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Jeanne frémit. «Je n'ai jamais vu, disait-elle, couler le sang d'un Français que mes cheveux ne se dressent sur ma tête.» A sa vue, les fuyards font volte-face; en même temps, Dunois accourt avec des renforts. L'Anglais Talbot, le plus illustre et le plus vaillant des généraux ennemis, vient au secours de la bastille; mais les habitants sortant en masse, il se voit près d'être enveloppé et se retire; après trois heures de lutte, la bastille est emportée. C'était la première bataille de Jeanne et sa première victoire. Elle vit le champ de bataille jonché de morts et pleura. Elle s'était tenue au premier rang dans la mêlée, son étendard à la main, exposée à tous les coups, mais sans frapper elle-même.

(D'après Lefrançais.)

III. Le roi Charles est sacré à Reims.

Le 16 juillet 1429, l'armée française arriva devant Reims; on aperçut les hautes tours de la cathédrale. Reims chassa son gouverneur bourguignon et envoya à Charles les clefs de la ville.

Le sacre eut lieu le jour suivant. Le matin même, Jeanne envoya une lettre au duc de Bourgogne, le priant, «à mains jointes, de par le Roi du ciel, de faire bonne paix avec le roi de France.» Les pairs de France proclamèrent Charles roi de France, et le portèrent à l'autel, où il reçut l'onction sainte des mains de l'archevêque. Jeanne assistait à la cérémonie, debout, près de l'autel, l'étendard à la main.

Le sacre achevé, elle s'avança vers le roi, s'agenouilla et dit en pleurant: «Gentil roi, j'ai accompli la volonté de Dieu, qui voulait que vous vinssiez à Reims recevoir le sacre et montrer ainsi que vous êtes le vrai roi de France.» Les acclamations de la foule firent retentir les voûtes de la cathédrale. «O le bon peuple! murmura Jeanne. Si je dois mourir, je serais bien heureuse que l'on m'enterrât ici. Jeanne, dit l'archevêque, où Je n'en sais rien: je mour

pensez-vous donc mourir?

rai où il plaira à Dieu. Je voudrais bien qu'il lui plût que je m'en aille garder les moutons avec ma sœur et mes frères. Ils seraient si joyeux de me revoir. J'ai fait du moins ce que Dieu m'avait commandé de faire.»> (D'après Lefrançais.)

IV. Jeanne livrée aux Anglais.

Mais Jeanne savait que sa tâche n'était pas achevée, puisqu'il y avait encore des Anglais en France. Le jour même du sacre, elle dit au roi: «Demain, il faut partir pour Paris.>> Mais le roi et son archevêque étaient effrayés des succès de Jeanne et ne lui pardonnaient pas de tout lui devoir.

Jeanne avait le pressentiment d'un malheur, mais elle n'en continuait pas moins de combattre, allant partout où on l'appelait, car sa présence valait une armée.

En 1430 elle se jeta dans la ville de Compiègne, serrée de près par les troupes du duc de Bourgogne. Dans une sortie, il fallut battre en retraite. Elle resta, comme toujours, la dernière. Les défenseurs de Compiègne, craignant de voir entrer les ennemis avec les fuyards, fermèrent trop tôt les barrières du pont. Jeanne demeura isolée avec quelques cavaliers, et, accablée par le nombre, elle fut prise par l'écuyer d'un seigneur du parti bourguignon.

Ce fut un immense cri de joie dans le camp anglais. Mais il fallait se saisir d'elle, puisqu'elle était aux mains des Bourguignons. Elle fut cédée contre une somme de dix mille livres d'or aux Anglais, qui l'enfermèrent à Rouen. Ils lui firent son procès comme à une sorcière et la condamnèrent à mort.

V. Mort de Jeanne d'Arc.

Le 30 mai, dès le matin, frère Martin Ladvenu vint trouver Jeanne dans la prison, pour la préparer à mourir. <<Jeanne, dit-il, votre dernière heure est venue. Vous allez être brûlée aujourd'hui.» A cette nouvelle d'une

mort si proche et si cruelle, la pauvre fille se mit à s'arracher les cheveux et à pousser des cris lamentables.

Vers neuf heures, on passa à Jeanne la chemise longue des suppliciés, et on lui posa sur la tête une mitre représentant des diables. Jeanne monta dans la charrette du bourreau. Huit cents Anglais, portant haches et bâtons, faisaient cortège. Frère Martin Ladvenu et frère Isambard étaient près de Jeanne, lui adressant leurs exhortations. Elle priait et pleurait.

On arriva à la place du Vieux-Marché. Trois estrades étaient dressées. Au-dessus apparaissait le bûcher. Apercevant tout cet appareil et l'horrible instrument du supplice, Jeanne s'écria: «Rouen! Rouen! mourrai-je donc ici?» Et ses sanglots redoublèrent.

Quand Jeanne fut sur l'estrade des criminels, les juges lui lurent la sentence qui la condamnait à être brûlée vive. C'en était fait. Les juges descendirent de leur estrade; Jeanne allait être livrée aux flammes. Alors, par un effort d'énergique volonté, Jeanne refoula toutes ses pensées de la terre. «Donnez-moi une croix!» ditelle. Un Anglais en fit une avec un bâton. Elle la prit, la baisa, et la mit dans son sein. <<Bourreau, à ton office!» répétaient plusieurs voix. Le bourreau saisit Jeanne. Embrassant la croix, elle marcha vers le bûcher. Au-dessus du bûcher avait été dressé un grand échafaudage. Jeanne monta sur cet échafaudage d'où elle était vue de tous, et le bourreau l'attacha au poteau des criminels avec une chaîne de fer.

Voyant le feu

Le bourreau approcha la torche. s'allumer, Jeanne poussa un grand cri: «Jésus! Jésus!» A cette heure suprême, l'évêque de Beauvais s'approcha avec l'espoir d'arracher à la pauvre fille quelques paroles où elle s'accuserait. «Jeanne, dit-il, je viens vous adresser mes bénignes exhortations. Evêque, je meurs par vous», lui répondit-elle avec un ton de doux reproche.

A l'aspect de toute cette foule qui la laissait mourir, Jeanne se reprit à pleurer. «Je vous demande merci à

tous. Je vous donne pardon à tous, s'écriait-elle. Ah! Rouen, Rouen, j'ai bien peur que tu n'aies à souffrir de ma mort!>> Cependant la flamme montait. Le visage de Jeanne s'illumina d'une beauté angélique. Et, fortifiée dans sa foi, elle s'écria: «Oui, mes voix étaient de Dieu! Mes voix ne m'ont pas trompée !>>

Déjà la fumée l'enveloppait. Elle allait être étouffée avant d'être brûlée. Sa tête se tourna radieuse vers le ciel, puis s'affaissa au milieu des tourbillons enflammés. Jeanne expira en murmurant: «Jésus! Jésus !>>

(D'après Joseph Fabre.)

24. La Tour d'Auvergne:

«Le sabre de La Tour d'Auvergne, premier grenadier de France, sera suspendu dans le temple de Mars.>>

Tel est le texte d'un arrêté pris par les consuls de la République française, le 1er Thermidor an VIII, vingt juillet mil huit cent.

Quel était donc le héros à qui s'adressait cet éclatant hommage?

C'était un soldat, un brave défenseur de la France, un savant, que sa modestie tint éloigné des honneurs, et qui pourtant a sa place marquée parmi les gloires de sa patrie.

Entré à l'armée en 1781, en qualité de lieutenant, La Tour d'Auvergne prend part à la guerre de l'indépendance américaine.

Arrive la Révolution. La Tour d'Auvergne embrasse avec ardeur les idées nouvelles. Il est et restera le soldat de la Révolution.

Capitaine de grenadiers, il entre en Italie en septembre 1792. Il brûle de combattre pour sa patrie. L'occasion va lui en être offerte.

L'Espagne, à son tour, a déclaré la guerre. Notre héros est appelé sur les Pyrénées. Il a l'influence d'un

général. Pendant cette seule campagne des Pyrénées, 10 000 prisonniers tombèrent entre ses mains. Il est devenu la terreur de l'ennemi.

Dans un voyage en mer, de Bayonne aux côtes de Bretagne, le navire qui porte La Tour d'Auvergne est capturé par les Anglais. Lui-même est emmené prisonnier à Londres. Il est enfin délivré. Avec sa modeste retraite de capitaine (1300 francs de rente) il s'établit dans sa chère Bretagne, chez son ami Le Brigant. Celui-ci, dont quatre fils avaient déjà servi la France, le prie d'user de son influence pour faire exempter son plus jeune enfant de la conscription. La Tour d'Auvergne s'offre luimême à le remplacer. L'armée l'accueille avec joie.

Il arrive: il revoit les vieux compagnons de ses gloires. Chefs et soldats s'empressent autour du héros qui revient partager de nouveau leurs périls. On lui offre de toutes parts grades et distinctions. Il n'accepte pas plus que par le passé. Il a vécu grenadier, grenadier il veut mourir.

Le grand ministre Carnot lui fit obtenir du Premier Consul un sabre d'honneur, avec le titre glorieux de Premier Grenadier des armées de la République.

L'an VIII retrouve La Tour d'Auvergne en Bavière, dans le corps de Moreau. Au combat d'Oberhausen, il est frappé au cœur d'un coup de lance. Il devait être vainqueur jusqu'à la mort.

Ce fut dans l'armée un deuil universel, quand on apprit la mort de La Tour d'Auvergne.

Un monument fut élevé au héros à Oberhausen; les soldats voulurent conserver son cœur, qui fut enchâssé à la hampe du drapeau, et jusqu'en 1814, à chaque appel des grenadiers, on disait: «La Tour d'Auvergne!» et le plus ancien sous-officier répondait: «Mort au champ d'honneur !>>

(D'après Jost et Lefort.)

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