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l'ame use de l'intuition pure, afin de remarquer que l'objet qui l'occupe est nouveau; cette intuition, que Descartes appelle réflexion, n'a pas lieu chez l'enfant 1.

§ 5. DE LA VOLONTÉ.

La volonté est tellement libre de sa nature qu'elle ne peut jamais être contrainte; et des deux sortes de pensées que nous avons distinguées, les unes sous le nom d'actions ou de volontés, et les autres de passions ou de perceptions, les premières sont absolument au pouvoir de l'ame, et ne peuvent qu'indirectement être changées par le corps, tandis que les secondes dépendent absolument du corps et ne peuvent être changées par l'ame qu'indirectement, si l'on en excepte les imaginations qu'elle détermine elle-même et les perceptions des choses purement intelligibles, parce que ces perceptions dépendent principalement de la volonté qui nous les fait apercevoir 2,

La connaissance de la toute-puissance de Dieu ne doit pas nous faire rejeter le libre arbitre que nous sentons en nous ō. Nous pouvons suspendre notre jugement tant que nous n'avons pas de connaissances distinctes 4.

La précipitation de nos jugemens ne vient point du tempérament mais de la volonté3.

La force de la liberté est en raison directe de la force du penchant qui nous porte vers l'objet; l'indifférence est le plus bas degré de la liberté 6.

La raison est involontaire, la foi dépend de la volonté.

§6. DE LA NATURE DE L'AME, ET DE LA DISTINCTION DE L'AME ET DU CORPS.

La pensée constitue l'essence de l'ame et ne peut s'en séparer 8.

1 Lettre LVIII.

* Passions de l'ame, première partic, art. 20-41.

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5 Lettre VII et Principes de la philosophie; première partie, 41.

1 Principes de la philosophie, première partie, 39.

3 Lettre XXXI.

Lettre XLVII; quatrième Méditation, no 7, à la fin.

* Letire LX, art. 1or.

* Lettres XLI-LVI; Réponses aux cinquièmes Objections, 10-12.

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La pensée ou la nature pensante est très différente de tel ou tel acte de penser : l'acte varie mais la nature pensante ne varie 1.

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Notre ame peut s'étendre et se contracter quant à sa puissance, mais non quant à son essence 2.

L'attribut essentiel du corps est l'étendue, l'attribut essentiel de l'ame est la pensée; ces deux attributs ne peuvent convenir au même sujet, car ils ne sont pas seulement différens, mais opposés, et nous ne connaissons la diversité des êtres que par la diversité de leurs attributs essentiels 3.

J'ai idée de mon esprit, non pas seulement abstraction, mais encore exclusion faite de l'idée de mon corps 4.

Les choses que je conçois clairement comme complètes en elles-mêmes, et comme distinctes les unes des autres, sont réellement complètes et distinctes : il en est ainsi de la sée, d'une part, et de l'étendue de l'autre 5.

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Pour m'assurer qu'une idée est complète, je dois examiner si je ne l'ai pas abstraite de quelques autres plus complètes ; ainsi, par exemple, que j'abstrais l'idée de figure, de celles d'étendue et de substance. Or l'idée d'une substance qui pense n'est tirée d'aucune autre : donc elle est complète, donc elle est distincte de l'idée du corps 6.

Si l'on suppose que celle de nos pensées qui s'applique à l'idée du corps est matérielle, il faut faire la même supposition à l'égard de celle qui s'applique à l'idée de l'esprit 7.

Nos ames pourraient naître de celles de nos parens sans être pour cela matérielles 8.

1 Lettre LVIII.

Lettre XXVIII, à la fin.

3 Méthode, quatrième partie, 1,2; seconde Méditation 4-7; Principes de la philosophie, première partie, 8, 9; Lettres XXXVII, XXXVIII.

4 Lettres XLVIII-LIV; Inquisitio Veritatis, 42-49.

Sixième Méditation, 8; Réponses aux secondes Objections, 1-6; Lettre LXVII, à la fin.

6 Lettres XLVII-LXX.

Remarques sur les septièmes Objections, 75, 76.

8 Réponses aux sixièmes Objections, 5.

La pensée peut être troublée par les organes, sans en être le produit 1.

L'ame de l'homme n'est pas triple: on ne peut la considérer comme un genre dont la pensée, la force végétatrice, et la force motrice, soient les espèces. L'ame raisonnable est la seule ame humaine, les autres ne sont que certaines disposi tions des parties du corps 2.

Il y a en nous deux principes de mouvement: l'un est immatériel, c'est la substance qui pense; la seule part qu'elle ait au mouvement de notre corps consiste en une certaine inclination de la volonté vers tel ou tel mouvement, d'après laquelle les esprits animaux se dirigent3: l'autre est matériel; ce sont les esprits animaux qui venant du cœur entrent souvent dans les pores du cerveau et dans les nerfs sans la participation de l'ame 4.

Les fonctions de marcher, de manger, de respirer, procèdent de la matière et ne dépendent que de la disposition des organes 5.

§ 7. ORGANOLOGIE, OU RAPPORTS DU MORAL ET DU PHYSIQUE.

L'ame est unie à toutes les parties du corps; elle est présente tout entière à chacune d'elle, mais c'est dans la glande pinéale qu'elle exerce plus particulièrement ses fonctions: l'ame et le corps agissent l'un sur l'autre par l'intermédiaire de cette glande 6.

L'ame ignore les mouvemens qu'elle occasione dans la glande pinéale; c'est en voulant le résultat de ces mouvemens qu'elle les détermine : ainsi elle veut se souvenir, et par-là elle imprime à la glande le mouvement nécessaire à l'exercice de la mémoire 7.

1 Réponses aux quatrièmes Objections, 29, et aux cinquièmes Object., 7-8. 2 Lettre XXXII.

3 Lettres LVIII-LXII.

4 Lettre XXVI; Passions de l'ame, première partie, 13-16.

* Traité de l'Homme, 1-3; Traité de la Formation du fœtus, 1-8; Inquisitio Veritatis, 50-58.

6 Passions de l'ame, première partie, 45-50.

1 Idem, 30; Lettre LXIII.

Les altérations qui arrivent à l'esprit peuvent s'attribuer aux altérations de la glande pinéale 1.

Les divers sentimens extérieurs et intérieurs que l'ame éprouve, tels que la couleur, le son, l'odeur, la saveur, la douleur, la faim, la soif, la bonté, l'amour, la confiance, etc., ne dépendent pas de la figure des parties visibles du cerveau, mais de la manière dont les esprits animaux pénètrent dans les pores du cerveau, qui devient ainsi l'organe du sensus communis, de l'imagination et de la mémoire. Les esprits coulent du cerveau dans les nerfs qu'ils disposent à servir d'organes aux sens extérieurs, et dans les muscles qu'ils enflent et rendent propres à mouvoir les membres 2.

Les passions ont leur siége dans le cœur quand elles affectent le corps, et dans le cerveau quand elles affectent l'ame: elles excitent l'ame à vouloir certaines actions, et elles disposent le corps aux mouvemens nécessaires à ces actions 3.

Quand les esprits enflent pleinement le cerveau, ils constituent l'état de veille; et quand ils ne l'enflent qu'à moitié, l'état de rêve 4.

La sensation n'a lieu que dans le cerveau, c'est ce que prouve l'exemple de ceux qui ressentent de la douleur dans les membres qu'ils ont perdus 5.

Les facultés de sentir et d'imaginer n'appartiennent à l'ame qu'en tant qu'elle est jointe au corps; sans le corps, l'ame ne posséderait que l'intellection

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Les souvenirs de la mémoire physique s'expliquent par les traces imprimées dans le cerveau : les esprits animaux ayant plus de facilité à repasser sur ces traces qu'à en dessiner de nouvelles, de même qu'un linge se plie plus aisément dans ses premiers plis 7.

Les figures ou espèces qui servent à la mémoire résident

1 Lettre LXV.

2 Traité de l'Homme, 7-50-35; Traité de la Formation du fœtus, 8; Passions de l'ame, première partie, 35.

3 Passions de l'ame, première partie, 30-40; Lettre XXXII.

Traité de l'Homme, 34.

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principalement dans le cerveau, mais quelquefois aussi dans les autres parties du corps 1.

L'agitation des esprits animaux peut troubler les cerveaux faibles, mais elle échauffe les forts et les porte à la poésie 2.

La passion de l'ame et l'action du corps sont tellement jointes ensemble, que si l'une revient elle ramène l'autre 3. Cependant les signes extérieurs qui correspondent aux passions peuvent être produits par des causes physiques; par exemple, la rougeur du visage peut venir de la honte ou de la chaleur du feu 4.

Les pensées agissent sur le corps comme le corps sur les pensées : la santé procure la joie et la joie procure la santé 5. Pour éviter la maladie il suffit de se persuader que l'architecture de nos corps est si forte qu'on ne peut pas aisément tomber malade et qu'il est facile de se remettre par les forces de la nature, surtout lorsqu'on est jeune 6.

De ce que l'ame et le corps sont distincts, il n'en résulte pas que l'homme soit un pur esprit : l'ame et le corps sont unis substantiellement 7.

Il est difficile de concevoir en même temps la distinction et l'union de l'ame et du corps: l'ame se conçoit par l'entendement pur; l'étendue, la figure et le mouvement par l'imagination, et l'union de l'ame et du corps par les sens. Il faut donc les comprendre à la fois comme deux choses et comme une seule, et prêter à la pensée une étendue pénétrable, qualité qui est refusée à l'étendue matérielle §.

§ 8. DE L'IMMORTALITÉ DE L'AME.

L'ame raisonnable ne peut dériver de la puissance de la matière; elle est indépendante du corps; et comme on ne

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