsi que la pensée se conçoit, mais ne se voit ni ne s'imagine; et même nous concevons beaucoup plus de choses de la pensée que du corps (12-13).

MÉDITATION TROISIÈME : De Dieu, qu'il existe. La clarté et la distinction de ma conception est pour moi le signe de la vérité, à moins que Dieu ne veuille me tromper par une fausse évidence (1-3). Il faut donc que je m'assure, le plus tôt possible, s'il y a un Dieu, et s'il est trompeur (4). Nos pensées se divisent en trois classes: les idées, les volontés ou affections, et les jugemens (5). La troisième seule peut nous tromper, et l'erreur consiste à juger que les idées sont conformes à des objets hors de nous (6). Quant à l'origine des idées, point de difficulté pour

l'idée que j'ai de moi-même. L'idée des autres hommes, des an imaux et des anges peut se former de l'idée des corps, et de l'idée de Dieu. L'idée des corps peut venir de celle des qualités que je possède soit en réalité soit en puissance; il n'y a que la seule idée de Dieu qui ne puisse venir de moi-même, car l'idée d'une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, parfaite, ne peut venir d'une substance finie (7-19). L'idée de l'infini et du parfait est donc une première preuve de l'existence de Dieu. Une seconde preuve c'est l'existence d'un être qui possède une pareille idée : car l'existence ne peut lui venir ni de luimême, qui n'est point parfait, et qui ne pouvait créer un être ayant l'idée du parfait (20), ni d'un être inférieur à Dieu (21), ni de plusieurs causes dont la réunion équivaudrait à l'Être infini, puisqu'une des perfections de Dieu est l'indivisibilité (22), ni de ses parens, qui ne sont pas plus parfaits que lui (23); elle ne peut donc lui venir que de l'Être infini et parfait : donc il existe un Dieu parfait et qui par conséquent n'est pas trompeur (24).

MÉDITATION QUATRIÈME : Du vrai et du faux.- Si Dieu n'est pas trompeur, d'où viennent les erreurs humaines? Elles viennent de ce que la faculté que Dieu nous a donnée, pour discerner le vrai d'avec le faux, n'est pas infinie (1-3). Nous n'avons pas à demander à Dieu pourquoi il ne nous a pas créés plus parfaits (4-5); il faut d'ailleurs juger une créature non pas en elle-même, mais dans ses rapports avec le reste de la création (6). L'entendement, qui est la faculté de concevoir les idées, n'est jamais trompeur; la volonté qui nie ou affirme dépasse quelquefois les limites de l'entendement, et c'est en cela que consiste l'erreur (7-14). Si Dieu ne nous a pas donné un entendement plus étendu, il nous a du moins accordé le pouvoir de suspendre notre volonté (16). Il n'y a d'autre cause d'erreur qu'un jugement porté sur une idée confuse: car toute idée claire est une réalité, qui ne peut venir du néant ; elle vient de Dieu, qui n'est pas trompeur (17).

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MÉDITATION CINQUIÈME : De l'essence des choses matérielles, et la seconde fois de l'existence de Dieu. pour Parmi les idées claires se trouvent celles de l'étendue, de la grandeur, du nombre, de la figure, de la situation, du mouvement, du triangle et de ses propriétés (1-2). Nous avons de plus l'idée claire et distincte que l'existence éternelle appartient aussi nécessairement à l'essence de Dieu que les propriétés du triangle appartiennent à l'essence de cette figure, car on ne peut concevoir un Être sou

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verainement parfait auquel manque la perfection de l'existence (3-5). L'évidence, ou la clarté de l'idée, est la règle de certitude; mais toute évidence repose sur celle de l'existence d'un Dieu vérace (6) car si je ne savais pas qu'il y a un Dieu nontrompeur, je ne serais certain des vérités géométriques elles-mêmes qu'au moment où je m'occuperais de la démonstration (7). Mais l'existence d'un Dieu vérace me persuade des vérités de la géométrie, et de celles qui leur ressemblent, alors même que j'ai oublié les raisons qui me les ont fait admettre (8).

MÉDITATION SIXIÈME : De l'existence des choses matérielles, et de la distinction réelle entre l'ame et le humain. corps En possession de la connaissance de Dieu et de moi-même, je ne suis plus forcé de rejeter tout-à-fait le témoignage des sens (1-7). Toutes les choses que je conçois clairement comme séparées peuvent être créées séparément par la toute-puissance de Dieu. Or je ME distingue, en tant que chose qui pense, d'avec mon corps qui est une chose étendue. La faculté de changer de lieu, de prendre diverses situations, ne peut être conçue sans une substance corporelle; la faculté passive de sentir ou de recevoir des idées suppose un pouvoir de les susciter qui ne peut résider ni en moi-même, car ce n'est pas moi qui les cause, ni en Dieu, ni dans une substance plus noble que le corps, mais: dans une substance corporelle: car Dieu m'a donné une très: grande inclination à le croire, et Dieu n'est pas trompeur. Il faut donc conclure qu'il y a des corps doués de toutes les pro priétés dont nous avons une idée claire, c'est-à-dire de celles qui sont l'objet de la géométrie (8-9). Quant aux qualités dont nous avons une idée confuse, comme la lumière, le son, etc. "' il faut suivre les inspirations de notre nature, qui nous porte vers ces choses ou nous en détourne suivant qu'elle nous les montre utiles ou nuisibles, mais ne prononce rien sur leur existence (10-22). Sous le rapport de l'utilité, les sens nous indiquent plus souvent le vrai que le faux : nous devons les contrôler les uns par les autres; user de la mémoire qui lie les con-naissances présentes aux connaissances passées, et qui nous fera ainsi distinguer l'état de veille : car elle ne peut rattacher les idées du sommeil à toute la suite de notre vie. Lorsque les sens, la mémoire et l'entendement sont d'accord, on ne peut douter de la vérité des choses qu'ils nous enseignent, car ces choses ont pour elles l'évidence, et les idées claires viennent de Dieu qui n'est pas trompeur (23).

LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE.

PRÉFACE. Le mot de philosophie signifie étude de la sagesse, et la sagesse est une connaissance déduite des premiers principes (1); les principes doivent remplir deux conditions : la première, qu'ils soient évidens d'eux-mêmes; la seconde, qu'ils servent à prouver tout le reste (2). L'étude de la philosophie distingue les peuples civilisés des peuples sauvages; mais il ne faut pas se borner à vivre avec les philosophes pour recueillir tout le fruit de la philosophie, on doit la cultiver par soimême (3). Les sources de connaissance dont on se contente ordinairement sont: 1o des notions si claires qu'on les peut acquérir sans méditation, 2o les sens, 3° la conversation des autres hommes, 4° les livres (4); mais la certitude n'existe pas dans les sens, elle appartient exclusivement à l'entendement lorsqu'il a des perceptions évidentes (5-6). Faute de connaître cette vérité, on a souvent pris pour principes des choses inconnues, comme la pesanteur, le vide et les atomes, le chaud et le froid, le sec et l'humide, le sel, le soufre, le mercure, etc. (7). Les principes que propose l'auteur sont évidens d'eux-mêmes, et on en peut déduire toutes les autres vérités; ces principes sont notre pensée, d'où il déduit notre existence; de notre existence il déduit celle de Dieu; de l'existence de Dieu, sa véracité; de cette véracité, la vérité de tous les objets dont nous avons une perception claire, et il arrive ainsi à démontrer l'existence des corps ou de l'étendue, de la figure et du mouvement (8-9). Pour bien comprendre ce livre il est nécessaire de le parcourir plusieurs fois tout entier (10-11); avant de se livrer aux recherches spéculatives, il est bon de se former une morale provisoire. Dans la spéculation on exercera d'abord son esprit par la logique, non pas celle de l'école, mais par celle qui enseigne à bien conduire sa raison pour découvrir la vérité, telle, par exemple, que la méthode applicable à la solution des problèmes mathématiques. On abordera ensuite la vraie philosophie, dont la première partie est la métaphysique, comprenant les principes de la connaissance : c'est-à-dire les principaux attributs de Dieu, l'immatérialité de nos ames et toutes les notions claires et simples; et dont la seconde est la physique, renfermant trois branches principales: la mécanique, la médecine et la morale (12-14). Les fruits que l'on tirera de ces principes sont: 1o le plaisir de la découverte de certaines vérités ; 2o l'ha

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