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>> ceti.... Depuis deux jours notre ville est entièrement chan

» gée; on y voit une union, un mouvement qui y étaient >> inconnus auparavant. » Le 14, l'arbre de la liberté fut planté en grande cérémonie sur la place du Dôme. Bonaparte y arriva bientôt avec toute l'armée française, à qui il adressa le 20 mai cette Proclamation:

ARMÉE D'ITALIE.

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Au quartier-général, à Milan, le 1er prairial, an IV.

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«< SOLDATS, vous vous êtes précipités, comme un torrent, du haut de l'Apennin; vous avez culbuté, dispersé tout ce qui s'opposait à votre marche. Le Piémont, délivré de la tyrannie autrichienne, s'est livré à ses sentimens naturels de paix et d'amitié pour la France. Milan est à vous, le pavillon républicain flotte dans toute la Lombardie. Les ducs de Parme et de Modène ne doivent leur existence politique qu'à votre générosité. L'armée qui vous menaçait avec tant d'orgueil, ne trouve plus de barrière qui la rassure contre votre courage; le Pô, le Tessin, l'Adda, n'ont pu vous arrêter un seul jour; ces boulevards vantés de l'Italie ont été insuffisans: vous les avez franchis aussi rapidement que l'Apennin. Tant de succès ont porté la joie dans le sein de la patrie; vos représentans ont ordonné une fête dédiée à vos victoires, célébrée dans toutes les communes de la République. Là, vos pères, vos mères, vos épouses, vos sœurs, vos amantes, se réjouissent de vos succès, et se vantent avec orgueil de vous appartenir. Oui, soldats, vous avez beaucoup fait;.... mais ne vous reste-t-il rien à faire ?... Dira-t-on de nous que nous avons su vaincre, mais que nous n'avons pas su profiter de la victoire? La postérité nous reprocherat-elle d'avoir trouvé Capoue dans la Lombardie ?.... Mais je vous vois déjà courir aux armes; un lâche repos vous fatigue; les journées perdues pour la gloire, le sont pour votre bonheur.... Hé bien! partons, nous avons encore des marches

forcées à faire, des ennemis à soumettre, des lauriers à cueillir, des injures à venger. - Que ceux qui ont aiguisé les poignards de la guerre civile en France, qui ont lâchement assassiné nos ministres, incendié nos vaisseaux à Toulon, tremblent.... l'heure de la vengeance a sonné. Mais que les peuples soient sans inquiétude; nous sommes amis de tous les peuples, et plus particulièrement des descendans des Brutus, des Scipion, et des grands hommes que nous avons pris pour modèles. Rétablir le Capitole, y placer avec honneur les statues des héros qui le rendirent célèbre; réveiller le peuple romain engourdi par plusieurs siècles d'esclavage; tel sera le fruit de vos victoires; elles feront époque dans la postérité; vous aurez la gloire immortelle de changer la face de la plus belle partie de l'Europe. Le peuple français libre, respecté du monde entier, donnera à l'Europe une paix glorieuse, qui l'indemnisera des sacrifices de toute espèce qu'il a fait depuis six ans ; vous rentrerez alors dans vos foyers, et vos concitoyens diront en vous montrant : Il était de l'armée de l'Italie.

» Signé, BUONAPARTE. »

D'un autre côté, les feuilles rapportent que « les séances » de l'Assemblée Nationale batave ont été depuis quelques jours d'un grand intérêt. Plusieurs membres ont fait des >> motions, tendant à augmenter le pouvoir de l'assemblée et à >> modifier le règlement, d'après lequel elle a été convoquée.

- Ainsi la Hollande nous imite; elle fait comme notre Assemblée Nationale qui méconnut ses mandats et usurpa tous les pouvoirs. L'usurpation des pouvoirs est une si bonne chose, que tous les peuples, ou du moins tous les meneurs des peuples, veulent en goûter. Ce fut sur cette usurpation criminelle et flagrante que M. Marchand fit, en 1791, ce couplet, dans sa Constitution en vaudevilles. - Air On compterait les diamans.

Si du pouvoir législatif
S'empare notre aréopage,
Celui qu'on nomme exécutif
Est du bon peuple le partage;
De Louis, qui nous fit la loi,
Ainsi changera l'existence;
Il aura le vain nom de roi,

Et nous en aurons la puissance.

M. A. M. Eymar vient de rendre compte dans le Moniteur, de l'Exposition du système du monde, par Pierre Simon Laplace, l'un de nos savans mathématiciens les plus distingués. Je n'ai pas lu cet ouvrage, ainsi je n'en ferai pas l'analyse. D'ailleurs il est probable que si je le lisais, cette analyse serait au-dessus de mes forces. Il ne faut parler que de ce que l'on sait et de ce que l'on conçoit parfaitement. Je dirai seulement avec M. Eymar:

« Il n'appartenait qu'à une main savante de présenter, comme il devait l'être, ce grand ensemble de découvertes, et en nous montrant la manière dont ces vérités naissent les une des autres, de nous donner la vraie méthode qu'il faut suivre dans l'investigation des lois de la nature. Sous ces deux rapports, la plume ne pouvait être en meilleures mains que dans celles du citoyen Laplace, déjà célèbre en Europe par ses hautes connaissances dans l'analyse et dans la géométrie transcendante; il lui convenait même plus qu'à tout autre de traiter ce beau sujet, puisque, associant sa gloire à celle qu'ont obtenue les savans qui l'ont précédé, il a completté la démonstration du vrai système du monde, en ramenant à la loi de la pesanteur universelle plusieurs principaux phénomènes célestes, qui jusqu'à présent avaient pu s'y refuser. >>

Dans son extrait, l'auteur nomme les astronomes célèbres, tels que Copernic, Ticho-Brahé, Galilée, Descartes. Des

cartes, dit-il, qui, malgré quelques erreurs, a rendu de si importans services à l'esprit humain. Dans cette phrase il

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n'est point d'accord avec Mercier qui, naguère, tympanisait Descartes. Puis il nomme Huyghens, Kepler, Neper, Newton, Cassini, Bradley, Euler, Clairault et d'Alembert, qui pourraient bien se trouver par fraude sur cette brillante liste. Peut-être si d'Alembert n'avait pas été un des philosophes encyclopédistes, on ne lui eût pas si facilement accordé la réputation d'un grand mathématicien. On en a fait un Pascal!... Mais c'était une politesse plutôt qu'une vérité. De nos jours, nous avons à placer auprès de ces grands hommes, Delambre, Legendre, Lagrange et Laplace. Notre portion est assez belle. · Voici la conclusion de M. Eymar:

« Sous le rapport de la composition de l'ouvrage, le Système du monde est un livre très bien fait. Les proportions convenables sont gardées dans toutes ses parties : les phénomènes, leur explication, et la marche de l'esprit humain y sont enchaînés avec méthode, et exposés avec autant de clarté qu'une matière aussi relevée le comporte, et qu'il était possible de les présenter sans le secours de l'analyse : le style en est pur, simple et noble; le ton est partout digne du sujet. » Il y a sûrement un grand mérite à avoir aussi bien ordonné et aussi savamment rempli un si grand tableau. Dans tout l'ouvrage, règne cette sage et rare économie de paroles qui atteste la richesse du fond, la netteté des idées et le bon sens de l'écrivain. Sa philosophie se montre dans le soin qu'il met à éviter le ton dogmatique, mème pour les faits dont personne ne dispute plus, mais qui ne sont pas rigoureusement démontrés. >>

Buonaparte continue à rendre compte de ses victoires. Sa dernière lettre, datée de Milan, du 20 prairial (9 juin),

contient l'épisode suivant: « A Saint-Georges, il y a un couvent de religieuses; elles s'étaient sauvées, car il était exposé aux coups de canon. Nos soldats y entrent pour s'y réfugier et prendre poste. Ils entendent des cris; ils accourent dans une basse-cour, enfoncent une méchante cellule, et trouvent une jeune personne assise sur une mauvaise chaise, les mains garrottées par des chaînes de fer. Cette infortunée demandait la vie; l'on brise ses fers; elle a sur sa physionomie 22 ans. Elle était depuis quatre ans dans cet état, pour avoir voulu s'échapper et obéir, dans l'âge et le pays de l'amour, à l'impulsion de son cœur. Nos grenadiers en eurent un soin particulier; elle a été belle, et joint à la vivacité du climat la mélancolie de ses malheurs. Toutes les fois qu'il entrait quelqu'un, elle paraissait inquiète; l'on sut bientôt qu'elle craignait de voir revenir ses tyrans. Elle demanda en grâce à respirer l'air pur; on lui observa (1) que la mitraille pleuvait autour de la maison: Ah! dit-elle, mourir c'est rester ici. » — Le fait que ce général rapporte est-il bien vrai ? N'est-il pas exagéré ou controuvé ? Ne serais-ce pas même une fable inventée à plaisir, pour suivre les calomnieux systèmes à l'ordre du jour et plaire à l'audacieuse impiété du Directoire ?.... La religieuse a eu tort de vouloir échapper à son vœu et enfreindre son serment; mais peut-on croire que, pour l'en punir, on la tînt constamment enchaînée avec des chaînes de fer, sur une mauvaise chaise?... Ce traitement barbare ne s'accorderait guères avec une religion toute sainte, toute miséricordieuse et toute amour!

(1) Lisez : On lui fit observer.

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