Page images
PDF
EPUB

notre temps dans la peinture en décorations il faut citer surtout MM. Ciceri, Philastre, Cambon, Séchan, Diéterle, Despléchin. MM. Bouton et Daguerre, en perfectionnant la distribution de la lumière, ont créé un art nouveau, plein de merveilleux effets, dont il sera question à l'article DIORAMA.

SAINT-AGNAN CHOLER. DÉCRÉPITATION. ( Chimie.) Phénomène qui consiste dans un pétillement avec projection des molécules du corps qui le produit. Il peut survenir toutes les fois qu'un corps présente, dans l'arrangement des molécules qui le composent, une certaine quantité d'eau interposée, et que ce corps est soumis à l'action de la chaleur. Ainsi, les sels en général s'approprient, en cristallisant, de l'eau, qui peut exister, soit à l'état de combinaison avec leurs molécules, soit à l'état d'interposition. Lorsqu'on chauffe ces sels, et qu'ils ne contiennent que de l'eau combinée, ils fondent et passent à l'état liquide sans donner lieu à aucun bruit, parce que chaque molécule de sel se trouve placée à côté d'une molécule d'eau, et que la dilatation de ces dernières se fait avec beaucoup de facilité; mais quand ce liquide est interposé, comme dans le sel marin, par exemple, il se trouve enveloppé de toutes parts par des molécules salines; la même quantité de calorique opérant une dilatation beaucoup plus grande sur la molécule aqueuse que sur les molécules salines, la première tend à écarter celles-ci; il arrive même un moment où elle passe à l'état de vapeur, et alors elle tend à occuper un espace mille six cent quatre-vingt-dix-huit fois plus grand; c'est cette force expansive qui amène la projection au loin des molécules salines qui l'entourent, et le bruit qui se produit provient du choc imprimé à l'air par le passage subit de l'eau de l'état liquide à l'état gazeux, puis à l'état liquide, la vapeur formée étant immédiatement rendue à son premier état par le refroidissement de l'air ambiant. Les sels ne présentent pas seuls ce phénomène : les matières animales projetées sur le feu décrépitent aussi très-fréquemment.

ORFILA et Devergie. DECRET. (Législation.) Avant 1789, ce mot, en France, n'avait de signification populaire et de cours bien établi que dans le sens judiciaire. En procédure criminelle il n'y avait que trois sortes de décrets: 1o le décret d'assigné pour être ouï, simple mandat de comparution pour être interrogé : il était décerné contre l'inculpé d'un fait auquel n'était pas attachée une peine afflictive ou infamante; 2o le décret d'ajournement personnel, aujourd'hui mandat d'amener. C'était un ordre en vertu duquel la force publique devait se saisir de la personne du prévenu, et le contraindre

à se présenter devant le magistrat instructeur. Ce décret pouvait être décerné dans le cas où le décret d'assigné pour être ouï serait demeuré sans effet, et aussi lorsque les charges de l'accusation étaient d'une nature très-grave; 3° enfin, le décret de prise de corps, dans notre droit nouveau le mandat d'arrêt. Il n'y avait lieu à ce décret qu'après une information préalable, et si le fait incriminé entraînait une peine afflictive ou infamante. Pourtant il pouvait être décerné sans avoir été précédé de l'information, tant dans le cas de crime flagrant que dans celui de désobéissance au décret d'ajournement personnel, contre les vagabonds sur la plainte du ministère public, et contre les domestiques sur la plainte de leurs maîtres. A ces restrictions près, la liberté individuelle semblerait avoir été suffisamment garantie, autant au moins que le comportent les nécessités de l'ordre public, par cet ensemble de dispositions. Mais, par malheur, au-dessus de la loi commune se plaçait l'arbitraire des lettres de cachet, qui la réduisait souvent au silence; et, par suite, il n'était pas de citoyen qui fût assuré de ne pas être jeté, du jour au lendemain, dans un cachot, et qui ne pût y être enseveli à toujours, sans cause, sans explication et sans aucune forme de procès.

En matière civile, il y avait le décret forcé et le décret volontaire. Le décret forcé était la voie d'exécution ouverte aux créanciers pour arriver à faire vendre judiciairement les immeubles de leurs débiteurs. Il exigeait une procédure compliquée et féconde en frais énormes, dont notre première loi sur la saisie immobilière a recueilli les principales formalités. Le décret volontaire avait pour but d'affranchir de toute hypothèque et de toute charge dans les mains des acquéreurs les immeubles qui leur avaient été vendus.

La révolution, en changeant la législation ancienne, a effacé le mot décret de notre langue judiciaire; elle l'a porté dans une sphère plus haute, et l'a rétabli dans son acception originaire. A la fin de 1789 il fut adopté pour désigner les actes de l'Assemblée nationale, lesquels ne devaient prendre le nom de lois qu'après avoir été sanctionnés par le roi. Le 24 juin 1790 cette distinction fut abolie, et il fut décidé que le nom de décret s'appliquerait à tous les actes du Corps législatif. De ce jour loi et décret furent une même chose; mais sous le Directoire le mot décret cessa d'être employé. Deux chambres ayant été créées, les décisions de l'une, du conseil des Cinq-Cents, furent appelées résolutions, et celles de l'autre, du conseil des Anciens, prirent le nom de lois. Le mot décret reparut avec l'empire, et fut l'intitulé de tous les actes de la volonté individuelle de l'empereur. C'est par des décrets que Napoléon fonda son des

potisme parmi nous, et tenta d'imposer sa souveraineté à l'Europe. Le sénat pouvait at. taquer ces décrets dans les dix jours de leur publication, et les déclarer nuls, en tant qu'ils élaient contraires à la constitution; mais il ne sut se souvenir de son droit que le jour où il vit son maître vaincu, et il n'osa en user qu'alors qu'il se sentit protégé contre lui par les armes de l'étranger. Depuis cette époque les ordonnances ont été substituées aux décrets, et le mot est tombé en désuétude. Il n'a plus aujourd'hui de signification acceptée, ni dans nos mœurs, ni dans notre langue. D. DÉCRÉTALES et FAUSSES DÉCRÉTALES. (Droit canonique.) Ce sont des épîtres, les unes émanées d'anciens papes, les autres faussement attribuées à certains d'entre eux, lesquelles contiennent la solution d'un grand nombre de questions de discipline ecclésiastique, ou réputées telles, qui leur auraient été proposées par des juges d'église, évêques ou autres, et même par des particuliers. Introduites dans le corps du droit canonique, elles y ont pris une place considérable; et, grâce à l'ignorance et au désordre des sociétés européennes au moyen âge, elles ont contribué à étendre et à affermir la suprématie de la papauté, non-seulement sur toutes les églises, mais à beaucoup d'égards aussi sur le pouvoir temporel des rois.

La première collection de décrétales qui ait été faite est due au moine Denys le Petit, qui vivait à Rome vers l'an 550. Cette collection comprend, outre les décrétales des pontifes qui se sont succédé sur le saint-siége, depuis Sirice, en 385, jusqu'à Anastase II, les canons dits apostoliques et ceux des conciles, et est connue sous le titre de Code des canons. Elle fut envoyée par le pape Adrien à Charlemagne, qui n'hésita pas à l'adopter, et depuis elle est restée en France, et y a formé le droit commun dans toutes les matières de discipline. Mais sur la fin du huitième siècle, ou au commencement du neuvième, il fut apporté d'Espagne et répandu dans tout le royaume, par les soins de Riculfe, archevêque de Mayence, une seconde collection, dans laquelle figurent des décrétales de plus de soixante papes, depuis saint Clément, qui fut un des disciples de saint Pierre, jusqu'à Sirice, quoique Denys, qui devait être bien informé, déclare avoir recueilli tout ce qui en avait été fait jusqu'à lui. Cette collection porte le nom d'un certain Isidore, que l'on croit avoir été évêque de Badajoz vers 750, et surnommé par les uns Peccator par les autres Mercator.

La frauduleuse supposition de ces décrétales était évidente, et pour s'en convaincre il n'était pas besoin de la déclaration de Denys. Leur style est le même d'un bout à l'autre, barbare et rempli de solécismes et d'expres

sions qui se rapportent au huitième siècle, et les anachronismes qui y abondent, à ce point qu'on y retrouve des passages de Pères et de conciles d'un temps postérieur à celui où vécurent les papes à qui elles sont imputées, suffisaient pour la faire reconnaître. Mais l'esprit de critique n'était pas encore né, ou plutôt ce grand nom de pape avait déjà une si imposante autorité, qu'il empêcha de discuter alors ouvertement le mérite de ces décrétales. Elles passèrent donc, ou à peu près; on en inséra plusieurs articles dans les capitulaires, et souvent elles furent alléguées utilement.

Ces fausses décrétales, entre autres dispositions, restreignirent ou annulèrent la puissance des archevêques sur leurs suffragants, retirèrent aux conciles et aux synodes provinciaux le droit de juger les évêques, et attirèrent en cour de Rome la connaissance par voie d'appel de toutes les causes ecclésiastiques. Aussi soupçonna-t-on moins un pape que quelque évêque à qui pesait la sujétion de son métropolitain, de les avoir fabriquées. Cependant, elles venaient grandement en aide à l'ambition des souverains pontifes; car elles ne tendaient à rien moins qu'à concentrer un jour entre leurs mains le pouvoir absolu. Ils le comprirent à merveille, et firent de leur mieux pour en obtenir l'exécution.

Le pape Nicolas Ier, vers 860, tenta le premier d'y soumettre la France, en ce qui touche le jugement des évêques. Nos prélats s'y opposèrent tout d'abord, comme à une nouveauté illégitime, et l'archevêque de Reims Hincmar lui répondit, en leur nom, que ces décrétales ne devaient pas avoir force de lois en France, puisqu'elles n'avaient pas été insérées dans le Code des canons reçu par l'Église gallicane. Mais ces raisons touchèrent peu la papauté, qui persista dans ses prétentions, et finit par triompher. Il en résulta par la suite pour les papes une sorte de droit implicite de tout réglementer au gré de leurs vouloirs. De là un nombre infini de vraies décrétales entées sur les fausses, et au moyen desquelles s'accomplirent les plus énormes et les plus désastreuses usurpations d'autorité.

Sous le pontificat d'Eugène III, en 1150, Gratien, moine bénédictin de Saint-Félix et de Saint-Nabor de Bologne, ayant ajouté au recueil d'Isidore les décrétales composées depuis, réunit le tout dans un recueil intitulé : Concordantia discordantium canonum, et que dans le droit canonique on a appelé le Décret. Bien que destitué de toute autorité publique, n'ayant été sanctionné par aucun pape, ce recueil fut partout accueilli avec applaudissement, expliqué dans les écoles, invoqué devant les tribunaux, et presque universellement suivi.

Comment, après cela, eût-il été possible

aux papes de ne pas faire des décrétales ? Elles étaient si facilement obéies, si bien dans les vues de Dieu, sans doute, accessoirement si profitables aux intérêts de leurs finances et aux intérêts de leur domination! Ils continuèrent à faire des décrétales, et beaucoup, lesquelles furent successivement recueillies, comme œuvres saintes et règles infaillibles. Mais de toutes les collections faites depuis le Décret de Gratien la plus complète et la plus accréditée est celle qui fut composée en 1234, sous les yeux et d'après les ordres de Grégoire IX, par Raymond de Peynafort, religieux catalan de l'ordre de Saint-Dominique. Méthodique et mieux ordonnée que les précédentes, elle embrasse tous les décrets du grand concile de Latran, tenu en 1215, et les décisions des papes sur une multitude de procès, non plus restreintes à des lieux et à des cas particuliers, mais avec le caractère de lois générales. Ces lois sont divisées en cinq livres, dans un ordre que résume assez bien ce mauvais vers latin: Judex, judicium, clerus, connubia, crimen.

Le premier livre traite du droit canonique en général, et des différents juges qui ont droit de connaître des matières, soit civiles, soit criminelles, ressortissant aux tribunaux ecclésiastiques; le deuxième est consacré aux formes de la procédure à tous les degrés de juridiction, depuis le tribunal de l'évêque et de son official jusqu'à celui du pape; le troisième est relatif aux affaires civiles, et particulièrement à celles qui concernent les clercs; le quatrième s'occupe du mariage, de sa nature toute religieuse, et des conditions requises pour qu'il soit valable; et, enfin, dans le cinquième sont énumérés et précisés les crimes et les peines aux. quelles ils peuvent donner lieu. Cette collection est proprement ce qu'on appelle les Décrétales.

Sur le fondement des décrétales attribuées à Isidore les papes avaient établi le principe de juridiction supérieure universelle; ils s'étaient arrogé la suzeraineté la plus illimitée et le droit de promotion à toutes les dignités et à tous les bénéfices ecclésiastiques. Puis, de conséquence en conséquence, ils en étaient venus au point d'absorber réellement en leurs mains, ou en celles de leurs délégués, la plus grande partie du pouvoir judiciaire, voire même de lever des tributs de toute espèce sur les terres et sur les églises de France. Louis IX, effrayé de tous ces empiétements, leur barra bien un peu le chemin par sa pragmatique sanction, pieusement publiée en 1268, dans le double but de restituer la vie aux anciennes franchises de l'Église gallicane', et d'empêcher les exactions pécuniaires par lesquelles la cour de Rome appauvrissait misérablement son royaume. (Ce sont ses expressions.)

Toutefois, il ne put y réussir qu'à demi. Lai

source des décrétales était intarissable, et trente ans plus tard il était déjà devenu nécessaire d'en faire une nouvelle collection. Boniface VIII, d'ambitieuse mémoire, satisfit à ce besoin en 1298, en ajoutant à l'œuvre de Grégoire IX un sixième livre appelé pour cela le Sexte, et qui comprend les décrets des deux conciles généraux de Lyon, ou, pour mieux dire, les décrétales des papes qui y ont présidé, savoir : Innocent IV, au premier, qui eut lieu en 1245; et Grégoire X, au second, en 1247. En ce temps-là, heureusement, Philippe le Bel régnait en France. Roi quelque peu rude et mal fait au joug, de sa nature batailleur, et, en face des exigences de la guerre, l'argent lui faisant défaut, d'une conscience facile jusqu'à oser y remédier par l'altération des monnaies, il puisa dans la nécessité, non moins que dans son caractère, la force de refuser d'admettre Boniface au partage des décimes qu'il arrachait au clergé de ses États. Irrité de ce refus, le pape, pour s'en venger, créa de son propre mouvement un évêché à Pamiers, et eut l'audace de faire porter par le prélat qu'il y avait nommé l'ordre au-petit fils de saint Louis de partir pour une nouvelle croisade. Mais le roi, au lieu de s'humilier et d'obéir à cette injonction, fit jeter en prison l'envoyé du pape; ce qui aussitôt entraîna par représailles la mise en interdit de tout le royaume. La querelle ainsi engagée, Philippe se hâta d'assembler les trois ordres, qui, sur l'exposé de ses griefs, décidèrent, d'un consentement presque unanime, qu'on appellerait au futur concile et au futur pape de tout ce qui avait été fait par Boniface VIII; après quoi il ne fut tenu aucun compte de ses excommunications, et une ordonnance royale défendit d'enseigner le Sexte dans les écoles, et de le citer comme loi devant les tribunaux.

Depuis cette époque le corps du droit canonique s'est néanmoins encore enrichi de deux collections de décrétales, connues sous le nom d'Extravagantes, et ainsi désignées pour marquer qu'elles étaient demeurées en dehors des autres compilations, et notamment du décret de Gratien, qui était le code principal de l'Église. Déjà, et par la même raison, le mot extra avait été appliqué par les canonistes aux décrétales de Grégoire IX. De ces deux collections la première, mise au jour par Jean XXII, renferme tant les décrets du concile général de Vienne, présidé par Clément V, en 1311, que les épîtres ou constitutions particulières de ce pape, d'où lui est resté le nom d'Extravagantes de Clément V, ou Clémentines; la seconde, appelée les Extravagantes communes, contient les décrétales de divers papes qui ont occupé le saint-siége de 1260 à 1483, depuis Urbain IV jusqu'à Sixte IV. Sont venues ensuite les bulles,

dont nous avons déjà parlé (Voyez ce mot), et qui étaient à peu près la même chose avec un autre nom.

Ce qu'il faut remarquer maintenant, c'est que le recueil de décrétales fait par Denys le Petit est le seul qui ait été solennellement accepté en France. Les autres, ni la collection d'Isidore, ni le Décret de Gratien, ni les Décrétales de Grégoire IX, ni le Sexte, ni les Extravagantes, n'y ont jamais eu authentiquement force de loi. Et cependant, en fait, ces recueils y ont peu à peu tout pénétré de leur esprit.L'autorité qui ne leur avait pas été légalement reconnue, ils l'y ont prise à la faveur des ténèbres répandues sur le monde, et à l'abri du sentiment religieux qui était partout dominant; et, maniés par des mains habiles, ils y ont, durant plusieurs siècles, asservi la conscience des peuples, celle des rois et celle des grands corps de justice; ils ont, enfin, comme légitimé les simonies et les rapines les plus scandaleuses au profit de la cour de Rome. Ce n'est pas que tous les règlements qu'ils contiennent aient été indistinctement observés. Un grand nombre ont toujours été sans puissance immédiate; mais, alors même que ces articles n'étaient pas littéralement suivis, on ne laissait pas que de leur faire le même honneur qu'à certains monuments de la législation romaine, que l'on étudie et que l'on considère comme la raison écrite. Et quand la critique attentive et éclairée du dix-septième siècle eut achevé de démontrer la fausseté des décrétales rapportées par Isidore, et enlevé toute base à l'édifice fondé sur ces décrétales, il était trop tard: bien des abus qu'elles avaient autorisés n'en subsistèrent pas moins, couverts par leur ancienneté.

F. Walter, Manuel du droit ecclésiastique de toutes les confessions chrétiennes, trad. de l'allemand par A. de Roquemont; Paris, 1840, in-8°.

Wassaschleben, Beitrage zur Geschichte der falschen Decretalen; Breslau, 1844, in-8°. Mémoires du clergé, tom. VII et X.

Dupin, Manuel du droit public eeclesiastique français, Paris, 1844.

Durand de Maillane, Histoire du droit canon; Lyon, 1770, in-12.

D.

DÉCREUSAGE ou DÉCRUSEMENT. (Technologie.) Ces mots se disent indistinctement, dans la langue des teinturiers, de la préparation que l'on fait subir à la soie pour lui enle. ver la matière gommeuse ou gélatineuse qui enveloppe les fibres. Cette préparation consiste à faire tremper et cuire les soies, tissues ou divisées en écheveaux, dans deux ou trois bains successifs, chauffés par la vapeur, et qui contiennent des quantités décroissantes de savon blanc ou de sous-carbonate de soude,etc. On lave ensuite et dégorge les soies dans de l'eau claire; puis on les blanchit en les ex

posant, lorsqu'elles sont encore humides, à l'action du gaz acide sulfureux, etc.

En un mot, le décreusage comprend trois opérations distinctes et dépendantes de l'art du teinturier : le dégommage', la cuite, et le soufrage. Ces trois opérations exigent de l'habileté, et une foule de soins minutieux sans lesquels on risque d'altérer la force et le brillant de la soie. Voy. SOIE.

La distinction établie par l'Académie, dans son Dictionnaire, entre le mot Décrument, qu'elle définit : « l'action de préparer, par une

lessive, du fil ou de la soie à recevoir la << teinture, » et le mot DÉCRUSEMENT, ou «< ac«<tion de mettre des cocons dans l'eau bouil<< lante, pour en dévider la soie avec facilité; >> cette distinction, disons-nous, n'est pas justifiée par la pratique; ces deux mots n'en sont qu'un, et leur étymologie prouve que l'opération qu'ils expriment, et que nous avons décrite, a pour but principal d'enlever à la soie son écru, pour la rendre propre à la teinture. Or ce but n'est pas atteint quand on fait bouillir de la soie écrue, blanche ou jaune, dans de l'eau pure, même pendant un temps assez long. On ne lui enlève ainsi qu'une très-faible partie de sa substance gélatineuse, et on ne la décolore pas. Or, la décoloration complète de la soie jaune est indispensable pour obtenir certaines couleurs claires, uniformes et brillantes. Ainsi, nous le répétons, le décreusage s'entend toujours et uniquement de la préparation qui a pour but de dégommer et de décolorer la soie. Toute autre définition est fausse. Il en est notamment ainsi de celles que donnent plusieurs auteurs, qui disent le décrusement, le décreusement de la laine, du lin, etc., pour désigner le blanchissage et le blanchiment de ces matières. Voyez SOIE et TEINTURE.

R. de L.

DÉDIT. (Jurisprudence.) Stipuler un dédit c'est s'engager à payer une certaine somme ou à fournir une indemnité quelconque, en cas d'inexécution d'une obligation. Ce mot, au reste, n'appartient pas à la langue technique du droit. Il se dit de ce que les jurisconsultes appellent la clause pénale d'une obligation, c'est-à-dire, la convention accessoire par laquelle les parties fixent les dommages-intérêts qui seront dus au créancier à raison de l'inexécution ou du retard dans l'exécution d'une obligation principale. Le dédit, ou la clause pénale, est, comme on voit, la sanction de l'obligation. Cette stipulation d'une clause pénale est une loi que les parties s'imposent à elles-mêmes, et dont il est interdit au juge de les affranchir; l'art 1134 du Code civil est formel à cet égard. Le juge peut toutefois modifier les peines, lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie.

Les jurisconsultes font de nombreuses et essentielles distinctions entre la clause pénale et les obligations facultative, alternative, et conditionnelle. Il nous paraît inutile d'entrer ici dans ces distinctions, qui, du reste, excé deraient de beaucoup et les limites de cet ar ticle et les explications nécessaires à l'intelligence du mot Dédit. ÉMILE BOUCHER.

DÉDUCTION. (Logique. ) Tirer une vérité particulière d'un principe général, nécessaire ou contingent, absolu ou relatif, c'est déduire; de même que s'élever de vérités particulières à un principe général c'est induire.

L'induction monte du particulier au général; elle mène ou conduit des phénomènes à leurs lois. La déduction descend, et, comme l'exprime son nom, ramène ou reconduit du général au particulier, du principe ses applications. La première fait entrer, engage et, pour ainsi dire, emboîte les éléments constitutifs de l'ensemble dans leur généralité; la seconde les en fait sortir, les en dégage. Les deux opérations sont inverses, et elles se supposent l'une l'autre, la première ne pouvant exister sans la seconde, et la seconde trouvant son moyen de vérification dans la première.

La déduction, en effet, suppose la connais. sance préalable du général : cette connaissance nous vient de deux sources fort différentes; et le général lui-même est différent suivant sa source. L'intuition spontanée de la raison nous donne un général nécessaire et absolu, tous les principes évidents par eux-mêmes et qu'on appelle axiomes l'induction nous donne les vérités générales contingentes relatives, et soumises à révision et à perfectionnement, parce qu'elles sont le fruit de l'expérience, de la comparaison, de l'analyse et de la synthèse, en un mot, de la classification.

:

Ainsi, les principes généraux, absolus ou nécessaires, étant le produit spontané de la raison, c'est-à-dire le résultat d'une vue immédiate et première des rapports qui existent entre deux idées, nous sont donnés par la nature. De même les vérités particulières de même ordre, c'est-à-dire également absolues, que nous en tirons, grâce aux idées intermédiaires qui s'échelonnent intuitivement aussi entre les prémisses et la conclusion à dégager, nous les devons tout entières encore à la nature. C'est ce que nous voyons dans les mathématiques et les sciences de raisonnement pur. Ici nous ne mettons rien du nôtre dans la matière de la déduction. Mais, au contraire, les principes généraux de l'ordre contingent nous sont donnés par l'art, en ce sens qu'ils sont notre œuvre, le produit de l'induction. Ici donc, lorsque nous recherchons une vérité particulière, il n'est pas

étonnant, il est tout simple et logique que nous y réussissions, puisque nous ne faisons que retirer d'un principe général, par la déduction, ce que nous y avions préalablement mis par l'induction ou la classification. Il en est ainsi dans toutes les sciences d'observation, et partout où les généralités sont le produit des classifications naturelles ou artificielles.

Par exemple je veux savoir si Jacques est susceptible d'errer : et je sais; pour seule donnée, qu'il fait partie du genre humain, qu'il est homme; or, par les classifications préalablement faites de la plupart des êtres terrestres, tous les hommes ont été réunis dans un genre à part, avec l'indication ou l'étiquette de tous les attributs et qualités qui leur sont communs, et aussi de tous ceux qui les différencient des autres genres et des autres êtres donc, il est tout naturel que si les hommes en général sont susceptibles d'errer, je le saurai si j'ai l'idée convenable du genre humain; et que s'il en est ainsi je pourrai affirmer de l'individu Jacques ce qui a été reconnu vrai du genre humain : car il résulte trop visiblement de la nature des classifications, et de la formation des genres et des espèces, c'est-à-dire de l'engendrement des lois générales contingentes, que tout ce qui est vrai et connu du genre est vrai et doit être affirmé de l'espèce; et que tout ce qui est vrai de l'espèce doit être affirmé de l'individu en tout temps, en tous lieux.

Là est tout le secret de la déduction, dans les sciences d'observation. Seulement ce procédé implique dès le principe de l'induction et, par suite, de la déduction, la croyance irrésistible, naturelle (et partant nécessaire) que l'identité des effets et des phénomènes emporte l'identité de cause et de substance; ou, ce qui revient au même, que dans les mêmes circonstances et dans les mêmes substances les mêmes effets résultent des mêmes causes; ou, en d'autres termes encore, que tout se fait dans l'univers physique et moral en vertu de lois stables et générales; d'où il suit qu'on peut affirmer aujourd'hui et demain des individus et des genres ce qu'on en affirmait hier; et de même, par conséquent, affirmer des individus ce qu'on a un jour affirmé du genre,

etc.

Remarquons en outre que l'intuition résulte toujours d'une vue immédiate du rapport existant entre deux idées; mais que le raisonnement et, par conséquent, la déduction et la démonstration ont toujours, au contraire, besoin d'un troisième terme au moins, et très-souvent d'un grand nombre de données intermédiaires, avant de permettre à l'esprit de saisir le rapport qui est entre la vérité générale et la vérité particulière à induire ou à démontrer. C'est pourquoi toute déduction

« PreviousContinue »