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De son débris serait cause:
Il n'en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le pot de fer:

Si quelque matière dure
Vous menace d'aventure,
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.

Mes gens s'en vont à trois pieds,
Clopin-clopant, comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés

Au moindre hoquet qu'ils trouvent.

Le pot de terre en souffrait: il n'eut pas fait cent pas, Que par son compagnon il fut mis en éclats,

Sans qu'il eût lieu de se plaindre.

(La Fontaine.)

11. Le singe et le chat.

Bertrand avec Raton, l'un singe et l'autre chat,
Commensaux d'un logis, avaient un commun maître.
D'animaux malfaisants c'était un très bon plat:
Ils n'y craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,
L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage:
Bertrand dérobait tout; Raton, de son côté,
Était moins attentif aux souris qu'au fromage.
Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons
Regardaient rôtir des marrons.

Les escroquer était une très bonne affaire;
Nos galants y voyaient double profit à faire:

Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.
Bertrand dit à Raton: «Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maître.

Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,

Certes marrons verraient beau jeu.»>

Aussitôt fait que dit: Raton, avec sa patte,
D'une manière délicate,

Écarte un peu la cendre, et retire les doigts,
Puis les reporte à plusieurs fois;

Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque;
Et ce pendant Bertrand les croque.

Une servante vient: adieu mes gens. Raton

N'était pas content, ce dit-on.

12. Le nuage et la fleur.

(La Fontaine.)

Dans un grand terrain aride, une pauvre petite fleur était sans forces; sa corolle se penchait; elle avait soif, bien soif! Le soleil était brûlant dans le ciel bleu, et le vent soufflait, un vent chaud qui flétrissait la pauvrette. Enfin, ah! enfin, un nuage blanc paraît à l'horizon. Il s'avance assez vite, poussé par le vent. «Oh! nuage, beau nuage, dit aussitôt la petite fleur en se redressant par un dernier effort, nuage bienfaisant, verse quelques gouttes d'eau fraîche sur ma corolle; tu me feras renaître! Rien que quelques gouttes! . . .»>

Mais le beau nuage passa indifférent, et la petite fleur mourut.

IV. V.

13. Au parloir.

A peine étions-nous sortis, aujourd'hui, du réfectoire pour la récréation de midi, que la voix formidable de Garelou, notre concierge, m'appela:

<<Besnard! ... Besnard! . . .»

J'accourus, les cheveux au vent.

<<Au parloir!>> cria-t-il.

L'instant après, j'étais dans les bras de maman. Mon père était avec elle et tante Aubert aussi.

«Pauvre mignon! . . . Comme il est gentil avec son képi! ... Comme il a grandi! . . . Mais pâli aussi! ... Tu n'es pas malade, au moins, mon chéri ?»

C'est tante Aubert qui parlait.

«Non, merci, ma tante, je me porte à merveille. Je ne me suis jamais mieux porté. Je suis premier en version latine! . . .»

<<Premier! pauvre chéri! Je pense bien que tu es premier! Tu es si intelligent, mon bijou! ... Et toujours à lire, à travailler. Ne te fatigue pas au moins! ne va pas te rendre malade! ...

Allons, tante Aubert, dit mon père en riant, causons sérieusement, Albert: comment te trouves-tu de ta nouvelle vie?

L

Le mieux du monde, cher père, et si seulement je pouvais vous voir plus souvent, je serais tout à fait heureux. Savez-vous qu'il y a cinq grands jours que je vous ai quittés! Il me semble qu'il y a un an.

Mais parle-nous un peu de ta vie, dit mon père. Travailles-tu bien en classe? T'amuses-tu ferme en récréation? Es-tu content de tes camarades, et te trouvent-ils à leur gré?»

Tante Aubert l'interrompit:

<<Es-tu bien nourri? As-tu ton café le matin et a-t-on soin de border ton lit le soir? Pauvre petit, je suis sûre qu'on te néglige beaucoup ... Tu as faim, peut-être ? Voici quelques livres de chocolat que je t'apporte.

Grand merci, tante Aubert, ce n'est jamais de refus. Mais je vous assure que nous sommes très bien. Et grand-papa, comment va-t-il ?

Ah! dit mon père, tu lui manques, mon garçon. Il ne sait plus à qui conter ses histoires, le soir. Nous l'aurions amené avec nous; mais ses maudits rhumatismes l'ont repris. Ah! tu lui manques, mon garçon.

- Et il me manque joliment aussi, allez! Quand je me trouve au lit, le soir, tout seul, dans ce grand dortoir - eh bien! c'est surtout à grand-papa que je pense. Il est si vieux, et il me semble que je ne le verrai plus.

Allons, n'aie pas de ces idées-là, fillot, parle-nous de tes études. Tu as été premier. C'est bien; il faut tâcher de l'être chaque fois...>>

Nous en étions là, quand le tambour roula, et il fallut se séparer.

Maman me serra sur son cœur, tante Aubert exhiba deux ou trois pots de confitures, et de grosses larmes montèrent à ses yeux, tandis que mon père me recommandait encore une fois d'être appliqué.

(D'après Laurie, Mémoires d'un Collégien.)

14. Bonne nuit.

Bonne nuit! bonne nuit!
Loin de nous le jour s'enfuit:
Mais comme un flambeau céleste,
La bonté de Dieu nous reste;
Elle nous garde et nous suit.
Bonne nuit! bonne nuit!

A demain! à demain!
Mais demain est incertain.
Nos paupières vont se clore;
Pourrons-nous revoir l'aurore?
Nous disons peut-être en vain:

A demain! à demain!

15. La rebette.

(Victor Hugo.)

Il fait chaud, très chaud. A l'ombre d'une haie, des petites filles se sont cachées au milieu de grandes fougères. Tout près des enfants, un joli petit oiseau s'était perché sur une branche. C'était un troglodyte.

:

- Ah! une rebette, une rebette! s'écria l'une des petites filles.

Qu'est-ce que c'est que ça, la rebette? demanda une autre enfant nouvellement arrivée dans le pays. Tu ne connais pas la rebette? dit une petite fille beaucoup plus âgée. Regarde! C'est l'oiseau du bon Dieu. Personne ne touche à lui.

La rebette a rendu jadis un grand service à l'homme, reprit la plus grande des petites filles. C'est elle qui est allée chercher le feu au ciel.

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Chercher le feu au ciel!

Mais oui! mais oui! dirent plusieurs petites filles. Jeanne-Marie, raconte l'histoire à Céline, puisqu'elle ne la sait pas.

Oui, oui, raconte, demandèrent en chœur les petites filles, en se rapprochant de Jeanne-Marie.

-

Il y a longtemps, bien longtemps de ça, reprit la grande sœur, il n'y avait plus de feu sur la terre; on ne savait comment s'en procurer. On se dit qu'il fallait en aller chercher chez le bon Dieu. Mais le bon Dieu est bien loin. Qui est-ce qui fera le voyage? On s'adresse aux gros oiseaux. Les gros oiseaux refusent, les moyens aussi, même l'alouette. Pendant qu'on délibérait, la petite rebette écoutait.

Puisque personne ne veut y aller, j'irai, moi.

Mais tu es si petite! Tes ailes sont si courtes! Tu mourras de fatigue avant d'arriver.

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J'essaierai. Si je meurs en chemin, tant pis!

Et la voilà qui s'envole, et elle vole si bien qu'elle arrive auprès du bon Dieu. Le bon Dieu fut bien étonné de la voir. Il la fit reposer sur ses genoux. Mais il hésitait à lui donner le feu. Tu te brûleras, lui dit-il, avant d'être arrivée sur la terre.

La rebette insista.

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Eh bien! Je vais te donner ce que tu me demandes, dit le bon Dieu à la fin. Mais prends ton temps, ne vole

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