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passer dans la versification françoise les beautés didactiques des Géorgiques de Virgile; l'auteur plein de sel et d'enjouement, qui, sur les traces de Molière, de Boileau et de Pope, soutint la cause du goût et combattit la fausse philosophie; enfin le littérateur célèbre qui, après avoir fait retentir sur la scène les noms de Warwick et de Philoctète, rappela le temps où Quintilien recueilloit les débris de la bonne littérature, et donnoit, par ses écrits, l'exemple et les préceptes de l'éloquence.

Parmi ceux que le dix-huitième siècle semble avoir légués au dix-neuvième pour la gloire des lettres françoises, on distinguera le poëte élégant et harmonieux qui, en peignant la solemnité du Jour des Morts, déploya tous les trésors que la sensibilité et la religion peuvent fournir à une imagination forte et brillante, à vingt ans traduisit Pope, traça pendant une longue proscription, les premiers chants d'un poëme épique, et qui, dans des dissertations littéraires a souvent rappelé la prose des grands écrivains du siècle de Louis XIV.

On n'oubliera pas non plus l'auteur comique, qui, bannissant de son théâtre les petites nuances, la fausse délicatesse et les subtilités métaphysiques, a fait revivre la gaîté de l'ancienne

comédie. Heureux, si la direction dont il s'est chargé lui laissoit le temps d'approfondir les sujets qu'il traite; et de donner à son style, d'ailleurs plein d'élégance et de naturel, surtout en prose, la précision et la pureté qu'il laisse encore desirer.

J'ai cherché à présenter un tableau fidèle des progrès de la langue françoise, et des causes de sa décadence. On a vu que les nouveaux systêmes qui se sont succédés si rapidement dans, le dix-huitième siècle, ont contribué à la faire dégénérer. Le commencement du dix-neuvième, signalé par l'oubli de toutes ces vaines théories, par le retour aux bons principes, et par l'aurore du bonheur public, dont l'âge du Héros qui préside aux destinées de la France nous garantit la durée, annonce la renaissance des lettres, et promet à la patrie de Corneille et de Racine, une époque semblable à ces temps heureux où la langue latine reprit son ancienne splendeur sous les auspices glorieux de Titus et de Trajan.

FIN.

GRAMMAIRE

GÉNÉRALE ET RAISONNÉE.

LA Grammaire est l'art de parler.

Parler, est expliquer ses pensées par des signes que les hommes ont inventés à ce dessein.

On a trouvé que les plus commodes de ces signes étoient les sons et les voix.

Mais parce que ces sons passent, on a inventé d'autres signes pour les rendre durables et visibles, qui sont les caractères de l'écriture, que les Grecs appellent rgáμμara, d'où est venu le mot de Grammaire.

Ainsi l'on peut considérer deux choses dans ces signes. La première; ce qu'ils sont par leur nature, c'est-à-dire, en tant que sons et caractères.

La seconde ; leur signification, c'est-àdire, la manière dont les hommes s'en servent pour signifier leurs pensées.

Nous traiterons de l'une dans la première Partie de cette Grammaire, et de l'autre dans la seconde.

PREMIÈRE PARTIE,

Où il est parlé des lettres et des caractères

de l'écriture.

CHAPITRE PREMIER.

Des lettres comme sons, et premièrement des voyelles.

LES

Es divers sons dont on se sert pour parler, et qu'on appelle lettres, ont été trouvés d'une manière toute naturelle, et qu'il est utile de remarquer.

Car comme la bouche est l'organe qui les forme, on a vu qu'il y en avoit de si simples, qu'ils n'avoient besoin que de sa seule ouverture pour se faire entendre et pour former une voix distincte, d'où vient qu'on les a appelés voyelles.

Et on a aussi vu qu'il y en avoit d'autres qui, dépendant de l'application particulière de quelqu'une de ses parties, comme des dents, des lèvres, de la langue, du palais, ne pouvoient néanmoins faire un son parfait que par l'ouverture même de la bouche, c'est-à-dire,

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