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pas trop vite. Si tu voles trop vite, tu mettras le feu à

tes plumes.

La rebette promit d'être bien prudente, et la voilà qui vole joyeusement vers la terre. Tant qu'elle est loin, elle se modère, elle ne se presse pas, mais quand elle approche, quand elle voit tous ces regards qui l'attendent et qui l'appellent, elle hâte son vol involontairement . . Ce que le bon Dieu lui avait dit, arriva. Elle apporta le feu, on s'en empara bien vite, mais la pauvre rebette n'avait plus une seule plume. Toutes avaient été brûlées!

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Les oiseaux s'empressèrent autour d'elle. Chacun d'eux s'arracha une plume pour lui faire bien vite un vêtement. C'est depuis ce temps-là que sa robe est grivelotée. Il n'y eut qu'un vilain oiseau qui ne voulut rien donner, c'est le chat-huant. Tous les oiseaux se jetèrent sur lui pour le punir de sa dureté. Il fut obligé d'aller se cacher. C'est pour cela qu'il ne sort que la nuit et que, s'il sort pendant le jour, tous les oiseaux se jettent sur lui et le forcent à retourner dans son trou.

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Ah! oui, j'ai vu ça un jour à Briquebec, dit la petite questionneuse. Un oiseau assez gros volait lourdement. Il avait l'air de ne pas y voir clair. Une foule de petits oiseaux criaient après lui. C'était très drôle. On me dit que c'était un chat-huant que les petits oiseaux chassaient, parce qu'il mangeait leurs petits.

Littératures populaires.

16. La maison de l'Aiguilleur.

Près du rail où souvent passe comme un éclair
Le convoi furieux et son cheval de fer,
Tranquille, l'aiguilleur vit dans sa maisonnette.
Par la fenêtre, on voit l'intérieur honnête,
Tel que le voyageur fiévreux doit l'envier.
C'est la femme parfois qui se tient au levier,
Portant sur un seul bras son enfant qui l'embrasse.
Jetant son sifflement atroce, le train passe

Devant l'humble logis qui tressaille au fracas.
Et le petit enfant ne se dérange pas.

VI.

(François Coppée.)

17. Soleil pour Perroquets.

Un pauvre vieux nègre d'Afrique se tenait immobile devant une boutique où, sous les grillages luisants des volières, s'ébattaient et criaient toutes sortes d'oiseaux multicolores, portant, visible sur leurs ailes, la joie des pays de lumière. Le nègre devint triste: «Oiseaux, mes frères, semblait-il dire, quel est votre secret pour vivre ainsi, heureux et bien portants, dans ces climats glacés ?»

Soudain le nègre se frappa le front de ses deux poings et sourit d'un large sourire. Une annonce stupéfiante était la cause de son étonnement. Derrière la vitre, sur une pancarte, il venait de lire ces mots :

Soleil pour Perroquets.

<<<Soleil pour perroquets? . . . tout s'explique, se disait maintenant le nègre. C'est bien cela, parbleu: Soleil pour perroquets! On vend du soleil aux perroquets, ça leur permet de vivre à Paris. . . . Qui se serait douté de la chose? . . . Soleil pour perroquets! ... Mais ce qui est bon pour les perroquets doit être aussi bon pour les nègres. . . .»

..

Et tout fier de sa découverte, après s'être fouillé, le nègre entra. «Soëi péoqué, sioupé, madam, cing sous pové négue!» baragouinait-il à la marchande qui, sans bien comprendre ce qu'espérait ce nègre, lui remplit cependant, en échange de la monnaie, un grand cornet de graines luisantes et noires.

Le nègre partit radieux, déjà réchauffé, en portant cinq sous de soleil dans un cornet de papier gris. A ce moment précisément, le brouillard s'étant dissipé, un clair rayon cligna de l'œil, par un trou d'azur entre les nuages. Et je n'eus pas le courage, car il ne faut enlever d'illusion à personne, d'apprendre à ce nègre que ce qu'il

venait d'acheter était simplement, vous le devinez, quelques grammes de ces graines de tournesol, plante vulgairement appelée soleil, que les dames ont coutume de donner à leurs perruches en manière de friandise.

(Paul Arène.)

18. Le Voleur et le Savant;

L'abbé de Molières était un homme simple et pauvre, étranger à tout, hors à ses travaux savants. Il n'avait point de valet, et travaillait dans son lit, faute de bois, sa culotte sur sa tête par-dessus son bonnet, les deux côtés pendant à droite et à gauche. Un matin, il entend frapper à sa porte: «Qui va là? Ouvrez . .»>> Il tire un cordon et la porte s'ouvre.

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L'abbé de Molières ne regardant point: «Qui êtesvous? Donnez-moi de l'argent.

Oui, de l'argent.

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De l'argent?

Ah! j'entends, vous êtes un voleur.

Voleur ou non, il me faut de l'argent!

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Vraiment oui, il vous en faut? Eh bien! cherchez là-dedans . . .» Il tend le cou, et présente un des côtés de la culotte; le voleur fouille: «Eh bien! il n'y a point d'argent. Vraiment non; mais il y a ma clef. clef... Cette clef, prenez-la. Allez-vous-en à ce secrétaire; ouvrez!

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Eh bien, cette Je la tiens.

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«Laissez

Le voleur met la clef à un autre tiroir. donc, ne dérangez pas! Ce sont mes papiers. Ventrebleu! finirez-vous? Ce sont mes papiers: à l'autre tiroir, vous trouverez de l'argent. Le voilà. prenez. Fermez donc le tiroir! . . .»

Eh bien!

Le voleur s'enfuit. «Monsieur le voleur, fermez donc la porte. Morbleu! il laisse la porte ouverte! . . . Quel chien de voleur! il faut que je me lève par le froid qu'il fait! Maudit voleur!» L'abbé saute en pied, va fermer la porte, et revient se remettre à son travail, sans penser, peut-être, qu'il n'a pas de quoi payer son dîner. (Chamfort.)

19. Polichinelle.

Le bonhomme Patience faisait métier de montrer des marionnettes, pour divertir gratis les pauvres gens et les petits enfants. Il rencontra un jour Polichinelle, qui avait beaucoup souffert, comme lui, des méchancetés d'un commissaire de police. Ils firent un contrat où furent stipulées les conditions suivantes :

Le bonhomme Patience établirait, au beau milieu des Champs-Elysées, son petit théâtre, et Polichinelle y paraîtrait comme acteur. Celui-ci emploierait son esprit à divertir les pauvres gens qui n'ont point d'argent à dépenser pour leur plaisir, et les petits enfants, qui sont tous simples et bons.

Mais Polichinelle exigea qu'un des acteurs fût habillé en commissaire, afin de pouvoir le bâtonner à son aise.

Le lendemain eurent lieu les débuts de Polichinelle. Quel fut le plaisir du public, surtout quand parut Polichinelle en compagnie du commissaire, et quand s'établit entre eux le dialogue suivant:

GUIGNOL

Le commissaire. Comment vous appelez-vous?
Polichinelle. Comme mon père.

Le commissaire. Et comment s'appelle votre père?
Polichinelle. Comme moi.

Le commissaire. Insolent! me direz-vous votre nom? Polichinelle, montrant son bâton. Et vous, me direzvous le nom de ceci?

Le commissaire. C'est un bâton.

Polichinelle, le frappant.

c'est une flûte!

Sambrrregoi! un bâton!

Le commissaire. Aïe! aïe! Soit! c'est une flûte. Polichinelle, le frappant. Une flûte! malheureux que vous êtes! Ne croyez-vous pas que c'est une trompette? Le commissaire. Aïe! aïe! à l'aide! miséricorde! Oui! c'est une trompette.

Polichinelle, le frappant. Une trompette! impertinent! C'est un clavecin.

Le commissaire. Aïe! aïe! Oui! c'est un clavecin! Polichinelle, l'accablant de coups. Non, sambrrregoi! c'est un bâton! (Au public.) Et voilà, Messieurs, Mesdames, le moyen d'avoir toujours raison!

(D'après Octave Feuillet, Vie de Polichinelle.)

20. Sainte Geneviève.

Au cinquième siècle, la Gaule fut inondée de peuples barbares, les Burgondes, les Wisigoths, les Francs et d'autres. Mais le plus terrible de ces peuples, c'étaient les Huns. Sortis de l'Asie centrale, ils s'étaient avancés vers le Danube; puis ils avaient franchi le Rhin entre Bâle et Mayence et s'étaient étendus en Gaule. Leur chef Attila se faisait appeler le fléau de Dieu.

En ce temps-là vivait au village de Nanterre, près de Paris, une jeune fille, Geneviève, renommée pour sa sainteté. Geneviève résolut de se consacrer au Seigneur, et, après la mort de ses parents, vint vivre à Paris près de sa marraine.

Or voici qu'une grande frayeur s'empara des habitants de Lutèce ou Paris. Les terribles Huns arrivaient. Les plus grandes villes du nord de la Gaule avaient été

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