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ses à la sagesse ainsi décrite, à savoir que l'entendement
connaisse tout ce qui est bien et que la volonté soit tou-
jours disposée à le suivre, il n'y a que celle qui consiste en
la volonté que tous les hommes puissent également avoir,
d'autant que l'entendement de quelques-uns n'est pas SI
bon que celui des autres. Mais encore que ceux qui n'ont
pas tant d'esprit puissent être aussi parfaitement sages
que leur nature le permet, et se rendre très agréables à
Dieu par leur vertu,
leur vertu, si seulement ils ont toujours une
ferme résolution de faire tout le bien qu'ils sauront, et de
n'omettre rien pour apprendre celui qu'ils ignorent; tou-
tefois ceux qui avec une constante volonté de bien faire
et un soin très particulier de s'instruire ont aussi un très
excellent esprit, arrivent sans doute à un plus haut degré
de sagesse que les autres. Et je vois que ces trois choses
se trouvent très parfaitement en Votre Altesse. Car pour
le soin qu'elle a eu de s'instruire il paraît assez de ce que
ni les divertissemens de la cour, ni la façon dont les
princesses ont coutume d'être nourries, qui les détournent
entièrement de la connaissance des lettres, n'ont pu em-
pêcher que vous n'ayez étudié avec beaucoup de soin tout
ce qu'il y a de meilleur dans les sciences: et on connaît
l'excellence de votre esprit en ce que vous les avez par-
faitement apprises en fort peu de temps. Mais j'en ai en-
core une autre preuve qui m'est particulière, en ce que
je n'ai jamais rencontré personne qui ait si généralement
et si bien entendu tout ce qui est contenu dans mes écrits.
Car il y en a plusieurs qui les trouvent très obscurs,
même entre les meilleurs esprits et les plus doctes; et je
remarque presque en tous que ceux qui conçoivent aisé-
ment les choses qui appartiennent aux mathématiques ne
sont nullement propres à entendre celles qui se rappor-
tent à la métaphysique, et au contraire que ceux à qui
celles-ci sont aisées ne peuvent comprendre les autres:
ensorte que je puis dire avec vérité que je n'ai jamais ren-

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contré que le seul esprit de Votre Altesse auquel l'un et l'autre fût également facile ; ce qui fait que j'ai une très juste raison de l'estimer incomparable. Mais ce qui augmente le plus mon admiration, c'est qu'une si parfaite et si diverse connaissance de toutes les sciences n'est point en quelque vieux docteur qui ait employé beaucoup d'années à s'instruire, mais en une princesse encore jeune et dont le visage représente mieux celui que les poètes attribuent aux Graces que celui qu'ils attribuent aux Muses ou à la savante Minerve. Enfin je ne remarque pas seulement en Votre Altesse tout ce qui est requis de la part de l'esprit à la plus haute et plus excellente sagesse, mais aussi tout ce qui peut être requis de la part de la volonté ou des mœurs, dans lesquelles on voit la magnanimité et la douceur jointes ensemble avec un tel tempérament que, quoique la fortune, en vous attaquant par de continuelles injures, semble avoir fait tous ses efforts pour vous faire changer d'humeur, elle n'a jamais pu tant soit peu ni vous irriter ni vous abattre. Et cette sagesse si parfaite m'oblige à tant de vénération, que non-seulement je pense lui devoir ce livre, puisqu'il traite de la philosophie qui en est l'étude, mais aussi je n'ai pas plus de zèle à philosopher, c'est-à-dire à tâcher d'acquérir de la sagesse, que j'en ai à être,

MADAME

DE VOTRE ALTESSE

Le très humble, très obéissant et très dévot serviteur,

DESCARTES.

TABLE

DES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE'.

PREMIÈRE PARTIE.

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1 Nous donnons la table complète des Principes de la philosophie afin qu'on
puisse voir ce que nous en avons omis et ce que nous en avons conservé.

36. Lesquelles ne peuvent être imputées à Dieu.

37. Que la principale perfection de l'homme est d'avoir un

libre arbitre, et que c'est ce qui le rend digne de louange ou de

blâme.

38. Que nos erreurs sont des défauts de notre façon d'agir,

mais non point de notre nature; et que les fautes des sujets peu-

vent souvent être attribuées aux autres maîtres, mais non point

à Dieu.

39. Que la liberté de notre volonté se connaît sans preuve,

par la seule expérience que nous en avons.

40. Que nous savons aussi très certainement que Dieu a

préordonné toutes choses.

41. Comment on peut accorder notre libre arbitre avec la

préordination divine.

42. Comment encore que nous ne voulions jamais faillir, c'est

néanmoins par notre volonté que nous faillons.

43. Que nous ne saurions faillir en ne jugeant que des choses

que nous apercevons clairement et distinctement.

44. Que nous ne saurions que mal juger de ce que nous n'a-

percevons pas clairement, bien que notre jugement puisse être

vrai, et que c'est souvent notre mémoire qui nous trompe.

45. Ce que c'est qu'une perception claire et distincte.

46. Qu'elle peut être claire sans être distincte, mais non au

contraire.

47. Que pour ôter les préjugés de notre enfance il faut

considérer ce qu'il y a de clair en chacune de nos premières

notions.

48. Que tout ce dont nous avons quelque notion est consi-

déré comme une chose ou comme une vérité : et le dénombre-

ment des choses.

49. Que les vérités ne peuvent ainsi être dénombrées, et qu'il

n'en est pas besoin.

50. Que toutes ces vérités peuvent être clairement aperçues ;

mais non pas de tous, à cause des préjugés.

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