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Les Poésies de Jacques Tahureau, du Mans, édition de Jean Ruelle, in-8°, Paris, 1574; Sonnets, Odes et Mignardises amoureuses, Lyon, 1574. Voir la Bibliothèque françoise, de l'abbé Gouyet; les Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres dans les lettres, du P. Niceron; les Vies (manuscrites) des Poëtes françois, de Guillaume Colletet; les Notes et Préfaces de Michel de La Porte; la Bibliothèque de La Croix du Maine, etc.

SONNETS

La moite nuit sa teste couronnoit,
De mainte estoille au ciel resplendissante,
Et mollement à nos yeux blandissante,
Apres la peine un doux somme amenoit;

Le gresillon aux prez rejargonnoit,
Perçant, criard, d'une voix egrissante;
Et aux forestz jaunement palissante,
D'un teint blafard la lune rayonnoit;

Quand j'aperceu ma nymphette descendre De son cheval, pour à mon col se pendre, Me caressant d'un baiser savoureux.

Devant le jour la nuit me soit premiere, Plus chere aussi l'ombre que la lumiere, Puisqu'el' m'a fait si content amoureux!

Tu pourras bien choisir un serviteur
Ayant en main de plus grandes richesses,
Tout semé d'or, de gemmeuses largesses,
Superbe et fier d'un hazardeux bonheur,

Voire tenant des destins la faveur,
Trop mieux instruict en frivoles addresses,
Plus courtisan à farder ses caresses,
Et ses propos masquez de faulse ardeur.

Mais entre mille, et mille, et mille, et mille,
Tu n'en pourras trouver un moins fragile,
Ne qui t'admire aussi fidellement;

Ou qui au lict lascivement folastre, Sucçant, baisant ta rose et ton albastre, T'aille embrassant autant mignardement.

En quel fleuve areneux jaunement s'escouloit
L'or, qui blondist si bien les cheveux de ma dame?
Et du brillant esclat de sa jumelle flamme,
Tout astre surpassant, quel haut ciel s'emperloit?

Mais quelle riche mer le coral receloit

De cette belle levre, où mon desir s'affame?
Mais en quel beau jardin, la rose qui donne ame
A ce teint vermeillet, au matin s'estaloit?

Quel blanc rocher de Pare ', en ettofe marbrine
A tant bien montagné cette plaine divine?

Quel parfum de Sabée 2 a produit son odeur?

O trop heureux le fleuve, heureux ciel, mer heureuse, Le jardin, le rocher, la sabée odoreuse,

Qui nous ont enlustré le beau de son honneur 3!

Combien de fois dessus ta belle main,
La mignardant de ma bouche lascive,
J'ay delaissé mainte enseigne naïve

Que de ma dent j'y engravois en vain!

Veu qu'en ton cœur, cœur de marbre ou d'erain,

Cette morsure aucunement n'arrive ;

Mais dans le mien, esternellement vive,
D'un souvenir, el' me ronge, inhumain.

Je suis semblable à celuy qui veut prendre,
Et qui, au lieu de ce qu'il veut surprendre,
Dans son filé se voit le premier pris;

Car, te pensant laisser une morsure
D'une mortelle et rampante blessure,
A l'impourveu je me trouve surpris.

t

Paros.

- Du pays de Saba.

Sa glorieuse beauté.

BAISERS

Qui a leu'comme Venus,
Croisant ses beaux membres nus
Sur son Adonis qu'el' baise,
Et luy pressant le doux flanc,
Son col douillettement blanc
Mordille de trop grand' aise;

Qui a leu comme Tibulle,
Et le chatouillant Catulle,
Se baignent en leurs chaleurs;
Comme l'amoureux Ovide,
Sucrant un baiser humide,
En tire les douces fleurs;

Qui a veu le passereau,
Dessus le printemps nouveau,

Pipier, batre de l'esle,

Quand d'un infini retour

Il mignarde, sans sejour 3,
Sa lascive passerelle;

La colombe roucoulante,
Enflant sa plume tremblante,
Et liant d'un bec mignard
Mille baisers, dont la grâce

Celle du cygne surpasse
Sus sa Loede fretillard;

Les chevres qui vont broutant,
Et d'un pied leger sautant
Sur la molle verte rive,

Lors que d'un trait amoureux,
Dedans leur flanc chaleureux,
Ell' brulent d'amour lascive:

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Celuy qui aura pris garde

A cette façon gaillarde

De tels folastres esbas,

Que, par eux, il imagine
L'heur de mon amour divine,

Quand je meurs entre tes bras.

Baise-moy tost mignardement;
Baise-moy colombellement.

Tu ne veux donq que je te touche?
Çà, redonne-moy cette bouche,
Et me baisant soufre qu'un peu
J'esteigne l'ardeur de mon feu.
Ha, là! friande, que mon ame
Se pert doucement en ton basme!
Ne t'endors point de ce sommeil,
Ne t'endors point, mon petit œil,
Ne t'endors point, ma colombelle,
Ne t'endors point, ma tourtereile;
Ha! Dieu, qu'il fait bon mordiller
Ces belles roses, et piller
Un million de mignardises,
Pendant que, par douces feintises,
Ce bel œil nageant à demy,
Contrefait si bien l'endormy,
Cependant que ma mignonnette,
Soutient de sa levre mollette,
Plaine d'un nectar nompareil,
Tant de mols baisers de revcil!

Ne vois-tu pas comme l'aurore,
Ceste envieuse, recolore

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